Critique du film Nagima, grand prix du Festival Asiatique de Deauville 2014

Comme je l’ai expliqué dans mon journal de bord du festival, je n’avais pas retenu Nagima dans mon programme du festival de cinéma asiatique de Deauville. Comme le film a remporté le grand prix du jury, je me suis arrangé pour faire une séance de rattrapage. Le film est-il à la hauteur de ce grand prix remis à l’unanimité par le jury de Claire Denis ?

Synopsis

Nagima est une jeune femme disgracieuse, illettrée et peu diserte qui a été abandonnée à la naissance et placée dans un orphelinat. Elle partage dorénavant un petit studio dans les environs de la ville d’Almaty avec son amie Anya rencontrée à l’orphelinat et qui est enceinte. Mais Anya meurt lors de l’accouchement et le nouveau-né – une fille – se retrouve à son tour placé dans un orphelinat. Afin d’arrêter ce cercle vicieux, Nagima décide de l’adopter… 

Nagima est un film assez exigeant. Dès les premières minutes, l’ambiance est intéressante, et on est curieux de découvrir cet univers méconnu, celui du Kazakhstan des miséreux, des orphelins, qu’ils soient kazakhes ou russes. Mais le rythme est plutôt lent, et si on ne décroche pas, il est parfois assez difficile d’être vraiment captivé. Pour ne pas aider, la réalisatrice Zhanna ISSABAYEVA joue souvent avec les ellipses, procédé intéressant qui nous laisse hélas encore plus de coté.

Mais tout ceci a un but. La distance volontairement créée avec ce personnage. Si elle est humaine comme nous, elle ne vit pas dans le même monde, sa vie ne peut pas vraiment devenir belle, et du haut de ses 18 ans, elle n’a absolument aucune raison de penser au prince charmant. Elle en rêve, d’ailleurs, mais elle n’y croit pas. Cette distance est renforcée par la mise en scène, qui nous offre quelques très beaux plans larges ou le personnage principal, insignifiant, ne semble pas avoir sa place.

Toute cette mise en place, paradoxalement, créé énormément d’empathie pour le personnage. Et c’est lors des derniers instants du film que celui-ci prend une autre dimension. Alors que Nagima s’apprête à commettre un acte assez horrible, et qu’on espère vraiment qu’elle ne va pas le faire, on le comprend vraiment et on ne lui reproche pas. On souffre intérieurement à la pensée de cet acte, mais en même temps, on comprend le cheminement qui a amené Nagima jusqu’ici, et puisqu’on ne peut pas l’aider de notre siège de cinéma, on se contente d’accepter, en douleur, qu’elle puisse réaliser une telle horreur.

Le film est vraiment construit pour ces trois minutes, et ces trois minutes finales sont aussi fortes parce que le film nous y a préparé. Durant la séance, ce n’était clairement pas le film que j’avais le plus apprécié du festival. A la sortie de la séance, j’étais bouleversé, dérangé, mal à l’aise, mais pas encore totalement convaincu. Mais quelques jours après, lorsque c’était le seul film auquel j’arrivais encore à penser du festival, j’avais compris. Nagima ne peut pas vraiment être un film que l’on aime, mais c’est un film que l’on doit respecter. Bravo au jury du festival de lui avoir donné ce grand prix aussitôt après l’avoir vu, c’est une très belle initiative, très audacieuse.

 

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