Trans are beautiful and happy
La remarque de Laverne Cox: “Nous sommes tous là, depuis toujours” exprime la violence avec laquelle les personnes transgenres ont été reléguées à des seconds rôles ou à des personnages qui n’engendrent que rire ou dégoût. En effet, si ce documentaire montre que les personnes trans ont d’abord été invisibilisée ou/et ridiculisée par une existence de “bête de foire” (notamment avec la question du transformisme), il témoigne aussi de l’évolution notoire que le cinéma a eue à leur égard. Même si, jusqu’à la fin des années 2000, les transgenres n’apparaissent à l’écran que pour y être violentés ou y mourir (Boy’s don’t cry, Kimberly Pierce, 1999), la montée de certaines personnalités, comme Candis Cayne, a permis de leur offrir une parole et des rôles sortant du voyeurisme.
Avec le développement de séries, comme Orange is the new black ou Sense8, le monde du cinéma a permis à des personnalités transgenres d’émerger du silence (Laverne Cox et Jamie Clayton): ne laissant plus des personnes cisgenres compter leur histoire. Cette nouvelle visibilité a permis un regain d’espoir auprès des acteurs mais aussi des spectateurs de cette communauté. Ce droit à une visibilité positive a montré qu’être trans n’est pas une tare mais une fierté qui ne mérite pas d’être tue. Le cinéma hollywoodien a ainsi progressivement opté pour une optique plus respectueuse et bienveillante à l’égard des personnes transgenres, ce qui s’est aussi ressentie au niveau des interviews (les questions sur les parties génitales des personnes trans disparaissent progressivement). Le cinéma montre enfin qu’elles peuvent être heureuses et avoir une place avec du pouvoir dans la société. N’ayant plus besoin de cacher leur identité, de mourir à l’écran ou de voir leur statut usurpé par des acteurs cisgenres, les transgenres se font une place de choix au sein du monde du cinéma.
Donner la parole aux personnes concernées
De nombreuses scènes de films sont décortiquées par différentes personnalités transgenres (Laverne Cox, Jamie Clayton, Candis Cayne, Chaz Bono etc.) qui, tout en analysant les images hollywoodiennes, transmettent leur histoire. Cette mise à l’honneur des personnes concernées permet de donner une réalité émotionnelle mais aussi raisonnée à ce documentaire. Très instructif, il permet de s’interroger sur notre conception du monde et de comprendre à quel point nous sommes conditionnés par les images normalisées qui nous sont projetées (cinéma, médias etc). Comment une personne transgenre peut-elle s’identifier à des personnages de fiction qui sont bien dans leur corps et dans leur genre ? Comment, plus largement, des personnes appartenant à des minorités peuvent se sentir concernées par des films leur présentant un schéma qui ne leur appartient pas?
De plus, ne s’attardant pas seulement sur la place des personnes transgenres, il pose aussi la question du racisme lattant aux Etats-Unis.
Engagé sans être polémique, ce documentaire sait transmettre une parole sans la rendre discriminatoire pour les personnes non-concernées: il expose des faits et des vécus de façon raisonnée mais sensible. Mosaïque de personnalités et de vécus différents, il sait sublimer les personnes exposées sur un fond blanc, neutre, sans jugement. En bref, après l’échec régressif de 365 jours, il est agréable de voir que Netflix se rattrape avec des programmes qui proposent une optique plus progressiste et respectueuse à l’égard d’autrui. Permettant de réfléchir sur les mentalités et les préconçus sociaux, Disclosure montre que le cinéma a aussi une part de responsabilité dans les discriminations, tant comme acteur d’une représentation que comme miroir d’une société.
Page suivante: Courte histoire de la transidentité au cinéma (filmographie)