L’attente fut longue, très longue, c’est un projet qui est dans la tête de son réalisateur depuis très longtemps, puis le film a été annoncé pendant des années avant d’être montré en Mai 2009 au festival de Cannes dans un premier montage loin d’être définitif ( pas de générique au début, le travail sur effets visuels pas terminé, bande-son inachevée,…) la postproduction qui a suivit le festival de Cannes s’est avéré très longue elle aussi et le film sort dans les salles Française le 5 Mai 2010 soit près d’un an après la projection du montage Cannois .
Le film démarre de manière explosive, Gaspar Noé réitère ce qu’il avait déjà mis en place dans Irréversible à savoir mettre le générique de fin dès le début et en accéléré, puis le film contrairement à son précédent reprend une chronologie classique pour proposer un générique d’ouverture psychédélique et épileptique qui défonce tout sur son passage ( visible en tant que vidéo promotionnelle depuis près d’un mois déjà ) et plus que jamais sur grand écran ça réveille sévèrement, pour rentrer dans le détail je trouve ce générique à la fois original et fascinant esthétiquement, de plus la musique utilisée ( Freak de LFO ) colle avec le montage épileptique qui rend la chose si unique, jusqu’à ce que cela se coupe brutalement pour que le film commence .
Le premier segment du film totalement tourné en vue subjective, est tout d’abord bluffant techniquement ( un peu comme le film dans son ensemble mais je reviendrai dessus plus en détails ) le plan-séquence va durer très très longtemps ( toute la première partie en fait ) avec une fluidité dans les déplacements qui impressionne ( même si Noé ne cache à personne que ses plans-séquences sont truqués au montage, cela relève de la prouesse tant c’est bien fait ). A la fois ce premier segment du film, a pour vertu de présenter les personnages clés du récit et de clairement définir leur proximité, ainsi que de présenter ce qui va s’imposer comme certaines des clés du récit . Ce que Noé réussit le mieux c’est l’approche mentale de la chose en nous plongeant dans la psyché de son personnage principal, entre la vue subjective et une voix-off peu mais bien présente, l’immersion dans la tête du personnage est totale ( Noé va même jusqu’à traduire à l’écran les clignements de paupières du personnages, et quelques autres attributs à priori superflus sont tous traités ce qui renforce cet aspect immersif, et affichent clairement une envie de coller au plus près des intentions ne négligeant aucun point ).
Passé ce premier segment impressionnant qui familiarise avec les personnages et pose les prémices du récit, on entre dans le vif du sujet et on pénètre dans le trip hallucinogène pensé par Noé qui affirme avec ce film une proposition de cinéma véritablement inédite . Noé plonge le spectateur dans un tourbillon d’images sublimes portées par les qualités de mise en scènes exceptionnelles évoquées précédemment et son décor foisonnant de richesses visuelles et propice à des expérimentations esthétiques ahurissantes. En voyant les fulgurances visuelles qu’atteint Noé ( avec la collaboration bien sur du Studio Français Buf qui livre un travail remarquable ) on se demande pourquoi Tokyo n’a pas été utilisé plus souvent au cinéma tant dans le film de Noé la cité dévoile un vivier de possibilités qu’exploite le réalisateur avec une intelligence redoutable, si bien qu’on a l’impression de redécouvrir cette ville sous un angle nouveau, Noé fait de Tokyo le lieu de tous les fantasmes .