Réaliser un film sur l’univers du jazz, et en particulier du batteur de l’orchestre de jazz est quelque chose d’osé, tellement le sujet semble, à première vue, restreint. N’oublions pas que sur ce type de récit d’apprentissage artistique, Darren Aronofsky nous a donné le très réussi Black Swan (dont vous pouvez relire notre critique ici). Donc finalement, c’est possible non ?
Synopsis
Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence…
Critique
Le jazz est certainement un des style musicaux les plus exigeants, mais aussi un des moins reconnus. Comme le dit l’adage : “Le blues c’est 3000 personnes qui viennent voir des musiciens jouer 3 notes, le jazz c’est 3 personnes qui viennent voir des musiciens jouer 3000 notes”. Andrew, le héros de Whiplas une affiche dans sa chambre : “Les mauvais batteurs de jazz partent évoluer dans un groupe de rock”. Et Andrew ne veut définitivement pas jouer dans un groupe de rock. Non, Andrew veut devenir le plus grand batteur de jazz de l’histoire.
Andrew est doué avec une batterie, il semble pour le spectateur avoir le rythme, le tempo, et on lui donnerait le 1er prix de batterie sans hésiter. Mais ce talent, cette technique, est-elle innée ou est-elle issue d’un travail acharné de chaque moment ? C’est sur cette question de l’inné contre l’acquis que Whiplash est un grand film. Contrairement à beaucoup de contes hollywoodien où le talent semble tout faire, le travail étant second, Whiplash ne nous fait pas rêver à cela. Non, la musique dans Whiplash, c’est ce que disait Brel :
“Le talent, cela n’existe pas […] Avoir envie de réaliser un rêve, c’est le talent. Et tout le reste, c’est de la sueur. C’est de la transpiration, c’est de la discipline.”
On subit ainsi les craintes d’Andrew, son travail acharné de chaque instant pour devenir un grand batteur, quitte à y sacrifier sa vie privée, ses amours naissances, ou même sa vie. Pour réussir, Andrew ne reculera devant aucune difficulté, et Dieu sait qu’elles sont nombreuses. Son professeur, Terence Fletcher (l’indécrottable J.J.Jameson dans les Spider-Man de Sam Raimi) se chargeant d’en rajouter autant que possible. Son personnage est cruel, à la limite du sadisme, cherchant toujours à pousser ses élèves à bout afin de les faire se dépasser. A la manière d’un Thomas Leroy dans Black Swan, c’est justement cette violence dans l’apprentissage qui peut permettre à l’élève d’atteindre son but, un état de grâce unique que seul son art peut lui apporter.
Et ce travail pour Andrew est d’autant plus ingrat que son art n’est pas reconnu, et que donc personne ne le comprend. Ce message choc du film vient à contre-pied des classiques Hollywoodien, mais en même temps est parfaitement exécuté. On entre dans le film, on suit et souffre avec Andrew, et on souhaite pour lui d’atteindre son objectif, son but : devenir le meilleur. Les images comme la musique sont parfaites, les morceaux prenants (et appuyés par un montage sans faille). Tout le film est dans ces teintes rouge/orangées, cosy, que l’on associe au jazz. On s’enferme donc avec joie dans cet univers pendant la durée de Whiplash.
S’il faut conclure, Whiplash est un film touchant, choc, qui cherche à transmettre un message que l’on sait tous, sans vouloir le reconnaître : c’est par le travail et des sacrifices que l’on devient le meilleur. Et pour celui qui est prêt à ces sacrifices, il y a une possibilité, une chance d’atteindre son but.