Originellement créée par le français Bastien Vivès, la bande-dessinée au titre éponyme, Polina, raconte l’histoire d’une danseuse quittant sa Russie natale afin de découvrir un style de danse inexplorée dans son école et un autre mode de vie. N’ayant pas lu la BD, je me contenterai d’aborder le film du mieux que je le pourrai.
Synopsis
Dans les années 90 en Russie, l’histoire de Polina, une danseuse classique pleine d’ambition. C’est à la suite d’un spectacle de danse contemporaine auquel elle a assisté qu’elle remet en question son entrée prestigieuse au ballet du Bolchoi après avoir eu tant de mal à y accéder.
Elle quitte sa terre natale et s’envole, de ce fait, pour Aix-en-Provence pour travailler avec Lisa Elsaj, chorégraphe de danse contemporaine.
Ayant toujours été portée par la rigueur et l’exigence qu’impose le classique et auxquelles le célèbre professeur Brojinski l’a introduite, ce choix va momentanément bouleverser sa carrière mais aussi sa vision du monde.
Le retour de la danseuse est donc arrangé par le metteur en scène, Angelin Preljocaj, directeur du centre chorégraphique d’Aix-en-Provence et sa compagne, la réalisatrice, Valérie Müller.
Nous connaissons tous ces films de danse, tels que Black Swan (avec Natalie Portman et Vincent Cassel), où l’enjeu de la réussite est tellement important qu’il absorbe la vie du personnage. Dans ces films, la danse devient un personnage à part entière et contrôle la direction et le mode de vie que suit le personnage principal.
Ce qui est intéressant avec Polina, c’est que c’est légèrement différent. La danse ne contrôle pas le personnage au point de lui faire oublier sa vie, et dans ce cas-ci, sa jeunesse. Il semble légitime de préciser que la danse (surtout la danse classique) est souvent décrite comme une discipline pointilleuse et ardue. Et de ce fait, elle est généralement un bon moyen, pour les cinéastes, de nous guider dans l’évolution de leurs personnages, de nous dévoiler au parcours initiatique de celui-ci.
Partir de rien, en danse, pour atteindre une perfection, souvent encouragée par la figure d’un professeur rigide et dominateur, constitue une couverture idéale pour nous montrer que le personnage persiste dans son cheminement et veut à tout prix réussir.
Lorsque le personnage est danseur à proprement parler, il est important de nous exprimer cet art non pas uniquement en tant que discipline mais en tant que mode de vie également. Le chorégraphe français et la réalisatrice nous introduisent à ce monde sectaire qu’est la danse et nous invitent à essayer de mieux le comprendre au travers de décisions de vie, et non pas de décisions professionnelles.
Des débuts difficiles
Nous suivons Polina Oulinov, dès l’âge de 6 ans, lorsqu’elle intègre la prestigieuse école de Nikita Brojinsky, professeur de danse classique sévère et très demandeur. Dès lors, nous pensons que Polina n’est pas une élève douée. Elle n’arrive à rien exécuter et les contacts qu’elle reçoit de la part de Brojinsky sont soit des injures, soit l’ignorance la plus totale.
Sans compter que les enjeux sont de taille car la famille de Polina, issue de la classe moyenne, a du mal à joindre les deux bouts pour payer cette école au-dessus de leurs moyens.
L’amour des parents de Polina est grandiose. Nous le voyons car, pour permettre à sa fille d’intégrer cette école de prestige, son père n’a pas hésité à se mettre en relation avec une mafia russe, qui d’ailleurs, demande des représailles tout au long du film.
Nous le voyons bien, les cours de danse de la jeune fille ont un coût et celui-ci n’est pas uniquement pécuniaire. C’est cet enjeu personnel qui ajoute encore plus de poids sur les épaules de Polina, qui a déjà toute la pression du monde avec des cours intensifs.
En acceptant d’avoir pour mentor le célèbre professeur Brojinsky, Polina ravale toute sa fierté et prend part aux cours particuliers du professeur.
Ces cours qui commencent, tout d’abord, en petit comité, se terminent par l’unique et seule présence de Polina.
Ce qui amplifie le rapport maître/élève et rend les choses plus complexes. Attention, je ne parle pas là d’un rapport érotique ou sexuel. Il s’agit davantage d’un rapport de force.
Cette relation prof/élève constitue très souvent un élément majeur des films de danse, où le regard du professeur s’adoucie au fil de l’intrigue.
