Les bêtes du sud sauvage, primé à Sundance, Cannes et Deauville, est la petite surprise de la sélection des Oscars cette année, avec quatre nominations, dont meilleur film et meilleur réalisateur. Le film est-il à la hauteur de ce succès ?
Synopsis
Hushpuppy, 6 ans, vit dans le bayou avec son père. Brusquement, la nature s’emballe, la température monte, les glaciers fondent, libérant une armée d’aurochs. Avec la montée des eaux, l’irruption des aurochs et la santé de son père qui décline, Hushpuppy décide de partir à la recherche de sa mère disparue.
On parle souvent de films à Oscars, de films formatés pour cette prestigieuse cérémonie et ses récompenses. Malgré toutes ses qualités, Lincoln, de Steven Spielberg, rentre bien sur dans cette catégorie. Ce n’est pas, mais alors pas du tout le cas du film Les bêtes du sud sauvage. On pourrait même aller plus loin. Aujourd’hui, le cinéma américain “indépendant” mis en avant dans les festivals et à l’étranger regroupe des films… produits par les filiales des grosses Major ! Ces dernières années, The Descendants, Happiness Therapy ou encore Black Swan en sont des illustrations parfaites. Ces films bénéficient certes d’une indépendance artistique, mais ils sont partie intégrante du système hollywoodien.
Si le film a bénéficié du soutien du festival de Sundance, il a été produit en totale indépendance. C’est typiquement le genre de film qui n’aurait jamais obtenu le soutien des filiales “indépendantes” des majors : ce n’est pas un road-tri ; ce n’est pas ancré dans le réel tout en étant légèrement fantaisiste ; Il n’y a pas de rôle à priori fait pour qu’un acteur célèbre décroche un Oscar… Non, Les bêtes du sud sauvage ne rentre pas dans le moule hollywoodien, même pas le moule “indépendant”. Et pourtant, c’est l’un de ces filiales indépendantes Fox Searchlight, qui a distribué le film aux Etats-Unis. Et pourtant, le tout Hollywood encense ce film, comme l’attestent ses quatre nominations aux Oscars. Pourquoi ?
Parce que Les bêtes du sud sauvage est un film magnifique. Les évènements sont montrés à travers le regard d’une enfant pleine d’imagination et de courage. Cela donne un coté fantaisiste et poétique au film sans jamais tomber dans la naïveté. C’est une belle manière de nous intégrer à un univers composé de gens bornés, alcooliques et en marge totale avec notre société. A travers le regard de cette petite fille, nous nous mettons très vite à les aimer, à les comprendre et à les soutenir. On se met également à penser à l’homme au sens large, ce qui le caractérise et son rapport avec son environnement, avec la nature. Tout est fait très légèrement, en toute simplicité et subtilité. On est tour à tour émerveillés bouleversés, inquiets selon les évènements. On se laisse emporter par ces personnages résistant face à le tempête de la vie qui leur impose des choses contre nature.
Outre une écriture très intelligente, le film bénéficie aussi d’une mise en scène particulièrement inspirée. La photographie alterne entre le “sale” et le merveilleux, pour les mélanger ensuite sans que l’on s’en rende compte et que l’on fasse la différence entre l’un et l’autre. Ces couleurs et la caméra à l’épaule tremblante contribuent à rentre les personnages, leurs aventures et le film vivant. La musique, composée par le réalisateur lui-même, accompagne merveilleusement ces images. Enfin, il est impossible de ne pas citer les deux acteurs principaux, tous les deux inexpérimentés, tant ils sont fabuleux et jouent juste. La petite Quvenzhané Wallis fait preuve d’un naturel impressionnant et porte vraiment le film sur ses épaules. Une performance justement récompensée par sa nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. Dwight Henry, qui joue le père, est également particulièrement fort. D’abord exécrable son personnage se transforme subtilement en être humain particulièrement attachant, tout en gardant ses défauts.
Nommé dans les catégories Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleure actrice et Meilleur scénario adapté, Les bête du sud sauvage à hélas peu de chances de repartir avec une statuette lors de la prochaine cérémonie des Oscars. Et pourtant, ce film mériterait largement de ne pas être oublié et de recevoir quelques prix supplémentaires.