“Archive”(2020): explication et analyse

George et J3

“Archive” est un film de science-fiction sorti en 2020, qui a débarqué sur Netflix il y a quelques jours. Il met en scène l’acteur Theo James (connu dans la saga Divergente) dans le rôle d’un scientifique endeuillé. On va revenir ici sur les enjeux du film et ses thèmes abordés, mais surtout sur son plot twist final qui renverse toute la perception du film.

Rappel du synopsis

Dans un futur proche, George Almore vit seul en pleine nature, dans une maison transformée en laboratoire géant. Ingénieur en robotique, il a un projet en tête: construire le clone parfait de sa femme décédée il y a quelques années de cela. Un des prototypes semble enfin convaincant. Seulement, est-il réellement possible de la remplacer?

Deuil et technologie

Jules, la femme de George, est morte dans un accident de voiture alors qu’elle était enceinte. Depuis sa disparition, George continue d’être ponctuellement en contact avec elle grâce à une technologie révolutionnaire appelée “Archive”. Ce système permet de conserver la conscience des défunts et de communiquer avec eux pour laisser le temps aux proches de leur dire au revoir. Ils peuvent discuter avec eux pour une durée limitée de 200 heures, après quoi la mémoire est définitivement supprimée. La personne décédée ne se rend pas compte qu’elle est morte. D’une certaine manière, on peut dire qu’Archive retarde la mort. La technologie permet de faire petit à petit son deuil, de façon beaucoup plus douce mais aussi plus cruelle: tu parles à quelqu’un qui n’existe plus vraiment, une sorte de fantôme. 

Jules dans l'Archive

Dans le cas de George, l’Archive le dessert complètement puisqu’elle accroît son obsession de garder Jules auprès de lui. Il a l’espoir de pouvoir transférer sa mémoire dans le corps de l’intelligence artificielle sur laquelle il travaille. Et en plus de la perte de sa femme, George doit faire face à sa culpabilité.

En effet, il se tient pour unique responsable de l’accident qui a entraîné la mort de sa femme. Dans l’un des flashbacks précédant l’accident, on apprend que George conduit manuellement la voiture car il ne fait pas confiance au pilote automatique. Et c’est ce qui le hante depuis: s’il avait laissé l’IA conduire, l’accident aurait-il pu être évité? Le spectateur sait bien que non. Dans la scène que l’on nous montre, une voiture sort de nulle part et vient les frapper de plein fouet. Aucune personne ou technologie n’aurait pu la contourner. Pourtant, George est persuadé que c’est de sa faute. C’est en partie pour cette raison qu’il veut redonner vie à Jules, comme pour se racheter.

George et J1

La signification des robots

George vit entouré de trois robots, respectivement appelés J1, J2 et J3. J1 est le premier robot à avoir été confectionné et c’est le moins abouti des trois: il aurait l’âge d’un enfant de six ans. J2 est lui un peu mieux développé mais son intelligence ne dépasserait pas les quinze ans. Ces deux premiers robots, George les considère un peu comme ses filles. Il s’en occupe et prend soin d’elles bien qu’il finisse par les délaisser complètement pour J3, la nouvelle IA humanoïde. Sans même s’en rendre compte, il s’éloigne de ses anciennes créations, qui le ressentent puisqu’il leur a implanté des sentiments. J2 est celle qui le vit le moins bien, et comme une adolescente, elle se rebelle contre son “père” pour lui montrer son mécontentement. 

Le film aborde le thème du remplacement. Le réalisateur Gavin Rothery l’évoque de lui-même: “J’ai décidé d’écrire une histoire d’amour. Ce que j’ai créé en fait, c’est sur le remplacement. La jalousie se fond très bien à la narration”. C’est le problème du monde futuriste dans lequel on est plongé. N’arrivant pas à faire son deuil, George cherche un moyen de remplacer sa femme. Exactement comme les trois versions de prototypes: au lieu de persévérer sur un modèle, il en crée un nouveau et le remplace par celui-ci. C’est beaucoup plus facile que d’essayer de tourner la page.

George en train de concevoir J3

Chaque prototype a un degré de compréhension de la mort de Jules différent. J1, l’enfant, ne se rend compte de rien. J2 en revanche sait qu’elle va être remplacée mais elle ignore le fait que George veuille transférer la mémoire de Jules dans sa création. J3 quant à elle, est consciente de l’objectif de ce dernier. Il lui a implanté la personnalité et les souvenirs de Jules, elle a accès à sa mémoire et notamment l’accident de voiture. Malgré tout, c’est J2 qui souffre le plus de la situation et finit par se noyer dans le lac. Pour George, la disparition de J2 est un nouvel échec de son objectif. Il a encore été négligent, ce qui a entraîné la mort d’une de ses “filles”.

Enfin, les trois intelligences artificielles ne représentent pas seulement un peu de compagnie pour George, elles sont aussi l’illustration de ses phases de deuil. J1 ne comprend pas ce qui se passe autour d’elle, elle représente le déni. J2 est consciente de ce qui se trame et le manifeste par sa colère. J3 quant à elle, est au courant de tous les plans de George mais le laisse faire: c’est l’acceptation

George et J2

Retournement de situation

Alors qu’on pense que George va accepter le destin de sa femme et arrêter ses projets de clones, la situation se retourne complètement. On apprend que Jules n’est pas morte et qu’en réalité c’est George qui a péri dans l’accident de voiture. Il communique bien avec sa femme à travers l’Archive mais c’est lui le défunt dont on a gardé la mémoire. Tout ce que George croyait être la réalité est en fait une simulation créée par sa propre conscience. Aussi bien les lieux que les évènements n’étaient pas réels. Il vit dans un Japon recréé de toutes pièces. Persuadé de la mort de sa femme, c’est pour surmonter cette idée qu’il a crée cette fausse réalité. 

George au téléphone

Et comme il l’a répété tout au long du film, les personnes dans l’Archive ne savent pas qu’elles sont mortes. Il ne s’est jamais rendu compte de son état et ce n’est pas sa femme qui allait l’aider à le faire. Elle a toujours été contre l’idée de garder la mémoire des défunts dans l’Archive. C’est pour cela que toutes les conversations qu’elle avait avec lui étaient succinctes. Elle ne lui a par ailleurs jamais présenté leur fille, âgée déjà de trois ou quatre ans. On se demande pourquoi, sans doute pour le protéger de la réalité. 

C’est en entendant au bout du fil une enfant l’appeler “Papa”, qu’il prend conscience de son état. Melvin et Vincent Sinclair n’avaient pas pour but d’empêcher George de réaliser son projet, on découvre que ce sont de simples employés travaillant pour l’Archive. Cependant, son Archive est bien arrivée au bout des 200 heures proposées et il est temps pour Jules et sa fille de dire au revoir à George. 

Jules et sa fille

Conclusion

“Archive” propose une vision intéressante de l’idée du deuil dans un monde futuriste, où il serait facile de remplacer les défunts par des humanoïdes qui leur ressemblent. Le retournement de situation final surprend le spectateur et le fait se questionner sur toute la vision du film.

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