Critique de Cop Car de Jon Watts

Jon Watts reprend, un peu à la manière des frères Cohen, un ton à la fois léger par son décalage, mais lourd par son sujet.

 

 

Synopsis

Travis et Harrison sont deux meilleurs amis âgés de 10 ans. En quête continuelle de choses excitantes à faire, ils trouvent un jour une voiture de police abandonnée au milieu de nul part. Les clés sont dessus et le propriétaire douteux de la voiture n’est pas bien loin non plus …

 

Critique
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C’est l’histoire de deux jeunes “voyous”, un peu laissés à leur compte, que personne ne surveille et qui cherchent désespérément quelque chose d’excitant à faire. Le film s’ouvre par une scène où ils font un concours de gros-mots les plus vulgaires les uns que les autres. Il est d’ailleurs étonnant de constater qu’un enfant de 10 ans en connaisse autant.

Cop Car, c’est en réalité, une succession de défis qui partent uniquement d’un désir d’impressionner l’autre. Travis et Harrison n’ont pratiquement jamais conscience de la gravité des défis qu’ils se lancent. Pour eux, tout est un jeu. Et le pire, c’est qu’en les suivant et en comprenant que ce ne sont que des enfants, le spectateur se surprend lui-même à y croire également: que tout ira bien car ce ne sont que des enfants.

Kevin Bacon incarne merveilleusement ce shérif corrompu qui possède un lourd et dangereux secret. Ce secret se trouve dans le coffre de la voiture que les enfants ont volée et ceux-ci, même lorsqu’ils sentent et savent que le danger est tout près, continuent à agir comme des enfants: c’est à dire complètement et purement naïvement. Et il est parfois déroutant d’assister à ce décalage à l’écran.

Le réalisateur joue subtilement sur les décors et leur densité pour que nous soyons continuellement convaincus que les enfants sont bel et bien au milieu de nul part, perdus et loin. Ce qui est le cas, et c’est ce qui rend la course poursuite d’autant plus captivante. Comment poursuivre deux enfants dans un endroit aussi vaste et aussi vide ? Et surtout n’ayant pas la possibilité de le divulguer à qui que ce soit ?

Pour en revenir à la relation entre les deux enfants, elle est aussi et principalement la cause de tout ce “remue-ménage”. Travis est celui qui ose tout faire, le véritable caïd d’entre les deux. Harrison est véritablement le suiveur, mais paradoxalement, celui qui n’accepte pas qu’on le traite de “pussy” ou qu’on lui dise qu’il ne peut pas. C’est de par ces personnalités contradictoires que commencent les ennuis. C’est à cause de cette quête de prouver à l’autre qu’il en est capable et que c’est un dur à cuir lui aussi.

A scene from Jon Watts' COP CAR, playing at the 58th San Francisco International Film Festival, April 23 - May 7 2015.

Dans cet univers où il ne semble pas y avoir de règles, ni du côté adulte, ni du côté enfant, Jon Watts fait tout de même apparaitre un personnage secondaire, qui a son importance: Bev, incarnée par Camryn Manheim. C’est elle qui incarne cet équilibre et la conscience de ce qui passe véritablement. Elle symbolise tout simplement le monde adulte et les responsabilités qu’il implique.

Le film, sans être, particulièrement violent dans ses scènes d’action (bien qu’il y en ait des peu commodes), l’est par sa psychologie mordante et sa pressante ironie.

Kevin Bacon joue très bien le rôle du flic charismatico-ignoble et nous invite même à se ranger de son côté dans le film. Tout ce que nous voulons, c’est qu’il la récupère sa voiture et qu’il retourne à ses occupations douteuses. Nous voyons bien que le personnage ne devrait pas être attachant, mais à cause de la situation dans laquelle il est mis, qui plus est par des gamins, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir son stress et son impatience. La manière dont il s’adresse aux enfants lorsqu’il les prévient que tout va très bien se passer et qu’ils ont juste à revenir avec la voiture est excellente et piquante. Au même titre que le moment où il leur demande où ils se trouvent pour qu’il puisse récupérer la voiture, mais que ceux-ci n’en ont aucune idée ; ce qui donne suite aux répliques acides et sèches de Bacon.

Le film joue avec un suspense et une tension omnisciente même lorsqu’il ne se passe rien de grave finalement. Nous savons que les personnages face à un certain danger sont des enfants inconscients, et parce que nous sommes au courant, nous sommes complices d’un mal que nous ne pouvons contrôler. Le film, bien que décalé, est pourtant bien attachant, par son ambiance, par la relation entre les personnages et le regard tendre que le réalisateur porte sur eux.

Cop Car, un petit film, parfois maladroit, mais qui ne mérite pas l’anonymité pour autant.

 

Voici la bande-annonce :

https://www.youtube.com/watch?v=lz_aiDjwldM

 

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