The Handmaid’s Tale : Chronique d’une saison 2 représentative de son époque

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Avec un peu de retard, on a rattrapé la saison 2 de The Handmaid’s Tale. De prime abord acclamée par la (quasi) totalité, cet avis semble un peu exagéré. Cette saison 2 mérite d’être vue, mais souffre des affres de son époque…

Cette critique va s’efforcer d’être sans (trop) de spoilers, mais il sera difficile de tout éviter, donc si vous ne voulez rien savoir, n’allez pas plus loin !

Le syndrome du “Toujours plus”

Si l’on devait résumer cette saison 2 de Handmaid’s Tale, je pense que c’est la première phrase qui me viendrait à l’esprit. Toujours plus. Plus d’épisodes (on passe de 10 à 13), plus de scènes chocs (pour frapper le spectateur et l’inviter à voir l’épisode/la saison suivante), plus de désaturation de l’image et de gros plans

Si effectivement, cette patte de réalisation, tout comme les scènes chocs étaient un point fort de la saison 1, c’était essentiellement car on le découvrait et qu’elles étaient justifiées par l’histoire. L’introspection du personnage principal (allant avec la voix off) par sa solitude, le côté rétrograde de la société qui s’accordait parfaitement avec les tons sépia, faisant même parfois nous demander si l’on était toujours dans le futur ou le passé… Malheureusement, sans justifications, ces efforts semblent bien peu bienvenus.

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Pour les couleurs, disons que c’est OK. C’est l’ADN de la série, on peut l’accepter. Pour l’introspection du personnage principal, c’est déjà plus difficile. Pourquoi ? Tout simplement car ce dernier n’évolue pas des masses, du moins pas suffisamment pour justifier les gros plans continus. D’autant plus que la saison d’offre le luxe de se finir sur un cliffhanger portant sur un choix de June qui est… incompréhensible. Du coup, on se demande pourquoi ?

Pourquoi aussi faire 13 épisodes également ? En 10 épisodes, la saison 1 a planté des personnages forts, plein de contradictions, ainsi qu’un univers excellent qui ouvre un champs des possibles gigantesques. Et en 13 épisodes, la saison 2 fait quoi ? Elle insiste un peu plus sur ces contradictions (certes, mais elles étaient déjà là avant…), elle agrandit à peine le monde (un passage court dans les colonies et au Canada et puis s’en va). Sa seule justification serait d’offrir de nouvelles péripéties aux personnages qui le ferait évoluer. Malheureusement, on assiste à une répétition d’une même situation (j’essaie de m’enfuir, mais finalement je reste). Et au final, le personnage évolue, mais sans que l’on comprenne son cheminement !

Le sadisme envers son personnage principal

Ce diagnostic n’a rien de scientifique, et n’est certainement pas présent dans les livres de formation au métier de scénariste ou réalisateur. Mais je l’apprécie et le trouve malheureusement plutôt vrai. Si vous avez vu des séries comme Californication ou Secret Diary of a Call Girl, vous allez très vite comprendre ce syndrome.

Ce syndrome du sadisme scénaristique arrive quand les scénaristes semblent ne pas savoir où aller mais doivent tirer la saison en longueur. Du coup, solution de facilité, on fait souffrir inutilement le personnage principal. Les saisons 5, 6 et 7 de Californication fonctionnent comme cela, et la saison 4 de Secret Diary ne repose qu’exclusivement dessus.

On pourrait rétorquer que c’est aussi le gagne pain d’une autre série du moment, Better Call Saul. Et ce serait se tromper de limiter le spin-off de Breaking Bad à cela. En effet, Jimmy McGill enchaîne les situations improbables et les échecs. Cependant, ces situations ne sont pas toutes négatives, beaucoup sont positives également, et toutes amènent le personnage à évoluer, brique par brique, le rendant parfaitement cohérent avec ce qu’il est à un instant T, et ce qu’il deviendra dans la série originelle. Et cerise sur le gâteau, les autres personnages qui l’entourent évoluent de la même manière ! Rien à voir donc avec l’acharnement thérapeutique que peuvent rencontrer d’autres héros comme notre servante écarlate.

Et donc malheureusement, June Osborn rejoint la liste des personnages traumatisés par leurs scénaristes sur l’autel du nombre d’épisodes et de saisons. On ne compte plus le nombre d’emmerdes qu’elle peut vivre dans cette saison 2, dévoilant une forme de masochisme qui peut, dans un certain sens, justifier le cliffhanger final, et donc la voie vers une saison 3.

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Un univers qui ne bouge pas

La montée en puissance de Gilead, comment les USA ont été renversés, les relations de la communauté internationale avec cette République, l’autorité de Gilead dans le reste de l’Amérique, les colonies… autant de sujets qui auraient été passionnants, et qui auraient été passionnant à traiter dans les épisodes de cette saison 2 ! Mis à part le Canada et les colonies, cela n’a pourtant été qu’effleuré, les scénaristes préférant rester dans l’ex-Massachusetts  pour faire souffrir notre chère June.

On en vient à se dire que la série aurait pu évoluer avec d’autres personnages, dans d’autres périodes temporelles ou d’autres lieux. Car au-delà de la personnalité de June, n’est-ce-pas surtout pour son univers dystopique que la série a attiré les spectateurs lors de sa première saison ?

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En conclusion, The Handmaid’s Tale saison 2 est tout sauf une réussite, mais est pourtant l’archétype des séries du moment. Une première saison réussie car une adaptation d’une oeuvre à fort potentiel. Puis, on la traîne en longueur après le succès critique et populaire sans vraiment savoir quoi en faire. Le tout en ayant peur de renverser le socle de base et donc prendre le risque de scier la branche – la manne financière – sur laquelle on est assis.

Pour faire traîner sans prendre de risque, on en met donc plus, on est plus polémique, sans non plus prendre de risque, le tout sans faire évoluer les personnages et enchaînant les situations redondantes. Espérons que la saison 3 saura prendre des risques – et surtout clôturer ce spectacle qui a déjà assez duré. Dans la foulée, espérons également qu’on ne reproduira pas cette situation dans le cadre des mini-séries à succès qui se suffisent à elles-mêmes. Oui, Big Little Lies et Sharp Object, on vous regarde…

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