Critique Le Noël de Belle de Alex Wright

Je ne peux pas vous cacher plus longtemps mon statut de spécialiste ès films de fin d’année. A force de recherches assidues, je suis parvenu à constituer un système infaillible qui permet de définir immédiatement si à vos yeux crédules on est en train d’offrir du lard ou une lanterne. A quoi reconnaît-on un bon film de Noël ? On peut le mater avec délice même quand ce n’est pas Noël. Le Noël de Belle étant immatable y compris en période de Noël, le calcul est vite fait.

Synopsis

A la veille de Noël, Belle quitte son père pour un travail dans le nord. Son client, Hunter Lowell, est connu pour son mauvais caractère, possède un chien nommé La Bête et un jardin d’hiver interdit d’accès où pousse un rosier… Mais quel est son secret ?

Critique

fairytale-christmasVous l’aurez compris en lisant le synopsis, voire en jetant un coup d’œil rapide au titre du film, Le Noël de Belle est à ranger dans la liste interminable des variations autour du conte La Belle et la Bête. On aurait pu croire qu’à force de se parler, de se confirmer la porosité entre les genres, les humains allaient finir par passer outre ces histoires primitives fondamentales mais sérieusement cécoin, mais non, ça persiste et ça signe : les madames ressentent encore aujourd’hui l’exprès besoin, dans les périodes à fort bouleversement hormonal, d’explorer le mystère masculin en se rejouant ces mythes virils. Pour leur défense, il serait difficile de poser directement les brûlantes questions, puisque les objets du mystère sont occupés de leur côté à sonder l’éternel féminin en se pignolant sur la petite sirène. Récemment, Christopher Gans nous a proposé sa version du conte ancestral, et la plus-value était une surdose de spectaculaire. Tout le monde, de même, a entendu parler de la saga Cinquante nuances de Grey qui a triomphé en explicitant l’enjeu sexuel : l’héroïne va au front, en direct de la libido masculine, vous saurez tout ce que pense un phallus sans avoir à demander au prof de SVT. Le Noël de Belle, qui raconte l’histoire d’une neuneu mise au service d’un gros bourge très secret, lorgne plutôt ce côté-là. Mais sans sexe. Et sans fric. Quelle est la plus-value alors ? Alex Wright et sa team semblent s’être fixé pour but de prendre La Belle et la Bête et de médiocriser systématiquement chaque élément du récit.

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Du scénar, on enlève toute possibilité de trouble, c’est-à-dire non seulement toute irruption du merveilleux mais aussi toute ambiguïté psychologique. La part animale du milliardaire est nettement indépendante de lui et immédiatement domestiquée (je parle de son chien). Fameux pour ses coups d’éclat, on le voit au bout du compte s’enflammer une unique fois. En plus, la flamme est toute petite, et surgit de manière assez rationnelle (il dit de jamais aller dans le jardin d’hiver, et elle elle y va !). Du reste, son secret est vite liquidé pour laisser place aux séances de câlin-sourire. La relation entre Belle et son père est pareillement fignolée : pas d’inquiétude œdipienne, mais des petits arrangements économiques, entre un papa chef de galerie et sa meilleure employée. Ainsi on est censé croire que les personnages ressentent des trucs violents alors qu’on a pris soin par ailleurs d’ôter toute occasion de douleur. Il y a un décalage impossible entre ce que le film nous raconte théoriquement et ce qu’il est concrètement. C’est à nous de faire l’effort pour trouver ces gens-là menaçants, rigolos, beaux… Car, pour couronner le tout, il y a un énorme problème de budget.

La_belle_de_NoelOn veut nous en mettre plein les yeux, nous faire tâter de la vie de château, mais on avait que douze balles de marge par jour de tournage. Tous les personnages trouvent Belle irrésistible, alors qu’elle est jouée par la rondouillette et mal maquillée Haylie Duff, habituée de la xmasploitation, qui dans un blockbuster serait au mieux figurante pour une scène de foule (je vous rappelle que selon Hollywood Jennifer Lawrence est grosse !). Pas mieux pour les love interests, qui sont censés être à tomber par terre mais ont des tronches communes, et les seconds couteaux comiques, qui galèrent à sortir deux répliques à la suite. On sent que si les producteurs avaient eu tout le pognon rêvé, ils auraient pris le casting de Welcome Back. Et qu’ils se seraient arrangé pour que le milliardaire flambeur ne se trimbale pas en 4×4 pour père de famille middle-class, qu’il fasse le fin gourmet avec autre chose que des barquettes de lasagnes surgelées,  qu’il organise des bals de ouf où t’as plus de dix figurants dans une étable vide. C’est tellement en pilote automatique Le Noël de Belle que si vous n’êtes ni ménagère dépressive ni programmateur télé à la bourre pour la grille des fêtes, y a peu de chance que ça vous satisfasse d’une quelconque manière.

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