Critique des “Huit Salopards” de Tarantino

THE HATEFUL EIGHT

https://www.youtube.com/watch?v=KMCPzZ7kpjI

 

Pour son huitième film, l’ogre cinéphile Quentin Tarantino se propose, trois ans après l’explosif Django Unchained, de refaire un western, et en Panavision s’il vous plaît (mais on s’en fout).

 

Synopsis

Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie…

Critique

huits_salopardsTarantino renoue avec les comédiens de ses débuts (Roth, Madsen) ainsi que l’incontournable Samuel L. Jackson et accumule les clins d’oeil à son propre cinéma : le huis-clos renvoie à Reservoir Dogs, le sadisme d’un tortionnaire impitoyable à Inglorious Basterds, la question raciale notamment à Jackie Brown, la neige à Kill Bill etc… Voilà le bémol : il manque cependant tout ce qui faisait le sel de ses films antérieurs, cette décontraction cool ultime, cet humour excentrique et ces fameux dialogues sur les massages de pied et les cheeseburgers hollandais auxquels “Pulp Fiction” doit certaines de ses scènes d’anthologie les plus croustillantes.

Ici tout le film baigne dans une atmosphère sinistre et tout sauf drôle. Les Huit Salopards s’avère d’une longueur embarrassante, et les tartines de dialogues, si caractéristiques de “l’enfant terrible” du cinéma, ne font ici rire personne. Reconnu pour ses talents de dialoguiste, Tarantino propose pourtant das ce film-ci des dialogues torrentiels et verbeux où l’on peine vraiment à reconnaître sa verve habituelle, son sens du décalage et surtout son humour, irrésistible dans d’autres de ses films. Seul Tim Roth arrache de temps en temps un maigre sourire à cause de l’accent fantaisiste qu’il prend pour interpréter le rôle du dandy Oswaldo Mobray, mais c’est bien tout.

En plus le réalisateur de Kill Bill ne se renouvelle pas du tout, il se contente au contraire de recycler ses propres films et de faire dans l’auto-citation navrante. Ainsi le film est non seulement un huis-clos, mais un film clos sur lui-même qui ne raconte rien du monde, mais est constamment dans la posture, le gimmick et le clin d’oeil un peu vain. Les Huit Salopards s’apparente à une sorte de western marié à un suspens à la Agathie Christie, mais on a envie de demander : “Tout ça… pour ça ?”

THE HATEFUL EIGHTAutre problème : la fameuse violence, résolument présente depuis les débuts de Tarantino, ne fait ici l’objet d’aucune distanciation. Jusqu’alors, dans les précédents films de Tarantino, elle était systématiquement prise au second degré, vue à travers le prisme de l’humour ou de l’outrance, ridiculisée et ou transformée par la musique ou les effets de mise en scène – le manga de Kill Bill, les ralentis, et ainsi de suite. Ici, au contraire, elle est montrée sans recul, et les beignes assénées à répétition à la femme sur le point d’être pendue provoquent seulement la gêne et l’embarras. On ne sait pas trop ce que Tarantino veut nous dire ou nous montrer, et il est fort possible qu’il ne le sache pas lui-même. De ce point de vue-là, en plus d’être ennuyeux, trop long et presque strictement dénué d’humour, “Les Huit Salopards” en devient même carrément malsain – autre tare et pas des moindres ajouté à cet objet décidément fort détestable.

huits_salopards3L’intérêt de se rincer l’œil devant des horreurs sans nom ? Une femme violentée cruellement, un “Nègre” qui oblige le fils d’un général, tout nu et grelottant de froid dans la neige, à lui pratiquer une fellation alors qu’il le menace de son arme… Non, vraiment, c’est à un bien triste spectacle que nous convie Tarantino, une espèce de caricature sinistre de son propre cinéma mais sans toutes ses qualités, un exercice de style de 2H48 où l’on se fout très vite de tous les tenants et aboutissants de l’intrigue, du contexte de la guerre de Sécession, du contenu de la lettre soi disant de Lincoln que possède le chasseur de primes interprété par Samuel L. Jackson et de qui est le véritable coupable parmi ces huit personnages de salopards. On peut certes encore sauver la facture visuelle soignée du film et certaines images qui restent en tête, les costumes bien choisis – tel le manteau jaune et noir de Samuel L. Jackson qui tranche de manière si mémorable avec la neige tout autour -, mais le tout dégage un tel parfum de vanité – relevons aussi à cet égard ses vaines afféteries formelles comme l’usage du 70mm et la répartition en chapitres – et, ajouté à cela, d’autosatisfaction crasse, qu’on ne voit vraiment pas pourquoi on devrait s’infliger cela…

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