Les adaptations de jeux vidéo au cinéma ont longtemps été des expériences assez douloureuses pour les fans. Alors que tout le monde commence à saturer avec les films de super héros, de plus en plus d’adaptations de jeux, bonnes ou mauvaises, cartonnent au cinéma ou en série (Super Mario, Minecraft, The last of us…). Exit8 a même eu les honneurs d’une présentation en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2025.
Ici, pas de monstres spectaculaires ni de grands effets numériques. Le décor se limite à un couloir de métro sans fin, et l’action à une série de boucles répétitives. Et pourtant, la tension est telle qu’on se surprend à scruter chaque plan, chaque détail, comme si notre propre survie en dépendait. Avec ce dispositif, Exit 8 explore moins l’horreur extérieure que les pièges intérieurs : culpabilité, responsabilité, mémoire et transmission. C’est ce qui en fait bien plus qu’un simple film conceptuel : une plongée dans un cauchemar intime dont il est impossible de sortir indemne. Et pour le spectateur, cela peut paraitre un peu complexe. Décryptage ci-dessous.
Attention, analyse garantie 100% spoilers sur le fin du film
Synopsis
Un homme piégé dans un couloir de métro cherche la sortie numéro 8. Pour la trouver, il faut traquer les anomalies. S’il en voit une, il fait demi-tour. S’il n’en voit aucune, il continue. S’il se trompe, il est renvoyé à son point de départ. Parviendra-t-il à sortir de ce couloir sans fin ?
Exit 8 nous enferme dans un interminable couloir de métro tokyoïte. Au fil des passages, des silhouettes apparaissent : un Walking Man, une femme, un enfant. Ces figures oscillent entre hallucination et réalité. Elles incarnent autant d’obstacles, d’indices ou de projections mentales. Plus la répétition avance, plus la logique s’effondre : le héros s’égare dans un labyrinthe où tout semble construit pour le piéger.

Les thèmes du film
Ce couloir interminable est la métaphore d’une existence figée, où chaque erreur condamne à revenir au point de départ. Le spectateur, comme le personnage, apprend à scruter chaque détail, à se méfier du moindre faux pas. L’angoisse n’est pas tant dans l’action que dans l’attente, dans la peur de se tromper.
Au-delà du concept formel, Exit 8 parle de transmission et de responsabilité. La présence de l’enfant, qui apparaît encours de film, ramène la question de la filiation : comment protéger, guider, transmettre, lorsqu’on est soi-même enfermé dans ses propres erreurs ? L’enfant est à la fois un symbole d’innocence et un rappel douloureux du poids de la culpabilité parentale. Le héros n’est pas seulement prisonnier du couloir : il est prisonnier de son incapacité à assumer pleinement ce rôle, hanté par ses interrogations et ses doutes, ses peurs sur le fait de devenir père.
Exit 8 s’inscrit dans une tradition de films où la répétition et la mémoire défaillante deviennent des prisons psychiques. On pense bien sûr à Cube de Vincenzo Natali, avec ses décors minimalistes et labyrinthiques qui transforment chaque pas en menace, ou à Triangle, où la boucle temporelle rejoue sans cesse les mêmes drames, alimentés par la culpabilité d’une héroïne piégée dans ses erreurs. Et si l’on élargit encore, on retrouve dans Jacob’s Ladder ou Dark City ce même vertige existentiel : un monde où l’identité et les souvenirs ne sont plus fiables, où la peur vient autant de l’extérieur que de l’esprit qui vacille.
En ce sens, Exit 8 ne se contente pas d’adapter un jeu vidéo culte. Il dialogue avec toute une filiation de films fantastiques et psychologiques, où la boucle est autant un dispositif narratif qu’une métaphore du trauma, de la culpabilité et de l’impossibilité de rédemption.

Explication de la fin
Dans le dernier cycle, le héros parvient enfin à franchir la fameuse Exit 8. Mais cette sortie n’offre pas la délivrance attendue. Derrière la porte, c’est une nouvelle boucle, différente mais tout aussi étouffante. La révélation est claire : il n’y a pas d’échappatoire définitive.
Le film suggère que ce couloir n’est pas un espace physique mais un état mental. Le protagoniste est condamné à rejouer sans fin ses erreurs, comme une conscience piégée dans son propre remords. L’enfant renforce cette idée : il ne s’agit pas d’un labyrinthe extérieur, mais du reflet d’inquiétudes internes, liées à l’incapacité à prendre ses responsabilités, que ce soit pour aider la femme dans le métro ou son ex enceinte… La présence récurrente de l’enfant dans les derniers instants éclaire cette lecture : il n’est pas un compagnon de route, mais l’incarnation de ce que le protagoniste ne parvient pas à affronter.
En d’autres termes, la fin nous dit que la « sortie » existe, mais qu’elle ne mène nulle part. Elle n’est qu’une illusion supplémentaire, preuve que le vrai piège n’est pas le couloir… Il n’y a pas de solution magique, qui garantit un bonheur total. Quoique l’on fasse, il y aura toujours des moments de souffrance. Ce qui compte, c’est comment on agit, comment on se comporte dans ces situations, en attendant que les problèmes suivants débarquent.
Ainsi, la fin fonctionne comme un miroir cruel : le spectateur, qui a espéré une libération, comprend qu’il est piégé dans la même mécanique que le héros. La seule « sortie » possible est symbolique : accepter que certains traumatismes ne se résolvent pas, et que l’horreur la plus radicale est de rester prisonnier de soi-même.
Exit 8 est une expérience radicale : un film qui transforme une boucle infinie en parabole de la culpabilité, de la responsabilité parentale et de l’impossibilité de rédemption. Derrière son minimalisme formel, il cache une question glaçante : et si la pire des prisons n’était pas un lieu… mais le poids de ce qu’on n’a pas su transmettre ?