Critique du film La saison des femmes de Leena Yadav

La saison des femmes, c’est un hymne à la Femme, mais pas seulement. La réalisatrice, Leena Yadav, pointe du doigt une lourde réalité ancrée dans des traditions ancestrales que peu de personnes osent remettre en question ou aborder.
Dès la toute première scène, nous pourrions d’ailleurs croire que le film est complètement humoristique et reprendrait des clichés en parodiant les us et coutumes indiennes, un peu comme le faisait Gurinder Chadha dans son film « Joue la comme Beckham ». Leena Yadav a même précisé qu’elle souhaite faire une comédie romantique au tout début. Cependant, il n’en est rien.

Synopsis

Inde, État du Gujarat, de nos jours. Dans un petit village,quatre femmes sont confrontées à des traditions ancestrales et à des hommes qui les asservissent dans leur quotidien. Portées par leur amitié, elles se libèrent progressivement du joug qui les lie à ces maux et rêvent, à leur manière, de romance et d’ailleurs.

Critique

4C’est lors de ses repérages pour le film qu’elle a changé d’avis et de point de vue sur la manière d’aborder certains sujets sensibles sur son pays natal. Ce sont ses rencontres marquantes qui lui ont permis de donner un nom et une caractéristique précise à chacun de ses personnages. Par exemple, c’est dans un petit village que Leena rencontre une femme prénommée Rani, qui l’a d’ailleurs inspirée pour créer Rani du film. Cette femme lui racontait qu’elle n’avait pas été “touchée” sexuellement depuis dix-sept ans, son mari étant mort lorsqu’elle avait quinze ans. Tout ce qu’elle a fait dans la vie, elle l’a fait pour ses enfants, et parce qu’elle « devait » le faire. Un autre jour, et c’est peut être le témoignage le plus bouleversant et choquant recueilli par la réalisatrice, elle aperçoit une femme couverte de bleus, et lui demande ce qui lui était arrivé. Cette femme, de la manière la plus naturelle et en minimisant le problème , lui a répondu « Mon mari travaille beaucoup, parfois c’est frustrant pour lui. Sur qui d’autre pourrait-il se défouler ? »

C’est cette notion d’obligation mais aussi et surtout de conditionnement que la réalisatrice met en avant dans ce film. Elle exprime de manière authentique et à travers quatre profils de femmes différents vivant dans le même village. Chacune de ses femmes est confrontée à des problèmes personnels forts et ont besoin les unes des autres pour se confier sur des choses dont elles ne peuvent pas parler en société. Rani, est veuve et cherche à marier son fils, Gulab, qui a quinze ans et qui est plus qu’irrespectueux. Lajjo est stérile et se fait battre par son mari pour cette même raison. Bijli a le profil le plus atypique car elle est celle qui s’est “émancipée” de cette vie qui n’en est pas une finalement.
Jannaki est la très jeune nouvelle femme de Gulab et troquée comme du bétail. Elle commence à comprendre ce que cela signifie d’être une femme dans un petit village indien.

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Mais que signifie être une femme dans ce cas ? La manière dont elle sont représentées dans le film laisse pressentir qu’elles n’ont pas de droits, ou alors qu’ils sont très limités. Tout le pouvoir dans le village semble régi par les hommes. Les femmes doivent toujours demander la permission, faire tous les repas de la journée des hommes, obéir, obéir, obéir, … sans avoir le droit à aucune requête en échange.
Le jeune Gulab de quinze ans, étant le seul homme de sa famille, se permet et même, d’après ce que les anciens lui apprennent, se doit de donner des ordres à sa mère et à sa femme et de faire ce que bon lui semble si elles daignent lui refuser quoique ce soit.

Ce ne sont pas tant les hommes que la réalisatrice critique, c’est cet asservissement commun à la tradition et tout ce qu’elle génère. Chacune des femmes mentionnées ci-dessus sont conscientes de leurs problèmes et assistent même aux problèmes des autres, mais ne peuvent/veulent rien faire pour les corriger. Pire, elles reproduisent. C’est cette ligne étroite entre le vouloir et le pouvoir qui est également mis en avant dans le film. Certaines ont subi un tel lavage de cerveau tradi-culturel, qu’elles ne savent plus si elles doivent se soumettre ou se rebeller. La frontière qui sépare leur liberté de leur soumission ne réside donc que dans leurs choix, et leurs choix à elles.
Et bien que le sujet du film semble lourd, Yadav n’en oublie pas de le saupoudrer d’une belle pointe d’humour. La sexualité est abordée très ouvertement et même cruement parfois, pour bien nous montrer que ces femmes sont aussi frustrées sexuellement et manquent cruellement d’attention chaleureuse. Les seules fois où elles sont « touchées » sont soit quand le mari frappe, soit quand il viole, soit, dans le cas de Bijili, qui est une prostituée, quand les « clients » paient leur dû.

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La réalisatrice s’est associée avec Hitesh Sonik qui a fait un travail remarquable sur la bande originale du film. La musique est soignée et changeante, selon le contexte des scènes. Brute et douce à la fois, la musique participe fondamentalement à l’humour du film et le compositeur a peint une belle atmosphère sonore.

La saison des femmes n’est donc pas un film indien comme les autres, bien qu’il s’inspire grandement de la culture bollywoodienne, comme il se doit de le faire. Mais aussi et surtout, le film s’émancipe de ce genre qui plait beaucoup en Inde, pour risquer (et je dirais, dans ce cas, réussir) de parler d’un thème qui renverse les codes culturels en Inde. Le film est osé mais sincère et mérite que l’on s’attarde, au moins, sur ce que ces femmes extraordinaires ont à nous raconter.

 

Voisi la bande-annonce du film sous-titrée:

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