Cette année, et à l’occasion du festival de Cannes, j’ai pu assister à la séance de Nos Batailles pour la Semaine de la Critique de mai 2018. Vous pouvez aussi découvrir mon journal de bord et mon avis sur Cannes).
Durée du film : 1h38
Date de sortie : 10 octobre 2018
Synopsis
Olivier se démène au sein de son entreprise pour combattre les injustices. Mais du jour au lendemain quand Laura, sa femme, quitte le domicile, il lui faut concilier éducation des enfants, vie de famille et activité professionnelle. Face à ses nouvelles responsabilités, il bataille pour trouver un nouvel équilibre, car Laura ne revient pas.
Nos batailles est un drame social autour du personnage d’Olivier, interprété par Romain Duris qui endosse à merveille le rôle du père absent égocentrique qui oublie sa famille pour son travail. Ajouté à sa performance, la trame relativement lente du film fait que l’on a l’impression de vivre les mêmes choses qu’Olivier, et le sentiment d’être au plus proche de sa souffrance. Je me suis facilement identifiée à lui, alors qu’il est un homme quarantenaire chef d’entreprise manufacture et que je suis une jeune femme à l’aube de ma vie. Partager son quotidien nous fait entrer dans sa vie.
Toutefois, cette interprétation de Romain Duris donne légèrement un gout de déjà-vu. Le personnage de ce film me fait penser à son rôle dans la trilogie de Klapisch par exemple, où l’on retrouve les même conditions de père perdu, la même nervosité, ou encore dans L’homme qui voulait vivre sa vie. Le problème ne vient pas du jeu de l’acteur en lui même, mais j’ai le sentiment qu’il est sélectionné pour le même genre de rôle, parce que le prendre pour jouer un personnage qu’il joue déjà bien est un pari gagné d’avance. Je me retrouve à regarder Romain Duris comme un gars qui a eu plusieurs vies plutôt qu’a découvrir le personnage qu’il est sensé jouer.
Idem pour d’autres personnages alors que je leur voue une admiration sans borne : Laetitia Dosch reprend un peu le même rôle de la femme frivole et pétillante que dans Une Femme, et Laure Calamy est vraiment trop proche de son interprétation dans Pour le réconfort. Ca n’empêche en aucun cas un excellent jeu d’acteur, mais cela donne au film une sensation de pré-mâché. J’ai également un été un peu déçue par la (légère) caricature du policier un peu benêt qui ne trouve jamais ses mots.
De son côté, Laura (Lucie Debay), la femme d’Olivier met la barre haute et joue avec une immense justesse la situation de femme au double travail exténuée et désespérée.
En revanche mention spéciale pour les cheveux courts de Rose, la jeune fille d’Olivier complètement craquante.
Le film est composé de très belles prises de vue. Il n’y a pratiquement aucun plan en extérieur, et on suit un Olivier, enfermé dans l’étroitesse des 4 murs de sa petite maison ou insignifiant dans l’immensité froide et inhumaine des bâtiments de manufacture. Un plan de hangar sort notamment du lot, présentant à perte de vue les boites que les ouvriers doivent empaqueter puis scanner. Ces petites boites, prisons par milliers, sont l’immensité de problèmes qui vont ensevelir Olivier.
Le metteur en scène a décidé de mettre deux couleurs dominantes dans le film : le jaune pour la joie, l’espoir et la vie, le bleu pour la mélancolie et le désespoir. Je ne me permettrai pas de critiquer ce choix artistique, mais l’idée a été exploitée à outrance et les pièces de la maison sont tellement accordées qu’on a facilement l’impression d’avoir affaire à une composition ikea : qui à tous ses verres, ses bols et ses assiettes de la même couleur ? C’est dommage de bloquer sur un aspect irréaliste de la décoration alors que le scénario est vraiment bien.
Laura s’en va et laisse Olivier qui doit se battre sur tous les fronts : protéger ses employés et s’occuper de ses enfants, assister aux réunions syndicales et chercher sa femme. Au milieu de cet emploi du temps très chargé, Olivier est parfois démuni. Le scénario dévoile le revers de la médaille de la figure du héros : un homme qui ne comprends pas que sa femme puisse l’abandonner alors qu’il a l’impression de tout bien faire. Un homme qui voit ses enfants 15 minutes par soir mais ne s’inquiète pas parce que sa femme est là pour s’en occuper. Quelqu’un qui n’entend pas quand toutes les autres femmes essaient de lui faire comprendre la douleur que Laura devait ressentir. Un écho de la souffrance des femmes, que l’on ne voit pas, que le héros ne comprend pas. Le film impose une durée qui permet de comprendre, d’enregistrer, et de vivre la situation autant qu’Olivier.
Toutefois, si le rythme est très prenant au début, on glisse sur quelques longueurs, notamment à cause de certains dialogues qui semblent un peu interminables et pas toujours nécessaires même si les conversations sont bien menées.
Nos batailles me parait être un bon drame social en le sens que la vie de manufacture y est présentée avec vraisemblance et que les problèmes de société abordés dans le film son traités avec brio. Un film qui nous pique tellement au vif que l’on aime à se rappeler qu’il y a toujours pire dans la vie que notre quotidien, et pousse à la réflexion sur la condition des ouvriers de manufactures, esclaves d’aujourd’hui. Dommage que certains aspects comme la direction des personnages ou le traitement de la décoration donnent une sensation d’artificiel à un film qui est pourtant riche en humanité.
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