Critique du film Gravity réalisé par Alfonso Cuaron

Poster gravity

Gravity était enfin visible par les spectateurs français à l’occasion d’une avant première exceptionnelle le mardi 24 septembre en présence du réalisateur Alfonso Cuarón. Mais qu’est ce donc que ce film dont tout le monde parle depuis quelques semaines et sa projection au festival de Venise ?

Annoncé depuis maintenant plus de trois ans, Gravity arrive enfin dans les salles de cinéma. Victime de problèmes de casting et d’un très long travail de post-production, le film était très attendu d’un grand nombre de cinéphiles. Ayant absolument adoré Les fils de l’homme et ses plans séquences dantesques, j’ai suivi la genèse du film des les premières news. Peut-être au point de générer trop d’attente ?

Synopsis

Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste.

Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…

Critique et analyse de Gratity

Gravity a été co-écrit par Alfonso Cuarón et son fils. Leur idée était de créer un film à sensations, une sorte de roller-coaster avec en plus un fond, une histoire et des messages. Le film ressemble en effet à cette envie initiale : Visuellement, le film est absolument incroyable. Malgré certains temps morts, on se retrouve la plupart du temps complètement embarqués dans cette aventure humaine dans l’espace. La musique aussi en met plein la vue lors des séquences les plus intenses. Sur le fond, le film va traiter d’un thème cher à la Science fiction, la vie, à travers le parcours initiatique mené par le personnage de Sandra Bullock.

La note d’intention est donc respectée. S’agit-il pour autant d’un grand film ? Hélas non. D’un point de vue formel, on l’a déjà dit, le travail est admirable. Quasiment tout le film est fait d’effets numériques. Pourtant, le résultat est ultra-réaliste. Tout semble réel et c’est un vrai plaisir de s’attarder sur des petits détails lorsque le rythme du film le permet. Question 3D, c’est également très maitrisé. On se retrouve avec un résultat qui rappelle ce que l’on a pu voir précédemment sur Avatar et L’Odyssée de PI. Le film a tous les atouts pour être immersifs, et il l’est vraiment, je ne peux pas dire le contraire. Néanmoins, j’ai un énorme reproche à lui faire. L’omniprésence et la niveau sonore de la bande son. En introduction du film (et dans le synopsis ci-dessus) il nous est rappelle que dans l’espace, il n’y a aucun son. Pourquoi alors faire un film aussi bruyant ? Durant la majeure partie du film, on a la sensation d’être devant l’une des scènes d’action de Star Trek Into Darkness en mieux réalisée. Était-ce réellement l’effet recherché ?

Espace dand gravityAlfonso Cuarón étant présent, j’ai pu lui demander “Pourquoi, après avoir rappelé que l’espace était silencieux, avoir fait un film avec un musique aussi omniprésente et bruyante ?“. La réponse du réalisateur est la suivante : “Il n’y a pas de musique dans l’espace, mais au cinéma, si“. Forcément, la salle, forcément conquise et toute excitée par la présence de monsieur, a applaudi. Quand même, comment oser émettre un avis mitigé face à un tel génie… Il a précisé avoir testé un montage sans musique et que c’était profondément ennuyeux… Je veux bien le croire. mais dans ce cas-là, il fallait penser à écrire une histoire un peu plus aboutie. Pourquoi, alors que lui-même est adepte de l’image qui prend son temps, du plan séquence, du mouvement par la caméra, a-t’il besoin d’écraser ces mouvements par une bande-son aussi assourdissante ? J’avais le sentiment d’entendre du Hans Zimmer de ces dernières années, et, de mon point de vue, ce n’est pas un compliment. Pourquoi ne pas accompagner ces magnifiques plans séquences d’une bande son plus discrète. pourquoi ne pas faire vivre l’expérience du silence dans l’espace, ne serait-ce que 3 minutes, le temps d’une séquence vertigineuse, pour vraiment aller au bout de la recherche d’immersion ?

Enfin, pour revenir sur les propos d’Alfonso Cuarón sur la place de la musique. Depuis quand la musique est-elle obligatoire dans les films ? On ne va pas commencer à théoriser sur le sujet, mais à titre d’exemple, les films du dogme, comme Festen, n’utilisent pas du tout de musique ajoutée au montage. C’est également le cas des films fountage comme Cloverfield et [REC], justement à la recherche de plus d’immersion, qui ne contiennent que musiques extra-diégétiques, c’est à dire en prise directe et intégrée à l’action.  La musique est un bon moyen d’amener de l’émotion, d’éveiller les sens. De nombreux cinéastes, justement, cherchent à se passer de musique ou à la minimiser (Haneke avec Le ruban blanc, Les frères Cohen avec No Country For Old Men, Hitchcock avec Les oiseaux..), à rechercher une émotion plus brute. Je pensais que c’était la démarche d’Alfonso Cuarón, mais celui-ci a choisi la facilité. C’est à mes yeux une évidence.

Malgré cet énorme reproche, j’insiste sur le fait que la réalisation est maitrisée et que l’ambiance est angoissante, presque viscérale. A ce niveau-là, le boulot est accompli.

Sandra Bullock dans GravityArrêtons-nous la sur la forme et consacrons-nous au fond. J’ai lâché l’info un peu plus haut, mais il ne faut pas s’attendre à grand chose. L’intrigue est on ne peut plus banale, c’est un survival, un film reposant sur la survie, ou non, de ses personnages. C’est donc sur eux que tout va reposer. Celui incarné par George Clooney est très drôle et détend l’atmosphère (sans mauvais jeu de mot) après les séquences les plus angoissantes. Mais ce n’est qu’un second rôle. Le personnage principal est celui du docteur Ryan Stone, incarnée par une excellente Sandra Bullock. Son histoire et son évolution son assez banales à mes yeux. Pour plus de détails, il faut passer l’intertitre suivant et accepter de lire des spoilers.

Et à la fin…

[SPOILERS] Le personnage incarné par Sandra Bullock a perdu sa petite fille il y a quelques années. Les évènements qui se déroulent dans le film vont lui faire redonner goût à la vie. Ce n’est pas un pitch révolutionnaire, pas même original, mais cela a le mérité de faire évoluer le personnage, ce qui est largement suffisant lorsque l’on fait un Survival. A la fin de Gravity, donc, le docteur Ryan Stone, arrivé en vie sur terre, a une envie énorme de vivre. D’une certaine manière, c’est une renaissance du personnage. Seulement quelques minutes plus tôt, lors qu’elle est sur le point d’atterrir ou de bruler vive, elle accepte les deux situations. On a plus la sensation d’entendre le discours de quelqu’un qui s’en fout de la vie, qui est prêt à mourir. Un peu contradictoire avec le but recherché… [FIN DES SPOILERS]

En fait, la véritable réussite de Gravity,  c’est de reproduire les sensations recherchées dans le Found Footage et les développer dans un film “propre”, visuellement abouti et très loin des résultats sales offerts par ce genre. Gravity n’est pas un film en Found Footage, mais il a les mêmes ambitions et les réalise. Rien de plus.

Si Gravity reste un très bon film, probablement l’un des meilleurs cette année, il ne franchit pas du tout une étape supérieure par rapport à des films comme Avatar et l’Odyssée de Pi. Il s’agit une fois de plus d’un film  en 3D abouti sur la forme, malgré les défauts évoqués plus haut, mais qui pêche aussi au niveau du fond. A quand un film à la fois doté d’une 3D bien exploitée et d’un fond digne de la forme ? Aucun projet annoncé ne semble s’y engager hélas…

 

Bande annonce de Gravity

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13 commentaires
  1. Bonjour, merci pour vos critiques mais pourquoi les truffer de mots anglais, tels que roller-coaster ou found footage… je vous assure qu’il y a des mots français pour exprimer précisément vos pensées, et ainsi vous seriez assuré que tout le monde puisse vous comprendre.

  2. Pourquoi avoir axé la critique sur la présence de la musique dans le film ?
    Ce serait comme faire la critique d’un livre sur sa police d’écriture, ça n’a pas de sens surtout quand le film est miné par des problèmes au combien plus gênants.

    Je m’attendais en effet plus à une critique sur les quelques raccourcis horripilants une nouvelle fois utilisé dans ce film (ATTENTION SPOIL : le rêve, l’héroïne qui parvient à échapper à tout soit l’équivalent de trois fois l’apocalypse dans l’espace sans une seule égratignure, atterrissage sur un continent, la paresse de l’élément perturbateur, l’extincteur qui lui permet finalement de faire bien des choses etc etc…).

