Après le grand Boyhood en 2014, notre petit chouchou (avec Michael Bay) Richard Linklater revient derrière la caméra avec Everybody Wants Some!!, ode à la jeunesse et aux années 1980. Si le sujet avait déjà été abordé par le même Linklater en 1993 avec Dazed and Confused, il est intéressant de voir comment le cinéma de ce dernier a évolué. Spoiler alert : c’est toujours aussi bon.
Synopsis
Dans les années 80, suivez les premières heures de Jake sur un campus universitaire. Avec ses nouveaux amis, étudiants comme lui, il va découvrir les libertés et les responsabilités de l’âge adulte. Il va surtout passer le meilleur week-end de sa vie…
Critique
Un film peut vous marquer de bien des manières. Une situation qui vous touche, une image qui vous transporte, un jeu d’acteur qui vous fait chavirer. Certains films vous transporterons par un sentiment de nostalgie, une époque révolue – et donc forcément fantasmée. Everybody Wants Some!! comme Dazed & Confused en son temps font partie de cette famille, aux côtés d’un Almost Famous de Cameron Crowe. Mais pas que, car on parle ici de Linklater.
Le synopsis du film tient sur un timbre poste : il s’agit du week-end d’intégration d’un jeune étudiant texan à l’université, au tout début des années 1980. Et comme tout jeune adulte entrant à l’université, les préoccupations du jeune Jake sont simples : le sport, les potes…et les filles. Durant 4 jours et 4 nuits, nous suivrons donc Jake et sa bande de joyeux lurons à la découverte du campus et de la vie en général.
On s’interroge en voyant Jake, à se demander si ce n’est pas finalement le petit Mitch Kramer de Dazed & Confused qui aurait fini le lycée avant d’entrer à l’université. Les deux jouent au même poste au baseball, les deux sont texans et l’unité de temps est identique… Et entre la 1ere année de lycée de Mitch et la 1ere d’université de Jake, 23 ans ont passé, et Richard Linklater est passé du jeune cinéaste indépendant d’Houston à un concurrent sérieux pour l’Oscar du meilleur film et meilleur réalisateur de 2014. Sa réalisation est donc plus pointue, ses textes plus maîtrisés et personnages plus travaillés. La trilogie des Before est passée par là, et on se surprends à vibrer devant quelques échanges d’un couple marchant, la caméra reculant devant eux . Le cinéma de Linklater est plus abouti, cependant on retrouve cette touche, cette honnêteté, cette sincérité chez les personnages qui les rends si attachants.
Si le film semble déconstruit et sans réelle trame à première vue, on se rend finalement compte qu’il l’est, est très finement. Le “voyage initiatique” de Jake ne passe pas par des épreuves comme dans un Star Wars, mais par la musique, la culture s’y rattachant..et évidemment les femmes, car on ne va pas en soirée QUE pour danser ! Les quatre soirées de Jake tournent autour de 4 styles musicaux différents : on va du disco au country, en passant par le punk et les projets artistiques expérimentaux. Et c’est par ce voyage que Jake se trouvera, affirmera sa place au sein de son groupe de potes et de son équipe de baseball.
Pour le spectateur, le voyage ne sera pas que musical. Bien que les lieux et époques diffèrent, il nous sera impossible de ne pas trouver des points de ressemblances avec nos propres expériences, notre propre jeunesse. Et finalement, en faisant un film idéalisant sa propre jeunesse (oui, il avait 20 ans en 1980 et vivait au Texas…), Linklater va réveiller cette nostalgie en nous. Nostalgie de cette période où l’on n’est plus un enfant, mais pas non plus un adulte. De conteur, Linklater se met aussi à la place du spectateur, créant un personnage qui va aller jusqu’à mentir afin de revivre indéfiniment ses années d’université, à la manière du personnage de Matthew McConaughey de Dazed & Confused. Ce personnage, c’est Richard Linklater, c’est vous, c’est moi. C’est celui qui aimerait revivre cette période où finalement tout est simple et où l’on est jeune, fou et insouciant.
C’est la force de Richard Linklater, force qui ne s’affaiblit pas et au contraire semble se renforcer année après année : nous faire toucher du doigt l’universel à partir de thèmes terriblement terre à terre. Comme tout le monde se voit dans un des personnages de la trilogie des Before (qui ne sont finalement qu’un couple) ou dans un moment de Boyhood (qui ne faisait que de raconter l’enfance), tout le monde se verra à un moment dans Everybody Wants Some!! On sortira du film avec cette sensation d’avoir été là. Pas à ce moment, pas à cet endroit, mais dans cet état d’esprit. On a été à un moment Jesse, Céline, Pink, Mitch, Jodi, Mason…et là nous sommes Jake, Beverly et Finn. D’un instant posé dans le temps (et il nous le rappelle bien dans son montage, la date et l’heure étant précise), Linklater est tout le monde à une époque définie.
Everybody Wants Some!! n’aura pas la force ni l’impact d’un Before ou d’un Boyhood, mais il confirme que Linklater est l’un des meilleurs réalisateurs du moment, et rater son cinéma est rater une occasion de voyager. Linklater sait parler à nos émotions, et par sa passion, son vécu, sa finesse d’analyse de la jeunesse arrive à parler en direct à nos propres souvenirs. Vivement le prochain.