Running Man : Explications et Analyse

Après Marche ou crève en octobre, Running Man d’Edgar Wright est la nouvelle adaptation de Stephen King de cette année. Remake du film de 1987 (qui, il faut le dire, n’emprunte que peu au livre de King), le réalisateur nous offre une œuvre plus proche du roman de base, mais non moins riche en messages forts. L’occasion pour nous de vous expliquer un peu tout ça, ce qui inclut évidemment de nombreux spoilers. Le compte à rebours est lancé !

Synopsis :

Dans un futur dystopique, Ben Richards s’engage dans un jeu télévisé mortel pour gagner assez d’argent pour soigner sa fille malade. La règle est simple : pourchassé par des «hunters» et la population elle-même, il doit survivre 30 jours en cavale, chaque jour rapportant des gains à sa famille.

Ben (Glen Powell) est un personnage traité injustement par la vie : blacklisté de toutes les entreprises pour avoir pris la défense de ses collègues, sa femme et lui luttent pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur jeune fille gravement malade. Et dans ce futur dystopique où le «Network», entreprise capitaliste par excellence, contrôle tout, le moyen le plus rapide de se faire de l’argent est de participer à des jeux télévisés, plus dangereux les uns que les autres.

Repéré pour son tempérament colérique et empathique, Richards est sélectionné pour participer à «Running Man», la plus importante de ces émissions. 30 jours de cavale poursuivis par des hunters impitoyables et leur chef McCone (Lee Pace), chaque jour survécu rapporte des gains à sa famille. Une prime leur est également versée pour chaque policier et hunter abattu. Cependant, quiconque dans la population détenant des information sur sa position reçoit une belle enveloppe de 3 000 Nouveaux Dollars, 10 000 si cela mène à l’exécution du «runner». Richards doit donc fuir et se cacher dans ce pays où absolument tout le monde est contre lui…

Cavale et Révolution

Lors de cette fuite haletante, Ben Richards rencontre plusieurs personnages qui vont lui être d’une grande aide. Tout d’abord son ami Molie (Williams H Macy) qui lui offre de nouvelles identités, et qui révèle qu’il avait l’intention d’engager Ben dans son magasin, accentuant une certaine culpabilité chez le protagoniste qui, s’il n’avait attendu que quelques heures de plus, aurait pu éviter tout cela. Plus tard, il fait la rencontre de Bradley (Daniel Ezra), jeune homme risquant sa vie en se battant contre le système en réalisant des vidéos engagées destinées à la population sous le pseudonyme de l’Apôtre. Ce dernier à une jeune sœur de 5 ans, atteinte d’un grave cancer des poumons. Ce macabre point commun rapproche les deux hommes, et Bradley fait jouer ses contacts et sa connaissance parfaite des dessous du jeu pour offrir une chance à Ben.

Il l’envoie dans les mains expertes d’Elton (Michael Cera). Bien différent de sa version du roman, il est ici un révolutionnaire qui, avec l’aide de Bradley, souhaite que la population se rebelle face au système totalitaire dans lequel ils vivent. Ben commençant à devenir un symbole de survie, des tractes à son effigie sont préparés par Elton pour lancer la révolution. Il les confie à Richards et, lors d’une scène d’action créative et avec tout le fun qu’on connaît d’Edgar Wright, abat de nombreux policiers venus en finir avec Ben. Possédant un bunker dans lequel Richards pourra rester cacher, Elton l’y conduit bien que mortellement blessé. Les hunters les prennent en chasse, et Elton perd la vie dans l’affrontement.

Forcer à nouveau à fuir après avoir tué un hunter, Ben monte de force dans la voiture d’Amélia Williams (Emilia Jones), une jeune femme issue de la haute société et victime de la propagande constante du Network. Avec Amélia comme otage et un bluff désespéré, Ben russit à faire affreter un jet dans lequel il monte en compagnie de la jeune femme et du chef des hunter, Evan McCone.

Explication de la fin

Beaucoup de choses se passent dans ce jet. Tout d’abord, Ben tente de fuir vers le Canada mais apprend vite que l’avion est contrôlé à distance par le Network, et que les membres d’équipage sont en fait les hunters eux-même. Confiné dans cet espace, entouré de ses ennemis et sans armes, tout semble perdu pour Ben lorsque le grand manitou du jeu, Dan Killian (Josh Brolin) entre en communication avec lui. Il lui explique, preuves vidéos à l’appui, que les hunters, furieux de la mort de l’un des leurs, se sont vengé en abattant la femme et la fille de Ben. Killian lui propose donc un marché : tuer les hunters et McCone afin de prendre leur place dans un spin off intitulé «Hunter Six», et traquer lui-même les prochains candidats de Running Man.

On apprend également que McCone est un ancien candidat du jeu. Et pas n’importe lequel : participant à la saison 1, il a survécu 29 jours sur 30 avant d’être soit disant tué, le record invaincu de la traque. On comprend que Killian lui a fait la même offre qu’à Ben, offre qu’il a accepté. En cela, il est le miroir inversé du protagoniste, une version de Ben s’il jouait le jeu de Killian. Un homme froid, cruel, qui ne se soucie d’aucunes vies runner ou civil, obligé de cacher son visage sous un masque pour ne pas dévoiler la vérité. Enragé par la mort de sa famille, Ben tue les hunters ainsi que McCone, mais refuse cependant l’offre de Killian, refusant de devenir partie intégrante et esclave du système contre lequel il se bat.

