Critique Dalton Trumbo de Jay Roach

dalton trumbo

D’emblée, le sujet et le choix d’un biopic politico-culturel sur un personnage que peu de personnes connaissent finalement, peut sembler fastidieux ou alors trop intellectuel pour intéresser le plus grand nombre. Les films politiques tels que « Les marches du pouvoir » ou encore « Frost/Nixon », n’ont pas toujours eu le succès escompté et cela est compréhensif. Lorsque le parcours d’un personnage devient trop impersonnel au point que nous ne le comprenions plus ou qu’il ne nous touche pas assez pour qu’il y ait un véritable impact sur notre inconscient trop « populaire », le film perd évidemment de son charme.

Synopsis

1950. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique se dégradent et la peur de la « menace communiste » bat son plein.C’est dans ce contexte que la Commission des Activités Américaines enquête sur des dizaines de milliers d’Américains soupçonnés d’être des sympathisants pro communistes.
Dalton Trumbo, fervent communiste, mais avant tout écrivain et scénariste le plus talentueux d’Hollywood, ainsi que d’autres de ses amis artistes, a été emprisonné et radié de toute la scène cinématographique, pour la seule raison d’avoir émis un avis politique différent de celui de ses confrères.

Critique

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Seulement avec Dalton Trumbo, il n’en est rien. Les sujets englobent, il est vrai, les sphères politiques et culturelles mais le film ne respire et n’aspire, en aucun cas, au « barbantisme ».
Il y a, à cela, une raison simple : la complexité et les contradictions que génèrent le personnage de Dalton Trumbo. Tout d’abord, oubliez les codes manichéens trop simplistes du « gentil » et du « méchant » car dans ce film, cela n’existe pas. A une époque où le mot peur n’est pas encore sorti des mœurs, il est plus facile de se dire que tout le monde a tort ou que tout le monde a raison.
Dalton Trumbo était un personnage paradoxal, et c’est cela qui le rendait aussi intéressant à beaucoup d’égards. Sa contradiction la plus notoire et, ce que beaucoup lui reprochaient, c’est qu’il était communiste alors que lui-même était un artiste de renom, à l’aise financièrement, qu’il assistait à des soirées glamour autour de bouteilles de champagne hors de prix, et de la communauté d’artistes hollywoodienne la plus en vogue de l’époque.

C’est cette contradiction qui détermine par dessus tout le personnage et en fait quelqu’un de sincère et de poignant.S’il y a bien une chose à retenir sur le scénariste, c’est que, quelques fussent ses aléas avec la justice, il a toujours su rester honnête envers lui-même, sans jamais trahir aucun de ses amis. Ce qui n’est justement pas le cas de toutes ses fréquentations, qui lorsque ce fut leur tour de témoigner, ont succombé aux menaces des juges et hommes de gouvernement, qui leur stipulaient qu’ils allaient être blacklisté de l’industrie du travail. Seulement, ces personnes aussi ne sont pas à blâmer pour un comportement que n’importe qui aurait pu avoir, en vue de la menace d’un avenir aussi incertain et dangereux professionnellement et financièrement.

Trumbo était un homme animé, passionné, mais parfois agressif et tranchant, et c’est dans son intimité que nous nous rendions le plus compte de ces aspects de sa personnalité. Les rapports avec les membres de sa famille ont été complexes et, à vrai dire, il est assez étonnant de constater qu’il ne se soient pas brisés complètement. Trumbo était facilement irritable et sa famille a été d’un soutien et d’une patience hors du commun avec lui.

3

Le scénariste du film, John McNamara, a beaucoup insisté pour retracer l’histoire de Trumbo et de sa famille, de la façon la plus véridique qui soit. C’est la raison pour laquelle il a contacté les véritables filles de Trumbo (encore vivantes), Nikkola et Mitzi Trumbo. Nikkola a même énoncé à McNamara que son père « était l’homme le plus patriote qu’elle ait jamais connu ».
Et, dans le film, malgré une ferveur extrême pour les idées communistes, nous sentons ces élans de patriotisme que Nikkola mentionne. Car, c’est à la fin des années 30 et au début des années 40, qu’il a commencé à être communiste. Le communisme, pour beaucoup, ce n’était pas nécessairement adhérer aux idées de l’URSS, qui faisait tant trembler les États-Unis. Loin de là, c’était un idéal tel que nous le connaissons maintenant. Être communiste signifiait défendre la classe ouvrière et s’opposer aux lois ségrégationnistes, et ainsi se battre pour les droits civiques accordés aux Noirs américains.

Trumbo faisait partie des « Dix Hollywood », qui était une communauté de 10 artistes qui étaient sur la liste noire du gouvernement américain et, en conséquence, ne pouvaient donc plus exercer leur métier d’artiste. C’est parce qu’il était censuré que Trumbo a tenu à écrire encore plus qu’il ne le faisait déjà. Et il est fascinant de voir, dans le film, avec quelle ardeur, mais surtout quelle facilité il pond un scénario de qualité ! Alors que l’exercice même d ‘écrire suscite réflexion et prise de recul, Trumbo y arrive avec une facilité déconcertante, et ceci même lorsqu’il est assujetti aux problèmes les plus graves.
C’est durant cette période de censure qu’il écrit, sous un pseudonyme, les œuvres oscarisées comme “Vacances romaines” (1953) ou encore les “clameurs se sont tués” (1956).
C’est à se demander si ce n’est pas sous l’emprise de la censure que Trumbo n’en devenait pas davantage le génie qu’il était déjà.

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Nous connaissons Bryan Cranston, notamment pour ses rôles dans “Malcolm“, où il joue Hal, le père de famille complètement décalé, et sa prestation irréprochable dans “Breaking Bad” dans laquelle il incarne Walter White, un homme incurable d’un cancer qui vend de la crystal meth pour subvenir aux besoins de sa famille. Ne serait-ce qu’avec ces deux rôles, nous nous rendons compte de la palette plus que multicolore du jeu d’acteur de Cranston. Or, c’est pour cela que son rôle en tant que Trumbo est parfaitement adapté. Il est capable de passer d’un pôle émotif à l’autre en un clin d’œil, tout en restant le plus sincère et émouvant possible.

Diane Lane, qui incarne Cleo, la femme de Trumbo, donne également une prestation à couper le souffle. Elle maîtrise subtilement l’incarnation de la mère et de la femme, sensible et dure à la fois. Et surtout, elle renvoie perspicacement la balle du jeu de Cranston, qui incarne un Trumbo compliqué et tourmenté.

Dalton Trumbo n’est donc pas un film redondant ou vieillot. Ce n’est pas non plus un film politique. C’est une ode à la liberté d’expression, à la liberté d’opinion et une invitation à prendre la tête de sa révolte personnelle. C’est aussi le parcours abîmé, tourmenté d’un homme qui a su tenir ses convictions à l’encontre de l’opinion publique. Ce n’est pas anodin qu’il ait écrit “Spartacus” (de Stanley Kubrick), qui raconte l’histoire d’un gladiateur qui affronte ses maîtres et prend la tête de la révolte des esclaves !

Bande-annonce Datlon Trumbo

 

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