Okja est le film de la polémique de ce 70ème Festival de Cannes. Proposé dès le 28 juin sur la plateforme Netflix sans passer par la salle de cinéma, l’oeuvre de Bong Joon Ho a fait levé ces exploitants qui ne pourront pas la passer en salles du fait de la chronologie des médias. Le président du jury, Pedro Almodovar, a rajouté de l’huile sur le feu lors de la conférence de presse d’ouverture en déclarant qu’il ne pourrait jamais donner une palme d’or à un film non destiné au grand écran. La tension était donc palpable en conférence de presse ce matin alors que le bandeau “Netflix” apparaissait sur l’écran du Grand Théâtre Lumière. Il s’est alors mélangé autant de hués que d’applaudissements. On rajoute à cela un énorme bug dans le format de projection qui a obligé les organisateurs a interrompre le film au bout de la cinquième minute. Faut-il croire à une malédiction Netflix ? En attendant, voici notre avis plus artistique sur ce Okja.
Synopsis
Pendant dix années idylliques, la jeune Mija (An Seo Hyun) s’est occupée sans relâche d’Okja, un énorme animal au grand cœur, auquel elle a tenu compagnie au beau milieu des montagnes de Corée du Sud. Mais la situation évolue quand une multinationale familiale capture Okja et transporte l’animal jusqu’à New York où Lucy Mirando (Tilda Swinton), la directrice narcissique et égocentrique de l’entreprise, a de grands projets pour le cher ami de la jeune fille.
Sans tactique particulière, mais fixée sur son objectif, Mija se lance dans une véritable mission de sauvetage. Son périple éreintant se complique lorsqu’elle croise la route de différents groupes de capitalistes, démonstrateurs et consommateurs déterminés à s’emparer du destin d’Okja, tandis que la jeune Mija tente de ramener son ami en Corée.
Une tendre histoire d’amitié
On sait Bong Joon Ho très engagé sur des sujets de société. Cette passion pour l’humain l’avait poussé à réaliser Snowpiercer, Le Transperceneige, dans lequel on était plongé dans un univers futuriste où les individus vivent par castes dans un train. Avec Okja, le réalisateur se lance dans un pamphlet écologique contre l’industrie de l’alimentaire. Tout commence pourtant très paisiblement au fin fond de l’Asie dans un paysage isolé. On y côtoie une nature riche et paisible dans laquelle s’épanouissent Okja, le super cochon, et sa jeune maîtresse, Mija. Il se crée entre eux une amitié homme-animal, dont les rouages sont capables d’émouvoir le spectateur à la façon d’un Sauvez Willy.
L’agro-alimentaire, ces criminels des temps modernes
La civilisation pénètre de plein fouet dans cet univers paisible à travers le personnage de Johnny Wilcox, interprété par Jake Gyllenhaal, figure burlesque de ce film. Il est choisit par l’organisation alimentaire pour suivre l’animal et l’emmener à New York. Quel rôle en contre emploi pour l’acteur qu’on a récemment vu dans les plus sérieux Life – Origine Inconnue ou Nocturnal Animals. Il est l’une des touches second degré de Okja avec ces burlesqueries. D’humour, le film n’en manque pas. On est même souvent pris dans un rythme réjouissant sous des airs à consonances tziganes. Emir Kusturica n’est-il pas une source d’inspiration ? On pense notamment à la scène clé de poursuite dans le centre commercial, laissant furtivement apparaître au second plan une affiche commerciale “le cochon, c’est bon”.
Un petit mot sur Tilda Swinton qui est la Cruella d’enfer en campant une arriviste souriante mais mal intentionnée. L’actrice fétiche donne une fois encore du caractère à la filmographie de Bong Joon Ho.
Dans sa seconde partie, le ton d’Okja s’obscurcit. Il y a une perte d’innocence pour la protagoniste qui découvre les rouages de l’abattage de masse. Bong Joon Ho s’attaque assidûment aux industries alimentaires avec une velléité sans nom. Il n’hésite pas la comparaison avec l’ère nazie, notamment dans une scène finale qui fait largement penser à un camp d’extermination. Autre adjectif que le cinéaste porte envers l’agroalimentaire, celui de violeur lors d’une scène terrible où Okja doit s’accoupler avec un mâle.
Avec Okja, on a donc un film très qualitatif aux multiples tons. Bong Joon Ho signe une oeuvre dynamique avec plusieurs degrés de lecture. Elle fait réfléchir d’une manière ou d’une autre sur nos habitudes de consommation, voir de surconsommation. De là à devenir végétarien ?