Ici, la relation Polina/Brojinsky est, malheureusement, survolée alors que dans la BD, elle est primordiale. Le professeur, qui a clairement une vision classique de la danse, ne supporte pas les déviations que Polina en fait. Et, c’est du jour au lendemain qu’elle part en France pour l’étudier autrement. Nous n’avons pas pu assister à cette aventure qu’aurait pu être la relation entre ces deux personnages.
Polina, la globe-trotteuse ou Polina, la danseuse ?
Lors de sa scolarité en Russie, Polina rencontre Adrien, interprété par Niels Schneider (Les Amours Imaginaires), un danseur français qui repart vivre à Aix-en-Provence. Il sera l’élément déclencheur de la volonté de Polina à découvrir d’autres perspectives. Le personnage d’ Adrien représente le cliché du beau gosse sans fond, du petit “frenchie” qui plaît aux filles. Sans volonté particulière de le rendre intéressant, les réalisateurs nous l’ont vite expédié et nous ont même fait comprendre qu’il n’aiderait pas à servir les intérêts de la protagoniste. En effet, c’est avec ce personnage que les réalisateurs nous expliquent l’importance du duo, en danse.
Chaque danseur doit pouvoir contrôler et maîtriser son corps et ses mouvements mais aussi les mouvements du coéquipier. Or, c’est à travers le duo de danseurs Polina/Adrien, que l’ont s’apercevra qu’ils ne pourront fonctionner en tant que couple dans la vraie vie.
D’autant plus que la professeure Lisa Elsaj (Juliette Binoche), dont elle a intégré les cours de danse contemporaine à Aix, ne lui fait plus confiance quant à la reprise du rôle de Blanche-Neige pour leur prochain spectacle de danse en préparation.
N’ayant plus rien à faire à Aix, elle décide de se rendre à Anvers en Belgique. C’est aussi le moment où l’on assiste à toutes les désillusions de Polina. Rien ne semble fonctionner comme elle l’entend. Elle ne trouve pas de travail dans le milieu de la danse, la ville de Anvers n’est pas particulièrement glamour et esthétique, elle n’a pas d’amis, etc,…
Cette désillusion est importante à montrer car elle confirme que le rêve de devenir danseur professionnel n’est pas aisé à atteindre. Polina trouve un boulot en tant que serveuse dans un bar, tout en cherchant un appartement en parallèle. C’est alors qu’elle tombe sur un cours de danse dans un centre pour les jeunes, donné par Karl (Jérémie Bélingard, danseur à l’Opéra de Paris), avec qui elle fera une future colocation et collaboration.
C’est avec Karl que nous commençons à comprendre ce que signifie “bien travailler” avec son partenaire. Nous le voyons, la danse n’est pas qu’un suivi de mouvements mécaniques; il s’agit davantage de ressentir et de recevoir ce que le binôme est capable de partager. La danse est un art de partage, et lorsqu’il ne s’agit pas de partager avec un binôme, il s’agira de donner à un public. C’est aussi la raison pour laquelle beaucoup de danseurs prennent des cours d’art dramatique. Il s’agit de répondre présent à un rendez-vous avec le public.
Un grand final
La scène finale du film est probablement la plus impressionnante et la plus esthétique. Jusqu’à présent, le film était intentionnellement peu esthétique (je dis bien peu, car il est travaillé). C’est le quotidien peu glamour et difficile de la jeune femme qui poussait les réalisateurs à nous dévoiler une image épurée mais brute, en rapport avec la thématique de recherche de soi du personnage. D’ailleurs, cette recherche de soi est symbolisée par la métaphore du cerf, dont nous voyons les plans en début de film. Bien qu’ils apparaissent de nul part, nous comprenons au fil de l’intrigue que cet animal est une représentation de l’animal qui est EN Polina, elle même en pleine crise professionnelle et existentielle.
La scène finale, où elle danse en duo avec Karl rappelle, de ce fait, la scène finale de Black Swan où Natalie Portman devient littéralement le cygne. Ici, l’idée est similaire, Polina, ayant trouvé sa voie, a également trouvé son animal de prédilection.
Polina, danser sa vie se laisse regarder mais ne renverse pas, par son originalité, les codes des films de danse. L’actrice, incarnée par Anastasia Shevtsova, n’illumine pas l’écran et donne une interprétation fade, bien que juste. Les codes sont renversés et nous comprenons un peu mieux les différences entre danse moderne et danse classique (et cela, le film tient la route).
Nous pouvons tout de même tirer une révérence au choix des musiques mises au service du film. La BO, en plus d’être originale et inconnue, est très bien amenée et s’adapte proprement aux chorégraphies du film.
Le film sort le 16 novembre 2016 sur nos écrans français, en attendant voici le trailer: