#4 San Junipero
San Junipero change la donne de toute la gamme Black Mirror car il est le seul épisode à prendre place dans le passé ! Il se déroule dans la Californie des années 1980 et dégage une atmosphère pop-rétro particulièrement chaleureuse et travaillée. San Junipero est en réalité le nom d’une ville virtuelle en bord de mer, où les fêtes, le sex et l’alcool sont à l’ordre du jour. La ville a la particularité de rester figée dans le temps et chacun des visiteurs établie un compte à rebours pour pouvoir y revenir. L’épisode est décortiqué en semaines, où chacune de celle-ci représente une époque particulière. De nouvelles arrivantes, Yorkie (Mackenzie Davis) et la sublime Kelly (Gugu Mbatha-Raw) font toutes deux connaissance dans cette ville de rêve, qui cache une lourde réalité.
Avis: SJ est sûrement l’épisode le plus positif et romantique de tous les BM. En y réfléchissant, la série se focalise rarement sur une histoire d’amour authentique, du moins ce n’est jamais le but ultime d’un épisode. Ce monde virtuel exploite la dure décision à prendre concernant une forme d’euthanasie et ses conséquences. Comment percevoir la vie après la mort ? Faut-il coûte que coûte qu’il y ait quelque chose lorsque l’on cesse de vivre ? Les actrices sont rafraîchissantes et nous offrent une performance décalée et authentique, aidées par une direction artistique captivante et contrôlée. Les clichés sur les années pop sont justement évités pour donner lieu à une bulle de rétro moderne, saupoudrée d’une BO véritablement enivrante.
#5 Man Against Fire
Après les quatre premiers épisodes, où la série nous tient en haleine, nous voilà arrivé au plus lourd des sujets. Le nouveau soldat Stripe (Malachi Kirby) ainsi que sa coéquipière Rainman (Madeline Brewer) doivent absolument protéger les villageois effrayés par une infestation de féroces mutants. Du moins, c’est que nous pensons être la menace. Le gouvernement américain a fait signer à toutes ses recrues un document stipulant qu’ils auraient une puce implantée dans le crâne pouvant stimuler et altérer leur vision. Bien sûr, cela nous ne le voyons que comme un nouvel outil technologiquement avancé. Les soldats semblent avoir les armes nécessaires pour mener à bien leur mission mais ne voient pas (littéralement) le vrai danger.
Avis: Cet épisode est peut être le plus fort de la saison. Il dénonce ouvertement les décisions inhumaines prises par les gouvernements en cas de guerre. Jusqu’où est prêt à aller une entité gouvernementale pour « balayer » les mauvais résidus de son Etat ? Que sont prêts à faire les soldats pour suivre ce gouvernement ? Quelle est l’attitude à adopter lorsque l’on sait que l’on fait du mal mais qu’on nous l’a ordonné ? Autant de remises en question, cet épisode annonce, à mon sens, l’apogée de la saison. Brooker exploite le sens du mot peur, sans nous confronter à la véritable menace qui la nourrit. Il utilise la métaphore des zombies ou « monstres » quelconques afin que nous ne voyions pas le visage de cette peur. Et c’est en général, l’attitude de tous les « haters » (haineux) d’origine: ils haïssent parce qu’ils ne comprennent pas, parce qu’ils ne voient pas et parce qu’on les encourage à haïr aveuglément. L’épisode est dur et puissant et nous ne pouvons nous empêcher de ressentir une forme de frustration et d’impuissance en le visualisant. Cet épisode fait un petit clin d’œil à l’épisode 2 de la saison, lorsque Rainman chante la chanson d’Abby, « Anyone who knows what love is » de Irma Thomas !
#6 Hated In The Nation
Beaucoup de choses à dire sur cet épisode car c’est le plus long (1h30). Dans un avenir proche, à Londres, la détective Karin Parke (Kelly McDonald) accompagnée de sa nouvelle assistante sur le terrain, Blue (Kelly Marsay, vu dans Game Of Thrones) une spécialiste en informatique, enquêtent sur une série de meurtres mystérieux, visant des personnes au profil similaire. Ces dernières ont toutes subi des messages de haine sur les réseaux sociaux dus à des comportements inadaptés ou jugés choquants par le public.
Avis: Considéré par beaucoup comme le « masterpiece » de la saison, je ne suis pas tout à fait d’accord. Cet épisode est clairement du Black Mirror, avec toutes les subtilités et le stress que cela induit. Seulement, cette partie m’a davantage fait penser à un bon Sherlock plutôt qu’à un authentique BM. La satire est bien présente et bien qu’il ne soit pas mon préféré (peut être parce que trop long), il relève des questionnements que nous nous sommes tous posés depuis l’arrivée des technologies et leur utilité. La principale étant l’espionnage des services secrets sur les masses à l’aide de nos outils quotidiens. Nous nous sommes tous déjà demandé si nos faits et gestes étaient véritablement contrôlés par les gouvernements grâce à des objets tels que les portables ou nos ordinateurs. Et bien que nous connaissions en partie la réponse, nous ne pouvons nous empêcher d’utiliser ces outils qui sont bien trop ancrés dans notre quotidien.
L’épisode fait également de grands clins d’œil aux soucis environnementaux que rencontre notre planète et nous offre en guise de substitution une escapade technologique et mécanique. Et si les abeilles portées à disparaître étaient remplacées par des abeilles électroniques pouvant elles-aussi travailler le miel ? Seulement l’épisode va plus loin, et c’est là qu’il est fortement intelligent: ces abeilles électroniques seraient fabriquées par l’Homme, donc irrégulières. L’homme détruisant la Nature et se détruisant lui-même doit nécessairement être détruit, et pourquoi pas par une de ses propres créations ? La bêtise et l’effet de masse révèle la panoplie thématique de cet épisode. Brooker boucle la boucle finalement: il énonce une mort inhérente à la Technologie et à tous ceux qui l’utilisent. Seules sont épargnées les personnes qui ne prennent pas part au débat technologique, ce qui constitue, finalement, l’un des paroxysmes de la série.
