Spotlight de Tom McCarthy

Spotlight_affiche

Concurrent surprise à la course aux Oscars, Spotlight veut renouer avec deux choses qui nous semblent déjà oubliées avec l’avènement d’Internet : le journalisme d’investigation, et les films à son sujet. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’exercice est réussi.

Synopsis

Adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révèlera que L’Eglise Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier.

 Critique

spotlight_equipeUn homme rôdant la nuit dans la ville, armé d’une seule caméra et cherchant avant tout à vendre du visuel et du gore, c’est l’image du journaliste que nous a donné l’année 2014 avec Night Call (lire notre critique). Il faut dire qu’avec l’avènement d’Internet et des chaînes d’info en continue, il semble que le journalisme se résume désormais à cela : des vidéos chocs, rapides, et un ensemble de dépêches AFP.

Sauf que le journalisme, c’est aussi le “quatrième pouvoir”, comprendre une entité indépendante des trois pouvoirs de l’Etat (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) qui doit pouvoir rester indépendante et forte, afin de révéler au grand jour la vérité avec un grand V. On pourrait d’ailleurs même parler d’un “5e pouvoir” dans Spotlight, représenté par l’église Catholique. Pouvoir indépendant aussi, jouant d’influence croissante dans les plus hautes sphères de l’État. Et ce sont ces 4e et 5e pouvoirs qui se font face dans le film de Tom McCarthy, le premier voulant révéler la vérité que le second tend à dissimuler.

spotlight_redactionDoté d’une histoire solide, Spotlight se paie le luxe d’avoir un scénario assez enlevé et sans longueur, nous tenant en haleine avec brio pendant les 2h du film qui passent avec une facilité déconcertante. Les personnages haut en couleur sont tous incarnés par des acteurs correspondant parfaitement au rôle. Mark Ruffalo est impeccable en journaliste fougueux, passionné et entier autant que Rachel McAdams se montre à la fois toute en subtilité et d’une présence à l’écran remarquable. Autour, Liev Schreiber incarne à la perfection le capitaine méthodique, visionnaire et exigeant, et Michael Keaton le bras armé convaincu et convainquant, journaliste jusqu’au fond de ses tripes. John Slattery semble retrouver son rôle de leader de Mad Men, “ancien” indéboulonnable.

Spotlight_presseSi l’on parle de journalisme d’investigation dans Spotlight, le film ne se limite cependant pas à cela. Abordant le thème de la confrontation avec l’Église, c’est aussi la Foi avec un grand F des différents personnages qui est aussi affectée. Sans jamais trop s’appesantir sur ce point, on ressent malgré tout les tiraillements chez Michal Rezendes devant une chorale, ou chez Sacha Pfeiffer devant sa très pieuse grand-mère. Ces scènes, souvent rapides (et intelligemment mises en second plan par rapport à l’enquête) peuvent passer inaperçues pour le spectateur français, venant d’un pays où l’État est clairement séparé de l’Église depuis plus d’un siècle. Mais pour le spectateur d’outre-Atlantique où la religion joue un rôle crucial dans la communauté, ces scènes auront un autre impact, pouvant ainsi remettre en cause non pas la Foi (comme cela est très bien expliqué, on est ici dans le rôle de la croyance), mais en l’Église (et donc la question des hommes).

Jouant à deux niveaux donc, Spotlight réussit à renouer avec les grands films de journalisme d’investigation. On ne peut pas ne pas penser à Dustin Hoffman et Robert Redford dans les Hommes du Président devant Spotlight. Et étonnamment, en 1977, ce film a été nommé pour 8 Oscars. On ne compte que 6 nominations pour le film de Tom McCarthy, mais ce dernier joue un rôle clé en 2016 : Il rappelle que la presse, ce ne sont pas que des vidéos à voir sur Youtube ou de l’information en temps réel, mais aussi des hommes qui enquêtent, lisent entre les lignes. Et cette presse là doit survivre.

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