James Bond est une licence compliquée qui remue les critiques à chaque opus. Entre recherche de nouveauté et pression liée à l’image de l’agent 007, Sam Mendes avait réussit le pari avec Skyfall, un épisode tour à tour mélodramatique et reboot de la saga.
Avec SPECTRE, Sam Mendes remet le couvert dans une ambiance toujours aussi sombre, à la recherche d’une continuité dans le style. A-t-il fait aussi bien ?
Synopsis
Un message cryptique venu tout droit de son passé pousse Bond à enquêter sur une sinistre organisation. Alors que M affronte une tempête politique pour que les services secrets puissent continuer à opérer, Bond s’échine à révéler la terrible vérité derrière… le Spectre.
Une suite de Skyfall assumée
Malgré une ouverture pré-générique qui laisse à penser que c’est un 007 “classique” qui va nous occuper pendant 2h30, l’histoire reprend bel et bien sur l’élan de Skyfall par une grande enquête personnelle de James Bond. Toujours aussi détaché et isolé du MI6, Bond joue la carte du loup solitaire pour remonter à la tête de l’organisation SPECTRE. Définitivement tourné vers la vie de famille de James, ce nouveau film va beaucoup plus loin que Skyfall en levant le voile sur les réelles relations et le passé de notre agent favori.
Malheureusement, les ficelles du scénario sont trop légères pour en faire un grand film. C’est suffisant pour maintenir le suspens et conserver quelques intrigues, mais de nombreux indices avaient déjà été dévoilés par les teasers et bandes annonces. Notamment la plus grosse ficelle qui est connue d’avance… Dommage car on prend beaucoup moins de plaisir lors des supposés rebondissements.
Le film reste cohérent sur les deux tiers de l’histoire puis semble s’effondrer sur le dernier tiers. La première partie est axée sur l’agent du MI6, campé par un Daniel Craig en grande forme ! De nombreux codes du genre sont présents et on s’amuse même des dialogues pinçant du british-agent. Le reste du film est tourné sur la tête de la pieuvre jouée par Christoph Waltz. Le “grand méchant” Franz Oberhauser est bien trop porté sur cette histoire de famille, ce qui déleste le scénario et les objectifs primaires de l’Organisation SPECTRE. De plus, cela mène a quelques belles incohérences, somme toutes compensées par un rythme efficace qui fait oublier ces erreurs en plongeant la tête première dans l’action.
Franz Oberhauser, un méchant raté
007 SPECTRE est loin d’être ennuyant. La réalisation est nerveuse lorsqu’il le faut sur les scènes d’actions, ou très calme et accompagnée d’une mise en scène magnifique pour poser les dialogues. Il faut d’ailleurs souligner le très beau plan séquence de la scène d’introduction qui en impose à la fois par le nombre de figurants mobilisés que par le suspens qui s’étire sur plusieurs minutes. La mise en scène offre, quant à elle – et dans des décors parfois magnifiques – de superbes séquences magnifiant soit James Bond, soit Franz Oberhauser. SPECTRE est définitivement sombre et noir, à l’image de son précurseur Skyfall (qui a parlé de ressemblances avec la cinématographie du Dark Knight de Nolan ?).
Mais alors pourquoi le chef incontesté de l’Organisation SPECTRE – Franz Oberhauser – est-il un méchant raté ? Tout simplement parce qu’il est trop dans l’ombre des personnages dont on reparlera dans le futur de la franchise, sorte de reboot d’un méchant bien connu des fans de la saga (spoiler alert, on s’arrête là). Chistoph Waltz est loin d’être mauvais dans le rôle mais semble trop se raccrocher à un script encore pas écrit de la suite des aventures…
D’ailleurs, on ne connait toujours pas le sombre dessein de l’organisation SPECTRE et de son jeu de pouvoir sur “l’information”. Ils s’annoncent comme des visionnaires, bien au dessus des systèmes démocratiques, mais sans forcément en dire plus… Instauration d’un nouvel ordre mondial ? Dictature ? Pressions sur les gouvernements sans monter sur le devant de la scène ? Les objectifs de SPECTRE sont flous et le resteront dans ce 24ème James Bond.
