L’un, Ryan Gosling, est devenu une star internationale avec Drive. L’autre, Nicolas Winding Refn, s’est fait connaitre du grand public avec le même film. L’acteur et le réalisateurs se retrouvent pour un nouveau film, Only God Forgives, sélectionné en compétition officielle à Cannes 2013. Ne lisez la critique ci-dessous que si vous avez vu le film, elle contient de nombreux spoilers.
Synopsis
À Bangkok, Julian, qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue.
Sa mère, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy : le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra alors affronter Chang, un étrange policier à la retraite, adulé par les autres flics …
L’histoire d’Only God Forgives est tout ce qu’il y a de plus banal. Un meurtre, une quête de vengeance… et c’est à peu près tout. Peu de choses vont se dérouler dans le film, en tout cas rien de bien renversant. Pourtant, si l’histoire est très simple, le scénario n’en est pas moins complexe, riche et ambigu. En effet, le film s’appuie sur un symbolisme très fort. Les quelques scènes de dialogues, surtout entre Julian et sa mère, permettent de reconstituer le passé des personnages, et par la même occasion, les enjeux du film. Les autres séquences, très lentes et silencieuses, très graphiques, dégagent un symbolisme très fort, notamment les scènes de fantasme/cauchemar avec le personnage incarné par Ryan Gosling.
Julian, le personnage incarné par Ryan Gosling semble, au premier abord, impuissant. Il fréquente une prostituée, Mai, avec qui il n’a aucun rapport sexuel. Il est “victime” de l’emprise de sa mère, avec qui il a très certainement eu une relation incestueuse, tout comme son frère. Celle-ci l’ poussé à tuer son père, d’où son exil à Bangkok et cherche constamment à le rabaisser. Mais ce personnage de Julian est bien plus puissant qu’il n’y parait. Son frère Billy, dit “It’s time to meet the devil” avant de se lancer dans son escapade nocturne. Il est probable qu’il ne supporte pas la relation incestueuse et pédophile qu’il a vécu avec sa mère, qu’il s’offre volontairement à Chang, le bourreau policier. Il rejette les femmes et souhaite une jeune fille. Lorsqu’il obtient celle-ci, il la violet et la tue, extériorise tout ce qu’il ressent. Chang intervient et le fait tuer par le père de la jeune fille.
A l’opposé, le personnage de Ryan Gosling intériorise toutes ses souffrances, mais c’est un faux calme. Contrairement aux apparences, et à ce qu’il croit lui-même, il est progressivement en train de se détacher de l’influence de sa mère. S’il cherche toujours à l’impressionner, il lui cache aussi la vérité, jusqu’à aller à l’encontre de ses décisions. Il trouvera dans Chang la justice et le sens moral qu’il recherche et qu’il n’a pas trouvé dans sa famille. Chang se prend pour dieu, il est comme une incarnation divine qui fascine aussi bien les autres policiers, les jeunes boxeurs de la salle de Julian, et Julian lui-même. ALors qu’il est le personnage le plus violent du film, il en est aussi le plus sage et le plus moralement pacifique. Le choix final de Julian est à la fois une punition et une libération. Il cherche à se laver de ses péchés et repartir à zéro.
Le film de Nicolas Winding Refn fonctionne sur un rythme assez particulier, très lent, malgré sa durée très courte (1h30). Il offre des séquences visuellement irréprochables. Les plans, les cadres, les lumières…. même la musique : tout est mis en place pour créer une ambiance malsaine, mais aussi planante comme le réalisateur les aime. On navigue constamment entre l’horreur crue et la poésie.
Ambiance Lynchienne, cadres dignes de Kubrick, symbolisme des images… Pas de doute, qu’on adhère ou pas, on est en face d’une œuvre de cinéma très ambitieuse.