Réalisatrice américano-islandaise diplômée de la Fémis et décédée en 2015, Solveig Anspach nous livre avec “L’effet aquatique” un film posthume débordant à la fois de délicatesse et de drôlerie. On s’y plonge avec plaisir…
Synopsis
Samir, la quarantaine dégingandée, grutier à Montreuil, tombe raide dingue d’Agathe. Comme elle est maître-nageuse à la piscine Maurice Thorez, il décide, pour s’en approcher, de prendre des leçons de natation avec elle, alors qu’il sait parfaitement nager. Mais son mensonge ne tient pas trois leçons – or Agathe déteste les menteurs ! Choisie pour représenter la Seine-Saint-Denis, Agathe s’envole pour l’Islande où se tient le 10ème Congrès International des Maîtres-Nageurs. Morsure d’amour oblige, Samir n’a d’autre choix que de s’envoler à son tour …
Critique
Accompagné au scénario de son fidèle complice Jean-Luc Gaget, Solveig Anspach arrive mine de rien à réinventer la comédie romantique. En une séquence, dans un bar, Samir tombe amoureux d’Agathe, amoureux comme un collégien pathétique. Il apprend qu’elle est maître-nageuse à la piscine Maurice Thorez à Montreuil et va faire semblant de ne pas savoir nager pour s’approcher d’elle. En filigrane, le film interroge la façon dont on peut réussir à aborder l’être aimé sans avoir l’air trop tarte ni trop lourd. A l’homme qui la drague dans un bar dans la séquence inaugurale, Agathe reproche justement d’avoir l’air trop transparent. D’après elle, cela se verrait à dix kilomètres qu’il a envie de la sauter. Mais là avec Samir elle tombe dans le panneau, tombe sous son charme, avant de s’apercevoir qu’il a menti. Elle s’en va, à la faveur d’un congrès de maîtres-nageurs en Islande. Il part la rejoindre.
“L’Effet Aquatique” prend peu à peu des allures de conte de fée, de fable tendre et poétique avec une bonne touche d’humanisme et d’utopie – comme à travers l’évocation d’une piscine israélo-palestinienne -, parfois loufoque grâce à des seconds rôles comme Esteban, chanteur des “Naive New Beaters”, un peu lourdaud dans “La Fille du 14 Juillet” d’Antonin Peretjako, mais ici très drôle, ou l’Islandais Frosti Runolfsson. Enfin, le film doit beaucoup à son couple : le maladroit et touchant Samir Guesmi, et la fragile et gracile Florence Loiret-Caille – tous deux s’avèrent à leur manière irrésistibles. Solveig Anspach prend le temps salutaire de poser sa caméra au choix sur ses personnages ou les magnifiques paysages sauvages de l’Islande, faire vivre des situations, faire peser des silences et raconter son histoire simple mais touchante et remplie de poésie.
Comment aller vers l’autre ? A quel point peut-on être soi dans le processus de séduction ? Il est beau de voir comment, sans en avoir l’air, “L’Effet aquatique” se penche, une nouvelle fois mais à sa manière, sur la façon dont un couple se rencontre et tombe, plus ou moins soudainement, amoureux. Beau aussi que, dans ce film posthume, les mots importent peu, beaucoup plus ce qui ne se dit pas, ce qu’il y a entre les mots, les les non-dits, les regards, les silences, les actions. S’il n’est pas parfait – l’on s’y ennuie parfois, les scènes drôles auraient pu être drôles et les scènes touchantes plus touchantes -, le dernier cadeau de Solveig Anspach présente ce mélange détonant de finesse et de loufoquerie, qui, tout en pouvant faire penser au travail du trio burlesque franco-belgo-australien composé de Dominique Abel, Fiona Gordon, et Bruno Romy ou à celui du finlandais Aki Kaurismäki, n’appartient, au final, qu’à lui.
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