Le festival d’animation d’Annecy, se déroulant en ligne du 15 au 30 juin 2020, a permis la découverte d’œuvres de tous horizons. Après notre compte rendu des films de cette 60e édition, nous avons décidé de revenir en détails sur l’un d’entre eux. My favorite war (Ma guerre préférée) d’Ilze Burkovska Jacobsen est un long métrage letton-norvégien qui a remporté le prix contrechamp du festival.
Ce film mélangeant animation et images d’archives est en fait l’histoire personnelle de la réalisatrice, Ilze, qui a grandi en Lettonie (URSS) au cours de la Guerre froide. Elle retrace son enfance dans un régime autoritaire et puissant qui prépare ses habitants à une 3ème guerre mondiale.
IIze est conditionnée par les jeunesses communistes dans un pays qui force son peuple à vivre dans la peur et le rationnement constant. Elle a pour vocation de devenir journaliste pour l’état, comme son père avant qu’il ne meure, respectant ainsi à la lettre toutes les règles que lui impose le régime. Penser à son futur est pour elle la seule échappatoire face à sa vie misérable et angoissante en Lettonie. Elle-même le dit « Mais si quelqu’un nous occupait ? Qu’est ce qu’il voudrait de nous ? Il n’y avait rien de précieux à prendre dans notre paradis. » Pourtant, elle croit en son gouvernement et en sa puissance. Ainsi, elle s’investit autant qu’elle le peut dans l’organisation des pionniers de l’URSS où on leur conte, dès l’école primaire, les atrocités de la guerre. Hantée par ces histoires, on recroise souvent cette image d’un enfant brûlé vif qui suit IIze dans son enfance comme un fantôme qu’elle cherche à éviter, traumatisée par ce qu’elle a entendu. Paranoïaque, elle va jusqu’à convaincre son petit frère qu’ils doivent, en secret, économiser leurs épluchures de crayon de bois pour pouvoir en faire du combustible au cas où l’ennemi leur couperait le chauffage lors de l’hiver.
Touchant sans être déprimant, le récit est accompagné de musiques nationales qui glorifient le régime. L’animation est particulièrement bien mise en avant lorsqu’elle parle du parti communiste et de ses dirigeants, les mettant en scène comme des sauveurs au drapeau rouge, à l’image de la propagande de l’époque. Ces instants de louange contrastent avec les couleurs obscures qui sont utilisées pour dépeindre leur ville et les yeux noirs et vides des personnages. Les dessins sont enfantins, loin d’être réalistes, allégeant quelque peu la dureté de ce témoignage. En revanche, les moments face caméra de la réalisatrice en deviennent encore plus puissants. Particulièrement lorsqu’elle fait intervenir son amie d’enfance, Ilga, sur sa tentative de suicide, acte courant chez « les jeunes idéalistes qui se retrouvaient, un moment ou l’autre, brisés ».
Alors que l’histoire appréhende tout juste le début des révoltes lettones, l’histoire animée d’IIze est délaissée pour être remplacée par des vidéos historiques et actuelles qui clôturent le film. C’est dommage, alors que cette jeune fille commence à sortir de son conditionnement et que l’on souhaite savoir comment elle va évoluer, on nous passe sous silence ce qui lui arrive par la suite. Les événements marquants la fin de l’URSS sont enchainés, racontés par la réalisatrice qui relate comment la Lettonie a manifesté pour retrouver son indépendance. On s’approche de la fin sur ces images riches en émotions : une chaine humaine réunissant plus de 2 millions de personnes, traversant 3 pays (Lettonie Lituanie, Estonie) sur 600km, en guise de protestation. Après juste 1h17 de film, on quitte IIze alors qu’elle est, heureuse, en famille au bord de la mer. Ce lieu, où l’histoire avait débuté, est le symbole de la liberté qu’on lui interdisait dans son enfance, aller à la mer étant illégal à l’époque de l’URSS, et dont elle peut désormais profiter en toute sérénité.