Mandy et Beyond the Black Rainbow : le cinéma de Panos Cosmatos

Beyond the Black Rainbow

Un film hanté

Cosmatos Junior n’a pas suivi son papa dans le système tout commercial. En 2009, il signe un premier film quasi auto-produit qui ne sortira pas en France mais sera tout de même présenté à l’Etrange Festival en 2011 : Beyond the Black Rainbow. J’ y étais. L’action est située en…1983 quand le jeune Panos voyait ses premiers films. On l’imagine manipulant des cassettes vidéo interdites, les glisser dans un magnétoscope. Et que voit-il ? Des films américains, canadiens ou australiens bien sûr mais pas seulement. Car enfin, à quoi ressemblent ces formes immobiles avec leurs casques de moto et leurs combinaisons orange ? Je ne sais toujours pas précisément mais suis certain d’une chose : les avoir déjà vu dans un film européen, plutôt italien… Oui mais lequel ? Et c’est là le coup de génie de Cosmatos. Son film est référentiel de part en part, les influences se croisent, se recroisent, formant un maillage tellement serré qu’elles fusionnent totalement pour donner un objet inédit, neuf, dégagé de toute influence trop manifeste.

Beyond the Black Rainbow

Les images sur l’écran sont hantées par d’autres images venues de ces années d’enfance, elles nous évoquent des souvenirs imprécis mais intenses. Voilà le meilleur du cinéma des années 2000 et au-delà. Rien à voir avec l’hommage à un passé révolu. A la fois film de genre et film expérimental, ce n’est pas une pellicule rétro mais une expérience sensorielle pour les nostalgiques du futur.

Une jeune femme est retenue captive à l’institut Arboria dirigé par le Dr Mercurio. L’avenir de l’humanité sera-t-il assuré par l’industrie pharmacologique ? Trouverons-nous le bonheur dans la « méditation » scientiste et la prise d’hallucinogènes ? Que sont les « Sensionauts »? Autant de questions auxquelles Panos n’apporte pas de réponses définitives mais il a l’art et la manière de les poser. On appréciera aussi la prise de risques que comportent certaines visions psychédéliques tournées en longs plans séquences pour en accentuer l’effet sidérant. L’absorption de substances illicites s’avère heureusement superflue pour atteindre l’acmé du délire audio-visuel. Il suffit d’entrer dans la salle et de n’en pas sortir avant la fin. Le dernier quart d’heure néanmoins s’avère un peu décevant, car l’objet filmique non identifié bifurque sur la voie du slasher qui ne convient pas aux contemplatifs que nous sommes devenus sous l’emprise des images. Nul n’est parfait.

Pour paraphraser Jean-Pierre Jeancolas qui – écrivant une histoire du cinéma français en 1983 (!) – parlait de « 15 ans d’années trente », nous pourrions, en évoquant le livre de référence « Nightmare USA » (2007) de Stephen Thrower, revendiquer 15 ans d’années soixante-dix pour le cinéma américain d’exploitation. Ce n’est pas un hasard si Thrower choisit cette date butoir. Il sait que le début des années 80 conserve sa vitalité ; nous citerons Dead and Buried (1980), Just Before Dawn (1981), Basket Case (1982) ou War Games (1983). Mais l’arbre est malade et les fruits pourrissent les uns après les autres. Le phénomène Nouvelle Vague en 1960 avait été plus brutal.

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