En matant ce film, j’ai remarqué que mon lecteur DVD souffrait d’une arythmie chronique. En effet, si l’on observe consciencieusement le déroulement des chiffres lumineux censés indiquer le minutage, on constate que toutes les deux secondes normales, on a une seconde trop courte. Le docteur impuissant m’a conseillé de voir le bon côté des choses : si je passe mon temps à regarder des films sur ce lecteur, une seconde sur trois valant une demie seconde, j’allongerais considérablement mon espérance de vie. Ça a l’air de rien comme ça, a-t-il ajouté, mais je vous rappelle que tous les ans Bernadette Chirac sauve le monde avec une pièce rouge + une piège rouge + une piège rouge. Quoi qu’il en soit, je suis heureux d’avoir découvert le handicap de ma machine pendant le visionnage de Coup de chaud de Raphaël Jacoulot. Avec ces villageois qui s’acharnent sur un débile, on m’a d’emblée incité à la tolérance.
Synopsis
Au cœur d’un été caniculaire, dans un petit village à la tranquillité apparente, le quotidien des habitants est perturbé par Josef Bousou. Idiot du patelin, il est désigné par les villageois comme étant la source principale de tous leurs maux. Peu à peu la situation s’envenime.
Critique
Est-ce un reproche que j’adresse au film ? Pour l’instant c’est un constat. Raphaël Jacoulot a l’ambition – pourquoi pas ? – de proposer un récit classique, avec tout ce que ça implique en terme de structure, et ça fonctionne dans une certaine mesure : il a le sens du rythme, le film se cale sur une lenteur quotidienne qui fait au départ un peu goûter la vie au village, et il est aidé par un acteur principal, Karim Leklou, très juste en zinzin gentil-sauvage (son morceau de bravoure, une phase de danse dans les champs sur de la techno pourrave, est le plus beau moment du film). Malheureusement, à cause de cette même structure, le sens est clos. Et, pire, le sens est pauvre. Tel que fabriqué, Coup de chaud est un film de monstre – on pense maintes fois à Frankenstein, Elephant Man, Notre Dame de Paris – où sans cesse la bête est excusée pour condamner l’horrible civilisation qui la mène au crime. Si Josef viole et frappe, c’est qu’on l’y a poussé. Il est toujours déjà purifié d’avance. Insoupçonnable de sadisme. Certes Jacoulot fait des efforts pour qu’en accord avec la punchline de Renoir “tout le monde ait ses raisons” mais y en a quand même qui ont beaucoup plus de raisons que les autres. Dans ses moments les plus didactiques, les malveillants diront que Coup de chaud, avec son pauvre type qui malgré lui devient épicentre de toutes les tensions d’une communauté, est un film-dossier de l’écran pour débat anthropologique sur la notion de bouc-émissaire. Les bienveillants vous conseilleront au contraire, si a priori vous aimez ce genre d’histoires, de vous procurer l’édition DVD