C’est là qu’il est intéressant de parler de la fin du livre. En effet, dans celui-ci, Killian fait la même offre de devenir McCone à un Ben Richards mortellement blessé après son combat contre ce dernier. C’est là qu’il apprend que sa famille est morte tuée par un client violent de sa femme (et non par les hunters comme dans le film). Abattu et n’ayant plus rien à perdre, il prend le contrôle de l’avion et le fait s’écraser sur l’immeuble des jeux, se sacrifiant en emportant avec lui Killian et de nombreux autres. Une fin sombre et tragique, qui allait sans aucun doute être changée dans l’adaptation. Dans un film américain post 11 septembre, avoir le protagoniste qui détourne un avion pour le faire se crasher dans un immeuble, ça le fait pas trop…

Et c’est là que ça devient intéressant : au lieu de purement et simplement changer la fin, le film embrasse le dénouement du livre en en faisant la «mauvaise fin». Après son massacre et avoir fait s’éjecter Amélia avec les tracts révolutionnaires, Ben Richards demande à Killian si sa famille est toujours en vie, connaissant le goût prononcé du Network à créer de fausses images pour tromper la population Cette technique a été de nombreuses fois utilisée dans le film, quand les cassettes vidéos que Ben est obligé d’envoyer chaque jours sont censurées et retravaillées pour le faire passer pour un monstre. Killian laisse planer le doute, et donne un ultimatum au protagoniste : accepter l’offre de Killian, ou alors ils diffuseront un faux message de lui pétant les plombs en direct quelques minutes plus tard, et contrôleront l’avion pour l’envoyer sur l’immeuble des jeux avant qu’il ne soit abattu par un missile, le transformant en monstre et Network en sauveur. Ben refuse tout de même de devenir un hunter, et Killian met son plan à exécution.

Le film devient alors une vidéo de l’Apôtre, qui debunk ce qu’il s’est passé : grâce à la boite noire du jet retrouvée par une militante, la vraie discussion entre Killian et Richards est diffusée et la population comprend la vérité. Aidée par les tracts distribués par Amélia, une véritable révolution se lance, le peuple se levant enfin contre son oppresseur. Lors de la cérémonie de lancement de la nouvelle saison de Running Man, la foule se lève et détruit le studio. On suit un Killian désemparé qui tente de fuir, mais est abattu par un Ben Richards bien vivant.

En effet, on apprend que ce dernier a réussi (assez miraculeusement il faut le reconnaître) à s’éjecter du jet à bord d’une capsule de sauvetage. Lors d’une scène au supermarché, on retrouve Sheila (Jayme Lawson), la femme de Ben et leur fille bien vivantes elles aussi, et Ben qui vient les retrouver, la famille enfin réunie.

Analyse et thèmes du film

Le film questionne beaucoup notre rapport aux images et à la télévision en général, notamment la télé-réalité. Le film est ponctué de références, par exemple à l’émission des Kardashian, qui nous rappelle que ce monde dystopique reste très proche du nôtre. Certes, chez nous on ne tue pas des gens en direct pour faire de l’audience, mais comme la-bas de nombreuses personnes sont prêtes à se ridiculiser voir se blesser pour un peu d’argent. Mais dans notre monde, peut-être plus que l’argent est convoitée la célébrité. Tout pour faire du clic, pour être connu. Et le film aborde les dérives de cette célébrité. Être filmé constamment, être reconnu partout où l’on va, voir ses propos sortis de leurs contexte et déformés par des personnes jugeant votre vie sans rien en savoir que ce qu’on leur en a montré, tel est le quotidien de Ben Richards dans ce film, et d’énormément de célébrités à travers le monde aujourd’hui.

Et la manipulation des masses par la manipulation des images est un enjeu majeur du film : De nombreuses images, que se soit de la femme de Ben, de ses discours ou même de l’assassinat de sa familles, sont entièrement fausse et/ou retravaillées pour véhiculer les messages que veut le Network. Et encore une fois, ce futur dystopique n’est pas si éloigné que ça de nous ! Le deepfake, de plus en plus perfectionné grâce à l’intelligence artificielle, est de plus en plus présent sur les réseaux sociaux. Et a-t-on besoin de rappeler que le détournement et le remontage d’images est utilisé depuis la Seconde Guerre Mondiale pour servir la propagande ? Le film réussit à traiter ces sujets correctement, ce qui caractérise d’emblée le Network comme vraie menace tangible, car rattachée directement à notre univers. Le monde de Running Man pourrait bien être le nôtre dans quelques dizaines d’années si on n’y prend pas garde…

Enfin, comment ne pas parler de l’aspect révolutionnaire du film ? L’intelligence d’Edgar Wright est de nous montrer les différents pans nécessaires pour qu’une révolution réussisse au travers de ses personnages : Ben représente le symbole, le héros, celui qui inspire, l’homme de premier plan, l’étincelle qui motive les foules. Bradley quant à lui est le messager, celui qui par ses vidéos dans le film révèle la vérité, partage l’information, s’assure que tout le monde soit au courant. Elton représente le combattant, celui qui se prépare et agit concrètement, celui qui prend des risques en allant au contact. Et enfin, la plus importante de tous, c’est Amélia. Elle symbolise le peuple, la population dont la majorité est endoctrinée, mais qui ouvre les yeux quand elle découvre les horreurs cachées, quand elle découvre qu’on lui a menti. On voit au travers de ses yeux l’évolution de l’avis de la population même les plus riches au sein du film : Elle qui méprise Ben Richards car la société lui a appris à le mépriser, finit par apprendre à le connaître, à le comprendre, et à se rebeller contre le système qui lui a menti. Le peuple est l’élément clé d’une révolution, sans lui tout est voué à l’échec.

Running Man est un film qui nous met en garde contre les déviances du pouvoir, contre la manipulation, et qui nous invite à nous battre contre les injustices et ceux qui s’enrichissent sur le dos des autres. Peu importe leur puissance, si le peuple est uni, la révolution est inévitable.

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