Un film trop ambitieux
Le manque de présence du leader de l’oganisation SPECTRE ouvre à un autre problème du film : il y a bien trop de personnages. Le pauvre Denbigh – incarné par le génial Andrew Scott, que l’on connait pour sa prestation de Moriarty du Sherlock avec Cumberbatch – a un demi-rôle bien vite expédié. Surtout lorsque l’on connait le talent de l’acteur, malgré le rôle de C dont on sait qu’il est temporaire. Autre exemple avec Dave Bautista dans la peau du “nouveau requin” qui ne sert qu’à légitimer quelques scènes d’actions brutales.
Les fins connaisseurs de la saga James Bond reconnaîtront d’ailleurs de très très très nombreux clins d’œils aux autres opus, tant sur les personnages que sur les lieux et les situations. Car là où 007 SPECTRE n’est pas très bon, c’est qu’il manque clairement d’innovation. Tout en abordant trop d’intrigues dans trop de lieux différents de part le monde, ce film ne fait que piocher dans du “déjà-vu” parcourus durant les 23 films qui le précède. Sans vous dévoiler quoi que se soit de l’intrigue, des lieux ou des personnages, il est facile de faire de nombreux rapprochement avec les James Bond de l’époque Sean Connery notamment.
Heureusement que SPECTRE se dote d’une James Bond Girl de qualité, qui n’arrive pas au niveau d’une Vesper Lynd, mais qui sait trouver une belle place dans le film. Léa Seydoux montre qu’elle peut assurer une prestation dans un très gros film dans un rôle pas si simple de prime abord. Le personnage de Madeleine Swann tranche, mais tombe trop vite dans un cliché, surtout sur la fin. James Bond est de nouveau un homme à femme… Trop facile ?
Ce nouvel épisode est certainement trop ambitieux, à cheval entre un Skyfall énorme qui aura su plaire au public et aux critiques, et un lien trop marqué avec les codes de la saga.
SPECTRE : La fin d’un reboot de James Bond
Car oui, 007 SPECTRE est l’aboutissement du reboot initié par Casino Royale.
Casino Royale construisait une nouvelle image d’un James Bond cru, violent et nouveau dans le milieu. Alors que Quantum of Solace s’était perdu dans le désert, Skyfall a assuré un renouveau à la saga, en humanisant 007, en trouvant de nouveaux leviers. Ce n’était pourtant pas chose aisée, avec un retour aux basiques de l’espionnage, sans trop de gadgets…
SPECTRE va plus loin en repositionant le ton très “dark” de Skyfall vers un registre plus léger, ne serait-ce que dans le comportement de James. Une première tendance vers l’alignement aux codes de la série 007. De plus, il y a énormément de références aux vieux films (dossier en préparation sur Oblikon car de trop nombreux spoilers). Les gadgets sont mêmes de retour de manière très progressive et avec beaucoup d’humour. Mais le plus gros pas est définitivement l’arrivée (le retour ?) d’un des plus grands “méchants” de la saga…
Un bon ou un mauvais James Bond ?
Réduire 007 SPECTRE à un “très bon divertissement” serait un peu dur. Car le film de Sam Mendes a de beaux atouts en poche pour séduire et rapprocher les univers des puristes comme des néophytes de James Bond. Le ton est parfois léger, souvent pesant. Les scènes d’actions sont plaisantes sans être très innovantes. Les acteurs sont bons sans être totalement convaincants.
C’est un bon film qui a de trop gros défauts, dont le principal est d’arriver après Skyfall. Cependant, ce film fait office de phase transitoire vers un renouveau de la franchise… Et personne ne peut prédire ce qu’il va s’y passer !!!