Nous ne pouvons même pas imaginer l’ampleur du travail qui a été effectué sur cette série, tant des sujets douloureux et parfois difficiles à cerner sont amenés de telle sorte qu’ils en deviennent simples et évidents.
Cette troisième saison nous confirme que les limites narratives des intrigues sont quasi inexistantes. Charlie Brooker a la chance de pouvoir faire absolument ce qu’il veut, jouer avec les époques, les technologies, les personnages et même avec les spectateurs ! S’il veut que nous ressentions de l’empathie, de la sympathie, de la colère, ou même un traumatisme; tout le cocktail de nos sensations lui appartient et nous lui servons à cœur joie. Nous comprenons toujours ce qu’il se passe à la fin d’un épisode et pas avant et BM a cet effet particulier de créer une interactivité avec le spectateur. Nous cherchons sans cesse à deviner ce qui se cache derrière tel ou tel concept et nous sommes toujours surpris. Aussi, nous aimons perdre à ce jeu particulièrement.
Avec Black Mirror, vous vous adonnerez à une auto-flagellation psychologique que vous ne souhaiterez pas interrompre alors pourquoi attendre ? La saison 3, sortie le 21 octobre, est donc actuellement disponible et se laisse regarder d’une traite !
Voici le trailer en Vost :
N’hésitez pas à réagir en commentaires pour alimenter le débat de vos idées !
Ne parlons d’analyse ici, elle n’est pas poussive. Parlons plutôt de « questionnement ». Puis après, je me dis que tu ne voulais pas spoil. C’est tout à ton honneur mais c’était sans compter ta description de l’épisode 4 qui spoil (littéralement) la fin et gâche le suspens.
Il ne faut pas oublier que même si Black Mirror est un parfait cas d’étude, cela reste un divertissement avant tout.
Je vais m’arrêter là sur cette déception car après on va me sortir que j’suis un « hater ». D’ailleurs, j’ai pas compris l’utilisation de ce terme ou plutôt tu as fait une définition acerbe et personnelle qui était hors-sujet (certainement une réponse à certains tes « »haters » » »)
Fin bref, l’article était intéressant, il a amené des piste de réflexions intéressantes mais aussi basiques. Ce n’est pas une critique hein, mais c’est ce que tout spectateur lambda comprend et voit. Avec le terme analyse, je m’attendais à une observation poussée et non des problématiques.
Merci quand même de ton article !
Effectivement, le terme d’analyse était quelque peu ambitieux. Il s’agissait davantage de faire découvrir la série aux nouveaux arrivants en faisant un topo rapide d’un projet recherché.
Si j’avais réellement voulu creuser une analyse, je pense que j’aurais fait un article par épisode, car ils sont tous bien trop différents.
Le but n’était pas, pour moi, d’écrire un mémoire pompeux et prétentieux (comme j’ai pu en lire) sur la psychologie humaine contemporaine et le caractère dépressif de notre société actuelle.
Je ne souhaitais pas spoiler, et malheureusement je me suis laissée emporter pour l’épisode 4, comme vous dites. Quoiqu’il en soit, je ne pense pas que cet écart malencontreux gâche le visionnage de la série.
Merci pour votre retour qui m’aidera, à l’avenir, en tout cas.
Un vrai régal que de venir ici après chaque épisode, retrouver nos questionnements et problématiques aussi bien rédigées, pour ainsi libérer un peu d’espace dans nos cerveaux chamboulés, afin de mieux philosopher.
Merci Inès pour cet excellent article traitant de cette série et plus particulièrement cette saison qui est d’une virtuosité inouïe ! Yep, perso j’ai vraiment surkiffé 🙂
« »Son discernement sur l’être humain est sans faille et remarquable car il n’expose pas, à la manière de Minority Report par exemple, seulement une prouesse technologique gratuitement.
Non, chaque outil, aussi avancé soit-il, sert subtilement la narration et porte un message spécifique à la fin de chaque épisode, laissant constamment le spectateur dans la réflexion de soi et de son rapport à l’Autre. »
MDR, je crois que quelqu’un ici n’a pas compris Minority Report. Non parce que comparer en défaut le film à Black Mirror, quand même quoi. Black Mirror c’est sympa mais ça ne souffre absolument pas la comparaison avec la puissance réflexive de Minority Report, dont Charlie Brooker s’est probablement inspiré pour écrire son anthologie d’ailleurs, tant on sent l’influence dans beaucoup de récits de l’anthologie jusque dans certains effets de lumière qui convoque directement la lumière de Kaminski.
Surtout que Minority Report ne se contente pas d’être une prouesse technologique gratuite, mais il inscrit tout son questionnement dans les outils qui servent tout aussi subtilement la narration.
En effet, j’y suis peut être allé un peu fort… D’autant plus que j’ai adoré Minority Report
Je voulais juste dire que l’expression c’est « folle à lier » et non « folle alliée », mais sinon très bon article même si je m’attendais à une analyse un peu plus poussée, bonne continuation ^^
Thanks for sharing. I read many of your blog posts, cool, your blog is very good.
Hi there, just wanted tto tell you, I enjoyed this blig post.
It wass helpful. Keep onn posting!