Utopiales 2025 : Critique The girl who stole time

Présenté en séance spéciale aux Utopiales 2025, The Girl Who Stole Time nous permet de découvrir un peu le cinéma d’animation chinois, assez ignoré en France si ce n’est pour Ne Zha 2. Signé par les duo réalisateurs Yu Ao et Zhou Tienan — tous deux déjà reconnus dans le domaine de l’animation et de la comédie dans leur pays — ce long-métrage de 107 minutes mêle aventure fantastique et moments d’émotion, pour un public principalement adolescent.  

Synopsis

Qian Xiao, une jeune fille issue d’un modeste village de pêcheurs, entre en possession du « Cadran du Temps » à la suite d’une collision maritime accidentelle. Ce mystérieux artefact lui permet de contrôler le temps, mais attire également l’attention d’une puissante organisation bien décidée à la traquer. Tandis que Qian Xiao utilise le Cadran du Temps pour échapper à ses implacables poursuivants, elle croise la route de Seventeen, un membre de l’organisation criminelle. Leur affrontement initial se transforme peu à peu en une camaraderie inattendue, au fil d’aventures fantasques dans une ville en pleine effervescence.

C’est un film avant tout destiné aux adolescents, mais qui réussit pleinement à toucher un public adulte. Son univers foisonnant, son rythme soutenu et son humour bien dosé lui donnent une énergie communicative. On se laisse embarquer sans résistance dans ce monde où la fantaisie sert de miroir aux émotions humaines.

Ce qui frappe d’emblée dans The Girl Who Stole Time, c’est la fusion réussie entre spectacle visuel et émotion sincère. Derrière le fantastique se lit une douleur réelle : la perte d’un être cher a inspiré les scénaristes-réalisateurs, qui déclinent leur récit comme une méditation sur le temps, l’absence et la mémoire. Ils affirment que “ce moment ensemble est la plus douce magie que nous opposons au temps”.  

L’animation numérique est un écrin de haute tenue : couleurs vives, mouvements constants, plans aériens sur les paysages marins, effets visuels impressionnants lorsque le temps s’arrête ou se dilate. On y ressent une quête d’évasion — du village vers la ville, du quotidien vers l’exceptionnel — mais aussi une réflexion sur ce que l’on perd quand on court à la vitesse du monde. Le film oscille entre la légèreté d’une aventure fantastique et la gravité d’une prise de conscience. On rit, on admire, et parfois on sent monter l’ombre de la nostalgie.

Le film impressionne vraiment par son mélange de genres maîtrisé. Entre aventure fantastique, comédie d’apprentissage et drame existentiel, il parvient à conserver un rythme soutenu, sans se perdre dans la surenchère. L’ensemble garde une fluidité rare : la mise en scène passe du merveilleux au tragique sans rupture de ton.

Enfin, The Girl Who Stole Time aborde avec une réelle sensibilité la notion de pouvoir temporel. Le contrôle du temps, ici, ne relève pas du simple gadget narratif : c’est une métaphore du deuil et du détachement. Qian Xiao découvre que figer le temps, c’est aussi figer la vie. Ce renversement symbolique donne au film une profondeur inattendue, où chaque manipulation temporelle devient une question morale : faut-il revivre le passé ou apprendre à le laisser s’échapper ?

Pendant une bonne partie du film, on savoure ce mélange de comédie et de mélancolie légère. Et puis, sans prévenir, le ton bascule. Le dernier acte — près de vingt minutes suspendues hors du temps — opère une véritable montée en puissance émotionnelle. C’est là que The Girl Who Stole Time révèle toute sa force : un moment d’une beauté fragile, où le spectateur se retrouve, comme l’héroïne, entre deux respirations, entre deux mondes.

Habituellement, je me méfie des épilogues trop étirés, de ces fins qui s’attardent. Mais ici, c’est tout l’inverse : le film prend le temps de nous laisser émus, vulnérables, et il le fait avec une délicatesse rare. Quand un film d’animation parvient à maintenir cet état de suspension pendant vingt minutes, sans emphase ni pathos, on ne peut que saluer la maîtrise. Et à ce moment-là, oui, on peut dire que c’est gagné.

Quand le générique s’installe, on reste là, à réfléchir à ce temps qu’on passe à aimer, à regretter, à espérer que les choses auraient pu être autrement. The Girl Who Stole Time parle peut-être moins de science-fiction que de cette expérience universelle : celle de voir le temps filer entre nos doigts, et de comprendre que l’amour, lui, laisse toujours une trace dans la mémoire de ceux qui restent.

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