Critique de Mon Garçon de Christian Carion avec Guillaume Canet

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Film performance

« Le tournage d’un film c’est comme faire de l’huile d’olive, c’est la 1ère pression à froid qui est la meilleure ». Telle à été la devise de Christian Carion pendant le tournage de Mon garçon, qui sortira le 20 septembre prochain. Le film est le résultat du pari hallucinant de réaliser un long-métrage en 6 jours, sans retake et (presque) sans interruptions. Le challenge est d’autant plus insolite que Canet, qui porte le rôle principal, n’avait aucune connaissance du scénario et a vécu heure par heure, jour par jour les événements, sans direction artistique.

Passionné par son métier, Julien voyage énormément à l’étranger. Ce manque de présence a fait exploser son couple quelques années auparavant. Lors d’une escale en France, il découvre sur son répondeur un message de son ex femme en larmes : leur petit garçon de sept ans a disparu lors d’un bivouac en montagne avec sa classe. Julien se précipite à sa recherche et rien ne pourra l’arrêter.

Canet entame donc le film sans maquillage ni costume. Le réalisateur était passé chez lui au préalable pour prendre quelques unes de ses affaires, et il aura même sélectionné un costume dont l’acteur n’a pas eu l’usage, simplement pour l’induire en erreur sur les futurs événements du scénario. L’acteur était également isolé des autres membres de l’équipe, pour éviter la fuite d’éventuelles informations. Dès son arrivée sur les lieux, quelqu’un lui donne des clefs, une voiture de location, l’adresse où il doit se rendre, et le tournage débute. Personne ne sait comme celui-ci va se dérouler. On peut le résumer des mots du réalisateur : « J’allume des choses et je regarde comment elles brûlent ».

La vraisemblance

Tout au long du film, le spectateur assiste à une apparente vraisemblance. Cela se paie d’abord par un début lent et des dialogues qui mettent du temps à décoller (normal si l’on considère que les acteurs doivent mener Canet sur la piste sans rien lui dévoiler).

Et puis, tout éclate. Julien, père d’un fils de sept ans disparu, voit sa vie se décomposer devant lui comme dans une pièce de théâtre (plusieurs plans y font d’ailleurs référence) et doit affronter VENTS et MARÉES pour essayer de le retrouver. Il n’y a plus un instant où l’on imagine Guillaume Canet autrement que dans la peau de Julien Perrin. Si le personnage doit marcher 3 heures dans les bois pour trouver des indices, Canet marche 3 heures. Et cela se ressent à 100% à l’écran. Il pourrait y avoir un « En live » dans le coin du moniteur, nous n’y verrions (presque) que du feu.

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Mon garçon est en cela bien un film qui permet de rentrer dans la matière d’un autre réel, que nous découvrons en même temps que le protagoniste. G.Canet : « Quand on est acteur, on rêve de vivre des micro minutes ou aura un petit accident qui va vous faire oublier qui vous êtes, et vous serez vraiment le personnage ». On a cette sensation que rien ne nous est pré-mâché, préprogrammé, et c’est ce qui rend la tension du thriller palpable.

Au lieu d’être pensés par la même personne et de tous se ressembler, les dialogues collent à la personnalité de chaque acteur. Rien n’est pré-fabriqué. Ce sont finalement les quelques scènes introduites de flash back qui pèsent sur l’histoire et cassent le temps de narration. (A noter également une bonne BO avec des graves de basse bien imposants qui font suer).

La violence

Le problème est qu’il y a une limite à cette vraisemblance. Beaucoup d’interventions de Guillaume Canet semblent improbables dans la vraie vie. Ses actions les plus violentes par exemple (le film est d’ailleurs interdit aux moins de 12 ans, âmes sensibles s’abstenir). Guillaume Carion : « J’ai mis Canet dans une situation où je savais qu’il y avait une part de violence en lui mais je ne savais pas qu’elle était aussi forte ». Le problème n’est pas la violence en elle-même, dont la représentation n’est ni édulcorée ni montrée en spectacle; mais la probabilité d’une telle violence de la part de l’acteur principal. Nous sommes bien d’accords que, face à des événements aussi terribles, c’est la part animal de l’homme qui sort. Mais qui deviendrait aussi incontrôlable in real life ? Il est évidemment impossible de déterminer une réaction normale d’une réaction anormale lors de la disparition d’un enfant, mais une telle perte de contrôle comme présentée dans le film parait peu plausible. D’autant que quelques éléments scenaristiques ont été soufflés à Guillaume Canet, et rendent certaines de ses actions vraiment invraisemblables (ou en tout cas trop astucieuses pour quelqu’un qui a complètement perdu le contrôle), gâchant un peu cette notion de grand inconnu. Savoir que l’on joue un personnage, c’est exploiter plus profondément l’instinct, le caractère, c’est vivre sa violence avec un peu plus de zèle.

Le Vercors

Un autre problème du tournage d’un film en 6 jours est la pauvreté des plans. On note en effet peu de belles prises de vue. A noter toute fois quelques plans de forêt magnifiques, rendant aux paysages du Vercors leur juste valeur. Christian Carion aura un coup de chance, puisque le temps sera tout le long du tournage en adéquation avec l’atmosphère du film. On retrouve également bien l’atmosphère saccadée d’un thriller, dans le style de la caméra à l’épaule ou du scope.

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Un dernier problème est que le film laisse planer trop de mystères. L’histoire suit exclusivement le père de l’enfant pendant 6 jours. Pour le challenge donc, le spectateur ne sera au fait que ce que Julien apprends pendant tout le film. Mais (et ce sont les aléas de ce tournage), Guillaume Canet ne creusera pas toute les ambiguité du scénario, au moment où il vit l’histoire. Autrement dit : des parties du scénario nous manquent simplement parce que l’acteur ne savait pas ou récupérer les indices de l’histoire. Le film souffre donc d’un effet de creux dans le scénario jusque dans sa fin qui paraît même bâclée. Le parti pris du réalisateur est cependant de dire : « On en dit toujours trop au public »  et qu’il est bon de combler seul les éléments de l’histoire. A vous de voir.

Un pari réussit

Malgré tout, Mon garçon est un film réussit. Au terme de 3 films historiques, Cristian Carion réalise  un thriller moral insolite et palpitant. La réussite tient certainement du fait que c’est un film fait avant tout entre amis. Le réalisateur connaissait bien son acteur principal, il a écrit pour Canet, d’après sa personnalité, et ce dernier a accepté d’être ouvertement manipulé. Pour le meilleur. Enfin, le jeu de Mélanie Laurent, quoiqu’un peu exagéré au début, devient exceptionnel et vous serez témoin dans ce long-métrage de l’une des meilleurs scènes de sa carrière.

Tout au long de cette réflexion, les prouesses du films ont étés mises au même plan que le film en lui-même. Pourtant, il n’y a que le produit fini qui sera présenté au public. Doit-on apprécier un film pour sa performance ? Globalement, la réponse est non. Comme dit précédemment, une bonne partie des spectateurs ne sera pas au courant du back ground, et la gloire d’un film se détermine à son aboutissement. Et pour ce qu’il en est, du remake introductif de Shining aux plans palpitants de Julien, doutant de tout et surtout de lui même, vous ne serrez pas déçus de ce voyage en voiture.

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