Julien Rappeneau, fils de Jean-Paul Rappenau (Le hussard sur le toit, Cyrano de Bergerac) s’était jusqu’ici illustré comme scénariste. Il a notamment travaillé sur des comédies légères (Mais qui a tué Pamela Rose ?, RTT, un ticket pour l’espace), des films d’action (Largo Winch) ou encore des films policiers (36 quai des orfèvres, Zulu). Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, Julien Rappenau adapte Rosalie Blum, un roman graphique en trois tomes de Camille Jourdy récompensé au festival d’Angoulême en 2010. A la fois touchant, sincère et humble, le néo-réalisateur passe avec brio le test du premier film en délivrant un feel-good movie teinté d’une certaine dramaturgie.
Synopsis
Vincent Machot habite une petite ville de province. Sa vie partagée entre son salon de coiffure, sa mère possessive et les obsessions sexuelles de son cousin Laurent, lui semble de plus en plus morne… Un dimanche, après avoir enfourché son vélo à la recherche d’une
supérette ouverte, il éprouve un sentiment étrange de déjà-vu lorsqu’il croise le regard de l’épicière. Où l’a-t-il déjà rencontrée Irrésistiblement, Vincent se met à suivre cette femme à travers la ville…
Critique
Rosalie Blum conte l’histoire de trois personnages solitaires totalement différents les uns des autres mais ayant en commun la particularité d’être au point mort dans leur vie. Bien qu’aucun de ces trois personnages ne soit content de sa situation, tous s’engluent dans la tristesse de leur réalité jusqu’à se satisfaire d’un désespoir accepté. Déçus et résignés, les personnages mènent une existence morne et dépourvue d’intérêt, bien loin de la vie dont ils rêvaient. C’est alors qu’un événement va bouleverser leur confort, leur rencontre de Rosalie Blum. Les destins des trois personnages vont alors s’entremêler et les « ramener à la vie ». Ce qui va leur rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour reprendre le contrôle de son existence.
Pour son premier film, Julien Rappeneau nous offre une comédie doucement dramatique où les acteurs montrent tour à tour leur capacité à jongler avec différents registres. Kyan Khojandi campe le rôle de Vincent Machot, un coiffeur coincé entre sa copine qui fait tout pour l’éviter et une mère castratrice jouée par une Anémone en pleine forme. En somme, la vie n’est pas rose pour ce coiffeur trentenaire qui n’attendait que « le mec de bref » pour l’interpréter tant la ressemblance entre les deux univers est frappante. Un peu gauche mais attachant, chacun pourra tour à tour s’identifier à ce personnage timide, manquant simplement de confiance en lui pour sortir de sa torpeur et aller de l’avant. C’est finalement sa rencontre avec Rosalie Blum qui va bouleverser son quotidien et le sortir de son immobilisme, bien décidé à découvrir qui elle est. Cette dernière est par ailleurs interprétée par Noémie Lvovsky, connue pour son rôle dans Camille redouble pour lequel elle a remporté le césar de la meilleure actrice en 2013. A la fois mélancolique, mystérieuse et amusée, Noémie Lvovsky campe une Rosalie Blum extrêmement juste et convaincante.
Enfin, Alice Isaaz complète le trio en incarnant la rebelle mais ravissante Aude, inactive et enfermé dans une routine dont elle espère se défaire. Outre les acteurs principaux, le film regorge de personnages secondaires très bien écrits. On retiendra ceux de Sara Giraudeau, copine survoltée de Aude et Philippe Rebot en colocataire déjantée et loufoque. Il est clair que Julien Rappeneau a su s’entourer d’une fine équipe pour faire de Rosalie Blum une adaptation fidèle de la BD de Camille Jourdy.
Cependant l’intérêt du métrage réside dans son parti pris narratif. En effet, Rosalie Blum intègre la liste des films exploitant une situation observée selon les points de vues de plusieurs protagonistes. C’est également une manière pour le réalisateur de relancer l’intérêt de l’intrigue en changeant l’angle de la situation. Julien Rappeneau prend ici un malin plaisir à jouer non seulement avec ses personnages mais aussi les spectateurs, amusés des rebondissements qu’offrent ce concept narratif. Rosalie Blum glisse pourtant de temps à autre vers le drame mélancolique et c’est là que le film opère son charme et devient des plus agréable à regarder.
Bâtie comme un conte, le film s’évertue à délivrer le message naïf mais sincère sur l’importance d’être heureux et les rêves d’enfance si souvent oubliés. De cette facile et candide rhétorique se dégage tout de même un divertissement de qualité, à la fois original et plein de sensibilité. En bref, bien au dessus des comédies insipides auquel nous habitue si souvent le cinéma français.
K.SAVORNIN