    Bref, ce film a été vendu comme un chef-d’oeuvre qui ne l’est finalement que sur le plan visuel tandis qu’il se creuse une tombe très profonde au niveau du scénario et de l’héroïne en carton tout aussi charismatique que mon tapis de souris… George Clooney remonte heureusement le niveau.

  3. De toute façon, il y a au moins une bonne raison d’aller le voir, c’est qu’enfin, la 3D est bien utilisée. Marre de ces films où l’on se demande à quoi servent les lunettes qu’on a sur le nez… La 3D dans l’espace, c’est logique, mais encore fallait-il que la technique suive… Et de ce point de vue là c’est réussi. La larme de Bullock qui tombe et nous éclabousse presque, c’est fort !
    Après, je suis d’accord qu’il y a trop de son et trop fort. On perd parfois la sensation de silence qui règne là-haut. Et le scénario est pas hyper original et finit même par ressembler à un film de survie assez banal.

    Malgré tout, un voyage dans l’espace, pour le prix d’une place de ciné, ça ne se refuse pas 😉

    Sur un thème proche, j’ai écrit une courte nouvelle : Radioactivité sans gravité. 2027. Une guerre nucléaire se prépare sur Terre. Dans la Station Spatiale Internationale, les six scientifiques ne sont pas pris pour cible, mais ils font leur possible pour sauver leur planète, menacée par l’indicible…

  4. Comparer la musique d’un film à la police d’écriture d’un roman… il faut aller chercher loin ! La musique fait partie intégrante d’un film, et dans le cas de Gravity, c’est l’un des défauts majeurs. En lisant d’autres critiques, tu verras que d’autres personnes partagent mon point de vue sur la bande son du film.

  5. Critique largement justifiée de Christopher Guyon.
    Non seulement Hollywood nous croit incapables d’autonomie émotionnelle, mais en plus ils nous prennent pour des sourds.
    La réponse du réalisateur, bien qu’il semble vouloir l’assumer, ne peut être celle de l’auteur qui insiste sur l’importance de ce silence, au point d’en faire presque un acteur du film.
    Cet argument de la nécessaire musique de film (en l’occurrence de piètre qualité) me semble aussi abusive et couarde que celle de l’obligation de la couleur. Je me souviens d’un Dujardin en noir-blanc qui avait fait bonne impression, même à Hollywood, si ma mémoire est meilleure que celle des producteurs de “Gravity”.
    Et malgré ses qualités plastiques maintes fois évoquées (voir invoquées, et pour cause) je remarque d’autres manifestations trouillométriques dans ce film qui ne sera en conséquence qu’une production de plus. Pourquoi prétendre que la si androgyne Sandra incarnerait notre mère la Terre et demeurer si frileux dans le domaine métaphysique, par exemple.
    L’hypothèse de Christopher Guyon quand à la nécessité d’un complet envahissement de l’espace mental du public pour tenter de contrer ce vide qui n’est pas que cosmique me semble pertinente.

  6. Ce n’est pas un film sur quelqu’un qui veut survivre….c’est un film sur quelqu’un qui fait le choix de se donner les moyens de survivre peu importe l’issue. Juste, lutter contre ses faiblaisses, accepter de vivre comme accepter de mourir. Vivre pleinement pour accepter la mort, sa mort, celle de son enfant, celle des autres…de Matt’. En cela c’est un hymne à la vie, au milieu de la destruction. On est bien dans le ventre de maman, on est bien chez soi coupé du monde, dans son lit, on est bien lorsqu’on dort, on est bien dans l’Espace, on est bien…mais lorsque son petit monde implose…il te reste 2 solutions “Renoncer ou te Battre”.

  7. Merci du soutien ! D’ailleurs, j’ai bien senti qu’Alfonso Cuaron était gêné par la question. Et vu que le problème du son est ressorti depuis dans d’autres critiques, je pense qu’il en a lui-même conscience…

  8. Enfin cette année, dans le genre L’odyssée de Pi avait une 3D maitrisée. Et la 3D n’est pour moi pas un argument pour aller voir un film. Mais quand on me l’impose, je préfère effectivement qu’elle soit maitrisée.

  9. Pour roller-coaster, je suis d’accord, j’aurais pu l’éviter. Pour “found-footage”, c’est vraiment le mot générique qui est utilisé pour ce genre de films, y compris en France.

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