Analyse thématique des films Matrix 1 et 2

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Avant-propos : cet article se lit en complément du dossier “Explication de la trilogie MATRIX“. Les thématiques et angles abordés par les auteurs respectifs sont différents. Bonne lecture !

La matrice à histoires

La trilogie Matrix a non seulement été un énorme succès commercial, satisfaisant à tous les codes du blockbuster hollywoodien, mais elle a aussi suscité une vague déferlante de commentaires. Internautes, journalistes et mêmes universitaires ont écrit d’innombrables articles et des dizaines de livres. Cependant, cette frénésie interprétative trouve moins son explication dans la qualité des films ou la cohérence du monde représenté que dans l’offre proposée sur le marché des théories. On sait que les Wachowski ont imposé des lectures à Keanu Reeves, notamment Baudrillard en anglais et qu’ils ont déclaré avoir voulu réaliser « un film d’action intellectuel ». De fait leurs films, du moins les deux premiers (je n’ai pas vu le troisième), sont saturés de références qui s’entrecroisent et se brouillent dans un contenu disparate. De tout ce bric-à-brac, mêlant philosophies occidentales et orientales, judaïsme, christianisme, bouddhisme, taoïsme, gnosticisme, tradition et modernité, il en ressort ce que chacun veut y puiser comme dans une gigantesque hotte du Père Noël. Là où le film à épisodes fonctionne, ce n’est pas comme véhicule de sens mais comme matrice à histoires. Il n’y a pas un message à décrypter ou une leçon à retenir, mais des pistes à emprunter selon les inclinations, les marottes de chacun.

Dans ce grand supermarché, vous pourrez trouver, en vrac : le mythe de la caverne de Platon, une initiation religieuse, une leçon d’arts martiaux, une réflexion sur la liberté de l’homme, du clonage express, une méditation sur le simulacre et la réalité, une course poursuite en automobiles, une rencontre avec un dieu, des anges déchus, du sexe, des jeux vidéo, du jargon informatique, des scènes de combats, des clins d’œil littéraires, et j’en passe. Le tout mis en images à cent à l’heure avec des acteurs androgynes qui portent des lunettes noires en l’absence de tout rayon de soleil parce que ça fait cool et des grands manteaux qui doivent être bien encombrants et lourds, mais c’est la mode. On n’en faisait plus comme ça depuis la guerre pour les officiers Allemands. C’est du recyclage.

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Ce patchwork de motifs religieux, philosophiques et politiques entraîne le spectateur non vers des impasses mais vers des chemins qui bifurquent. Tel récit qui évoque une guerre de libération nous parle sans transition d’un Etat totalitaire ; les victimes deviennent les bourreaux. Tel effort de libération intérieure ne débouche pas sur la vie contemplative mais sur l’affrontement physique. Tel mythe ou légende va se trouver détourné ou retourné simplement pour pouvoir être formulé en termes convertibles du langage cinématographique pour tous. Cet aspect hétéroclite est source de réflexion : Le film se présente comme la matrice d’autres films ou d’autres versions possibles. Le spectateur devrait alors s’intéresser davantage au fonctionnement et aux opérations de la machine (cinématographique) plutôt qu’à un contenu particulier. Les systèmes philosophiques et religieux qui fonctionnent comme des machines théoriques sont branchés sur le film-machine (la matrice) mais n’en fournissent pas le mode d’emploi. C’est le film qui rend possibles les différentes théories qu’on y reconnaît. C’est pourquoi tous ces lieux communs théoriques et familiers ne donnent pas l’impression d’être plaqués sur un mauvais scénario mais sont quand même insuffisants. Ce sont des explications possibles, des piste intéressantes, mais elles n’épuisent pas la réalité. La réalité du film est celle d’une mise en scène à grand spectacle, une machine à sous (gros bénéfices) mais aussi une machine à pensées sous formes de commentaires sur les forums. Le film produit de la réflexion comme il produit des effets spéciaux et des images, à toute allure et dans une certaine confusion narrative. Nous pensons sous le régime du cinéma de (science) fiction.

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