Adaptation du roman Au secours Pardon, L’Idéal fut écrit puis réalisé par le même homme. Alors l’expérience doit être assez intéressante à vivre, hein. Le travail sur soi-même, le recul nécessaire, tout ça… Mais, et si ce qui posait problème ici, c’était justement la distance qui sépare l’homme qui publie le roman en 2007 de celui qui l’adapte en 2016 ? Tandis que le temps s’est écoulé, que Beigbeder s’est dégradé, mon amour s’en est allé… Bref, et si Beigbeder était has-been ?
Synopsis
L’ancien concepteur-rédacteur Octave Parango de « 99 francs » s’est reconverti dans le “model scouting” à Moscou. Cet hédoniste cynique mène une vie très agréable dans les bras de jeunes mannequins russes et les jets privés de ses amis oligarques… jusqu’au jour où il est contacté par L’Idéal, la première entreprise de cosmétiques au monde, secouée par un gigantesque scandale médiatique. Notre antihéros aura sept jours pour trouver une nouvelle égérie en sillonnant les confins de la Russie post-communiste, sous les ordres de Valentine Winfeld, une directrice visuelle sèche et autoritaire. Entre les réunions de crise à Paris, les castings à Moscou, une élection de Miss en Sibérie, une fête chez un milliardaire poutinien et une quête des “new faces” aux quatre coins de l’ex-URSS, le fêtard paresseux et la workaholic frigide vont apprendre à se supporter et peut-être même à se sauver.
Critique
Déjà, par éthique professionnelle et souci de sincérité, je me dois de débuter cette critique en révélant au grand jour la passion trouble que j’avais plus jeune pour Fréderic Beigbeder. Ceci expliquerait en parti la tristesse et le désarroi que j’ai pu ressentir à deux reprises maintenant en allant voir ces films au cinéma. C’est à dire qu’à la sortie du premier je me suis senti bafouée, mais là c’est carrément meurtrie que je suis sortie de la salle. Bon vous me direz que L’Amour dure Trois ans ne laissait rien présager de bon, mais quand même ! Non mais franchement Fred, qu’est-ce que tu nous as encore foutu ? Ok, y a pas de prétention à faire un grand film et ok, un peu de légèreté ne fait pas de mal, mais t’étais pas non plus obligé d’emprunter la voie de la comédie américaine !
Alors on pourrait plaider que celui qui le dit avec les mots ne sait pas forcément le dire avec les gestes (ou les images) mais qu’il s’en tienne à l’écriture de romans dans ce cas ! Parce que oui monsieur, figurez-vous que l’écriture de scénario est soumise à des règles, qu’on le veuille ou non. Et puis je ne trouve pas très juste de financer des projets comme ceux-là : Pas d’écriture cinématographique + pas d’ambition artistique + des acteurs connus = €€€ navet français qui fait du flouze €€€ !
Dans l’Idéal, nom d’une grande entreprise faisant écho à l’Oréal, l’action prend cette fois place dans l’univers cruel du mannequinat. Et même si l’on sent bien le désir de grogner contre ce monde factice, il est surtout prétexte à tourner avec des mannequins toutes aussi sublimes qu’inutiles à l’intrigue. Certes tout est caricaturé et donc discrédité, mais cela ne revient pas à attaquer pour autant. A seulement moquer le problème, Beigbeder le normalise. Le problème, c’est qu’en injectant autant d’humour, d’absurde au sujet, on le dédiabolise. Le monde impitoyable de la mode devient prétexte à la blague et aux situations « cocasses » déjà vues. Autre souci, c’est que faute d’avoir une intrigue suffisamment riche et étoffée le rythme en pâtit et il ne se passe souvent pas grand chose durant le film. Alors après on pourrait défendre l’objet on disant qu’il s’adresse à un spectre plus large de spectateurs, et donc également aux petites filles, les dissuadant ainsi de devenir des cruches anorexiques. Mais bizarrement j’en doute… Enfin disons que je ne suis pas certaine que le but premier de Beigbeder soit de protéger les jeunes mannequins du monde impitoyable de l’argent, de la mode et du sexe. Mais je me trompe peut-être.
L’Idéal est par ailleurs la suite du roman 99f, qui avait été porté à l’écran en 2007 par le réalisateur Jan Kounen. Alors je ne sais pas si vous aviez vu 99f, mais quel régal ! On jouissait de voir tous ces misérables trous du cul sombrer un à un, baignant dans leur vomi et leur problème de drogues ! Pas de cadeaux pour ces « élites ». On savourait ce véritable conte des temps modernes, allant de la consécration à la chute de ces publicitaires aussi méprisables qu’imbus de leur personne. Kounen dénonçait alors avec force, fantaisie et cinématographie.
Les premiers travellings de présentations dans l’Idéal, font d’ailleurs échos à ceux de 99f, lorsque l’on entre dans ce monde factice et merveilleux fait d’argent et où tous les personnages se ressemblent et s’assemblent pour le plaisir du spectateur/consommateur. Mais ici ce qui est justement intéressant c’est que ces longs travellings nous baladent dans une salle des fêtes glauque en Russie, à l’occasion d’un grand casting organisé par le fameux Octave Parango interprété par Gaspard Proust (qui a d’ailleurs une gueule bien trop sympathique pour le rôle). Octave cherche la perle, la mineure cadavérique qui sera ravie de quitter son pays pour n’importe quelle raison. Mais pourquoi avoir voulu porter à l’écran un second film sensiblement sur le même sujet, si les comédiens ne sont plus les mêmes (il était vachement crédible Jean Dujardin quand-même !) et si, apparemment, tous les enjeux des thématiques (pub = monde de merde, drogue à gogo, individualisme) ont été abordés jusqu’à leurs limites ? Et alors la grosse question à 10000 dollars : Pourquoi avoir donné l’unique rôle de femme puissante, de « Big boss » à Jonathan Lambert qui est donc… un homme ?
Quand on a la parole depuis aussi longtemps pourquoi ne pas essayer d’en faire quelque chose de plus utile et marquant, comme changer les mentalités quant à la misogynie par exemple ? Je sens bien que ca partait d’une bonne attention, mais c’est maladroit et c’est comme si votre bite avait dépassé votre pensée monsieur Beigbeder. Enfin quoi qu’il en soit, le film est malheureusement très aseptisé voire disneylandisé malgré les vrais problèmes sous-jacents montrés par le film.