Mune, le gardien de la lune avec Omar Sy

“Avec Mune, je souhaitais faire la synthèse entre les classiques de l’animation de la grande époque Disney, les films de Miyazaki et ceux de Paul Grimault et Michel Ocelot” explique Alexandre Heboyan, co-réalisateur du long-métrage. Ça tombe bien parce que moi, avec mes critiques, je vise la synthèse entre André Bazin, Serge Daney, les gars de la Nouvelle Vague et Yves dit La Rognure (de 10 à 14h au Jean Bart 76580 Le Trait,  auteur de la célèbre saillie “Tarantino c’est mes couilles, plus ça vieillit moins y a de jus”). Du coup c’est pratique, moi futur critique superbe, lui bientôt cinéaste génial, on perd pas de temps, on est entre personnages historiques. Quelle déception au final. Après visionnage du film, je me rends compte que l’énoncé de Heboyan n’est pas présomptueux et même pire : est honnête. Je me retrouve seul à nouveau. Dur de se trouver des amis quand on est un poseur.

Synopsis

Dans un monde fabuleux, Mune, petit faune lunaire, est désigné bien malgré lui gardien de la Lune, fonction qui consiste à apporter la nuit et veille sur le monde des rêves. Mais il enchaîne les catastrophes et donne l’opportunité au gardien des ténèbres de voler le Soleil.

Critique

MUNE LE GARDIEN DE LA LUNE PHOTO4Je l’ai dit je le redis : Philippon et Heboyan ne sont pas présomptueux quand ils se placent dans la lignée des Disney-Miyazaki-Grimault-Ocelot. Et ils triomphent parce que tout en ayant cette culture-ci, ils ne font pas les cons de singes. Ils font les petites abeilles, de fleur en fleur pour faire leur miel. L’univers de Mune, on voit un peu d’où ça vient, on pourrait relier les points entre la tradition et le film, mais la proposition est si nette, généreuse, personnelle en dernière analyse, qu’on est systématiquement dissuadés de chipoter / enclins à savourer. L’une des plus belles idées du film est d’aller chercher de la matière dans la mythologie. Je dis bien : de la matière. Mune prend au premier degré l’idée panthéiste que tout élément naturel a son incarnation. Chaque personnage est constitué d’un matériau différent – êtres de cire, de roche, de chair velue, de lave en fusion, de etc – et on s’y tient rigoureusement, aussi bien dans le visuel que dans la narration. Selon qu’on sera de caillou ou de poil, on ne recevra pas la lumière de  la même manière. Selon qu’on sera solide ou mou, on n’aura pas la même amplitude d’actions et de gestes. Tout cela le film le prend en compte et c’est salutaire. D’autant plus que ce passage substantiel par les récits ancestraux dicte une ligne de conduite générale. On notera trois grandes dissonances à l’intérieur des standards actuels du dessin animé : 1) le casting, qui pourtant contient quelques vedettes, se fait très discret, est réellement au service du film ; 2) on se refuse à faire des clins d’œil “adultes” pour mériter le qualificatif “familial”, Mune pourra être vu par tous parce qu’au contraire il n’a pas peur de s’en tenir à son programme naïf ; 3) on rompt avec le rythme effréné majoritaire.

maxresdefaultComment se fait-il alors que malgré tous ces parti-pris adorables je n’adore pas le film ? Qu’il finit par m’ennuyer gentiment ? Le premier tiers fonctionne plein pot parce qu’il expose l’univers, on découvre les nombreuses et diverses inventions des réalisateurs. Le second tiers passe tranquillement : il s’agit d’exploiter jusqu’au bout les éléments premièrement exposés (par exemple, mettre le corps de Cire à l’épreuve du monde). Impossible de leur reprocher, d’autant qu’on aurait été les premiers à râler s’ils n’en étaient pas passés par là. Au troisième tiers par contre on commence à somnoler. C’est qu’on a fait le tour des jeux de matière et qu’il ne reste plus que les passages obligés du dénouement. On a fait un début, il faut bien faire une fin. Mune s’essouffle dans une structure beaucoup trop conventionnelle. Alors que le héros va se faire écraser par le méchant, son copain deus ex machina fait barrière et lui lance : “dépêche-toi, je ne vais pas tenir longtemps”. Vu 3568 fois. Les réalisateurs me diraient peut-être que focalisés sur le développement de l’univers ils se sont peu préoccupés d’histoire, qu’ils ont pris le premier scénar fonctionnel venu. Je leur répondrais : si le récit ne vous intéresse pas, ne faites pas de récit. Allez jusqu’au bout dans la continuation de l’axe Disney-Miyazaki-Grimault-Ocelot. Vous verrez rarement chez eux des narrations bien calibrées. La grande époque Disney ? Contemplative. Miyazaki ? Contemplatif et/ou baroque (dans le second cas, le récit est déréglé par la surcharge de merveilleux). Grimault-Ocelot ? La même. Et si c’est les producteurs qui font les frileux, vous me le dites je vous écris un mot. Je précise, car je refuse pour ce film de conclure sur une note négative, que ce dernier point n’est pas suffisant à rendre le film haïssable, ni même à ternir la grande qualité de la direction artistique. Je dirais même que c’est parce que cette grande qualité tient qu’on est si déçus. C’est frustrant de voir un potentiel petit chef-d’œuvre se fourvoyer par timidité.

À propos du DVD de Mune

Mox SpleenUn seul des bonus proposé par le DVD est réellement satisfaisant : le making-of prend le temps d’entrer dans le détail, et même dans le détail technique ; le plaisir du film est continué puisqu’on voit concrètement les petites mains qui façonnent les figures et décors virtuels – l’image de synthèse n’exclut pas la joie matérielle. La galerie images et la featurette comédiens sont inutiles parce que trop courtes. On n’y a pas le temps de sortir du discours promotionnel sous contrôle.

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