Au revoir là-haut d’Albert Dupontel: analyse et explications

La cause de tous les maux

Ceux qui entraînent la guerre sont bien pire que sa réalité. Le lieutenant Pradelle (Laurent Lafitte) est emblématique de cette vision des choses. Chef de guerre assoiffé de sang, il monte une mise en scène, en tirant sur deux de ses hommes, pour faire un ultime massacre sur le front au moment de l’armistice. Quand Albert s’aperçoit de la supercherie, Pradelle essaye de l’abattre sur le champ de bataille. Echouant de peu, il a pour espoir qu’il soit mort étouffé dans un gouffre.

Pradelle dans le noir. On voit juste la fumée s'élevée de sa bouche.

Après la guerre, le lieutenant Pradelle continue son existence d’être détestable et profiteur. En effet, il devient entrepreneur funèbre en se mettant dans toutes les entreprises de grands cimetières. La première guerre mondiale, en tant que premier “conflit de masse”, a des cimetières gigantesques, comme on le voit encore aujourd’hui à Verdun. C’est sur ce “commerce des morts” que le lieutenant Pradelle va baser sa fortune. Il est de ceux qui ont “profité” de la guerre, comme le dit Albert Maillard. De plus, au niveau de sa vie intime, il s’est marié avec la soeur d’Edouard, épleurée croyant que son frère est mort. Et la trompe, sans vergogne, avec les femmes de ses associés. Pradelle est un homme sans scrupule qui pense seulement à lui. Il consume la vie de ceux qui l’entourent pour son plaisir personnel.

L’hypocrisie de la guerre

L’une des scènes les plus marquantes reste celle où la petite Louise, sous le commandement d’Edouard, fait la liste de tous les coupables de la guerre. Rappelant l’article “J’accuse” d’Emile Zola publié dans l’Aurore, Edouard crée un peloton d’exécution où il condamne tous ceux qui ont été impliqués de près ou de loin dans ce massacre. Les visages en papier maché et les pancartes indiquant le nom des coupables donnent une allure très satyrique à la scène. Chaque personnage est inculpée pour des méfaits précis, comme dans un tribunal. Le fait que ce soit Louise, une enfant, qui déclame les sentences est d’autant plus marquant car l’innocence condamne la barbarie. Cela montre aussi que ce sont les nouvelles générations qui vont juger les anciennes.

Pour avoir déclenché la guerre (…), pour ne pas l’avoir empêché (…), pour avoir aimé la faire (…), pour en avoir profité (…) vous êtes tous condamnés à mort.

Louise (Héloïse Balster)
Personnes portant des têtes caricaturales en papier mâché.

Le fait que le dernier personnage montré dans le plan ci-dessus porte l’affichette “Papa” autour de son cou témoigne du dédain qu’Edouard a pour son origine sociale et son géniteur. Il en veut à son père car celui-ci n’a jamais reconnu son art et ne lui a jamais donné l’affection qu’il demandait. Cette famille de non-dit, où tout se résout par l’argent, ne cesse de lui rappeler tous ces industielles qui ont tiré profit de la guerre pour leurs économies personnelles. Cette scène marque la négation, voire le rejet, de son héritage familial.

La circularité du secret

Malgré le rejet d’Edouard pour son père, la mort de son enfant lui fait financer un projet artistique en hommage aux morts de la guerre: les monuments aux morts. Pur mécène, il va faire appel à des artistes pour réaliser ces sculptures visant à offrir à chaque famille un endroit de recueillement. Néanmoins, en recevant les différents projets, il tombe sur celui de son fils, qu’il pense reconnaître par la signature. Porté par l’espoir qu’il ne soit pas mort, il va céder à tous les caprices d’un artiste nommé Jules Dépremon (qui est en réalité bien Edouard). Jusqu’à la nuit de leur retrouvaille

Albert à côté de Pradelle.

Il n’y a pas que dans la famille Périncourt qu’une circularité s’observe autour du secret. En effet, dès le début du film, le destin d’Albert va se lier de façon indéfectible à celui de Pradelle. S’il sait que Pradelle a tiré sur ses soldats pour déclencher un assaut, ce dernier sait qu’Albert a “tué” administrativement Edouard aux archives (en échangeant ses papiers avec ceux d’un mort). Ni l’un ni l’autre ne peut donc parler par peur de ce que l’autre pourrait révéler.

La notion du secret est au centre de la littérature occidentale. On peut dire que l’essence même des personnages est incarnée par des gens détenants des informations spécifiques que pour des raisons diverses, parfois perverses et parfois nobles, ils sont déterminés à ne jamais révéler.

The Reader, Stephen Daldry, 2009
The Reader, film de Stephen Daldry (2009) dont est tiré la citation-ci dessus.

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