Bien que le film soit en noir et blanc, bien que Charlot soit encore le personnage principal, bien qu’il ne dure que 90 minutes, bien que Charlie Chaplin soit à la fois l’acteur principal, le réalisateur, le scénariste, le producteur, ou encore le compositeur du film, bien qu’il ait fêté ses 80 ans il y a peu, il s’avère que Les Temps Modernes soit… et bien non, vous voyez, je ne peux même pas lui trouver un seul défaut, Les Temps Modernes méritent la consécration.
En effet, Les Temps Modernes fait partie des rares films irréprochables, dans lesquels la musique, les costumes, les scènes et les mimes de personnages sont autant de bonnes raisons de le revoir à plusieurs reprises. Car bien que Charlie Chaplin soit plébiscité pour son cinéma muet, nous pouvons affirmer sans ambages que dès lors que ces œuvres sont achevés, son cinéma ne fait que parler autour de lui ! Retour sur ce paradoxe étonnant à travers Les Temps Modernes.
Un contexte historique
Il serait impossible voire improbable de parler du film sans évoquer le contexte historique de l’époque. Il faut savoir qu’au départ, Charlie Chaplin s’imaginait d’abord réaliser son premier film parlant, mais finalement, déçu du résultat, il décide de seulement y intégrer des effets sonores.
Ainsi, Les Temps Modernes, sorti en 1936, est le dernier film muet de Chaplin. Ce film est souvent perçu comme l’une des plus grandes réussites cinématographiques du célèbre cinéaste, mais également un film de transition vers le cinéma parlant que va rejoindre Charlie Chaplin avec son film suivant Le Dictateur, en salles 4 ans plus tard.
Le long-métrage se situe dans le contexte des années 30. Suite au Krach Boursier de 1929, les USA, le pays le plus industrialisé et urbanisé de l’époque, sombrent dans une crise à la fois économique et sociale, rendant les conditions de vie des classes ouvrières quasi-insoutenables. C’est ainsi que pour se protéger de la faillite, les grands entrepreneurs font évoluer leur manière de travailler, notamment à travers le fordisme que va vivement critiquer Chaplin. Un point sur lequel je reviendrai dans quelques instants.
Et c’est justement dans ce monde industriel toujours à l’affût des nouvelles technologies que nous allons retrouver Charlot, simple ouvrier d’usine interprété par Charlie Chaplin.
Car c’est dans ce long-métrage que Chaplin revêtit pour la dernière fois le costume de Charlot, personnage culte créé par l’artiste britannique, notamment caractérisé par son imprévisibilité, sa maladresse, son astuce mais surtout par ses nombreux gags à n’en plus finir.
Nous suivrons donc ses péripéties et celles d’une jeune orpheline qu’il rencontrera pendant une heure et demie.
Manifeste du fordisme
Des aventures, qui, bien qu’elles soient amusantes et distrayantes à la fois, ne manquent pas de suivre la ligne de conduite de Chaplin tout au long du film, à savoir un réquisitoire complet de l’usage des machines industrielles et de ses conséquences.
Un exemple avec une scène clef du film dans laquelle il s’en prend vivement au fordisme : méthode de travail ayant la particularité de diviser le travail en séparant les tâches, autrement dit, le travail à la chaîne. Une méthode réputée difficile et monotone, fortement méprisée et critiquée par Chaplin dès le début du film dans une scène où il démontre avec son humour si particulier la folie et la souffrance des ouvriers exposés à cette méthode de travail.
La dernière de Charlot
Concernant le jeu d’acteur, difficile d’émettre la moindre critique en ce qui concerne Chaplin, qui comme d’habitude nous étonne toujours avec son interprétation de Charlot et ses talents remarquables de mimes. Ce dernier, qui, avec les moindres grimaces et les moindres gestes est capable de nous faire ressentir toutes les émotions, que ce soit la souffrance, l’amour ou encore la lassitude, à telle point que nous ne ressentons même plus le besoin d’entendre des paroles.
Je relève également l’éblouissante Paulette Goddard dans son rôle de l’orpheline, elle qui fut notamment l’épouse de Chaplin. Une actrice capable de nous transcender par son regard et de nous faire ressentir toute l’émotion d’une scène sans dire un mot. Il faut également saluer le choix intelligent du réalisateur qui a capturé de nombreux gros plans afin de saisir encore un peu plus les émotions des personnages dans un cinéma sans paroles.
Enfin, côté bande-originale, nous ne sommes pas en reste car c’est encore un sans faute du génie britannique. Avec Les Temps Modernes, Charlie Chaplin livre encore une fois une composition impeccable en totale adéquation avec l’atmosphère du film et les sentiments des personnages.
Et puisque nous parlons de bande-son, comment ne pas citer une des scènes inoubliables du film, à savoir les adieux de Charlot, moment culte où l’on entend parler pour la première et la dernière fois le personnage de Chaplin dans un célèbre charabia incessant et entraînant sur des pas de danses mythiques ?
Entre comédie resplendissante et satire sociale
En conclusion, Les Temps Modernes est à première vue une nouvelle comédie flamboyante de Chaplin avec sa dernière interprétation mythique de Charlot et de celle qui fût sa compagne Paulette Goddard. De l’autre côté, une satire sociale menée tambour battant, où Chaplin exprime sa rancœur contre la vie mécanisée et standardisée, mettant en scène le personnage de Charlot luttant pour survivre dans un monde industrialisé. Nous pouvons résumer ainsi la manière dont Chaplin fait ses adieux au cinéma muet. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce dernier conserve son franc-parler.
Esque vous aurez des documents ou des images des Temps modernes