Il n’y a pas de recette miracle pour faire naître les grands acteurs. La case « école de théâtre » peut même être dédaignée. François Damiens, pour parler de lui, a été refusé au Conservatoire de Bruxelles, et a commencé par jeter son dévolu sur des études de commerce international et s’est envolé pour l’Australie avant de faire des caméras cachées pour D8 : comme quoi, tous les chemins peuvent définitivement mener à Rome. Déjà, ses caméras cachées kamikazes et totalement inédites sur le marché, aussi hilarantes qu’embarrassantes, révèlent un sacré trublion et une personnalité d’acteur bien trempée : n’ayant pas peur des risques, mettant systématiquement les pieds dans le plat avec une joyeuse inconscience, se contrefichant d’être laid et affirmant une amusante tendance, reconduite de caméra cachée en caméra cachée, au transformisme – affublant à chaque fois un look improbable au possible. Dans ces vidéos, le Belge joue souvent avec le feu, repoussant toutes les limites et manquant parfois de peu de s’en prendre une.
Le cinéma comique, prédilection de François Damiens
Ensuite François Damiens connu dorénavant comme François l’embrouille s’est imposé peu à peu dans le paysage du cinéma comique, d’abord discrètement, via des seconds rôles de gros Belge beauf, comme dans « Taxi 4 » (Gérard Krawcyk, 2007) ou « OSS 117, Le Caire Nid d’Espions » (Michel Hazanavicius, 2006) au casting duquel il s’inscrit après avoir bu un café avec Eric et Ramzy et dans lequel, en marchand de poulet irrésistible, il donne la réplique à Jean Dujardin. Un accent belge à couper au couteau, une gueule inratable, un sens inné des situations et des bons mots, Damiens est une tornade comique qui emporte tout sur son passage et rien que ses quelques minutes d’apparition dans les films sus-cités suffisent déjà à s’en convaincre. Comédie culte en Belgique, « Dikkenek » (Olivier Von Hofstadt, 2006) marque le passage du petit au grand écran pour le personnage de François l’embrouille, qui y joue un photographe pervers, misogyne et qui vit encore chez Maman. Cheveux gominés, lunettes de soleil énormes, t-shirt orange et marron, l’humoriste impose un archétype de Beauf absolument inoubliable.
Début des premiers rôles
Finis ensuite les seconds rôles, Damiens se voit proposer des premiers rôles, y compris dramatiques, contribuant à traçer une filmographie résolument originale et inédite. On retient notamment son talent pour camper, avec à chaque fois beaucoup de justesse et d’humanité, des pères de famille confrontés à des difficultés avec leur fille. Dans « La Famille Wolberg » d’Axelle Ropert (2009) et « La Famille Bélier » d’Eric Lartigau (2014), il joue quasiment le même rôle. Dans « Gare du Nord » de Claire Simon (2013) tout comme « Les Cowboys » de Thomas Bidegain (2015), sa fille est partie et il doit la chercher. Au fil des films du début des années 2010, il s’impose comme un pater familias dépassé et tentant tant bien que mal de ramener l’harmonie dans sa famille. Dans « Une pure affaire » d’Alexandre Coffre (2011) il s’improvise dealer de drogue pour joindre les deux bouts et permettre à ses enfants et à sa femme de vivre confortablement ; tandis que dans « Torpédo » de Mathieu Donck (2012) il s’invente une famille pour gagner un obscur concours qui permet au gagnant de dîner avec le cycliste Eddy Merckx.
Vers un cinéma plus sérieux ?
Finies les pitreries du début de sa carrière, Damiens prouve avec ses derniers rôles qu’il peut tout aussi bien être un interprète solide dans un registre plus émotionnel, poignant ou sombre ; entrant en même temps dans la famille des acteurs entre guillemets sérieux en se voyant nommé par deux fois au César du meilleur acteur. En 2016 on l’attend de pied ferme dans « Des nouvelles de la planète Mars » de Dominik Moll, le réalisateur d’ « Harry, un ami qui vous veut du bien » et dans lequel il est confronté à Vincent Macaigne, autre acteur à la mode en ce moment.
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