Dossier comics – Civil War

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Avant d’être une star adulée de cinéma, Iron Man était un super-héros clé de l’univers Marvel, pierre angulaire des Vengeurs. Son rôle dans l’univers Marvel est devenu progressivement crucial, avec une réelle ascension avec son omniprésence dans l’arc Civil War, œuvre majeure de la dernière décennie Marvel.

Avant de parler de Civil War en tant que tel, il faut expliquer en deux mots la notion de crossover. Le crossover est un comic (ou une BD en général) dans lequel plusieurs héros possédant chacun sa série se retrouvent. Le premier grand crossover de l’univers Marvel a été les Guerres Secrètes (Secret Wars) en 1984. Comme je pourrais en parler pendant 20 pages, je vous propose d’aller yeuter un petit article sur Wikipedia en attendant un prochain dossier sur ces Guerres Secrètes. Les crossovers Marvel ont connu un grand renouveau au début des années 2000 avec ce que l’on appelle « events » (ou évènements en français). Ces grands events ont été entre autres House of M, World War Hulk…j’en passe (chacun pourrait mériter une critique, si ce n’est un dossier)…et bien évidemment Civil War. Autant le House of M est axé sur les X-Men, autant Civil War est complètement axé sur les Vengeurs (Iron Man, Thor, Captain America, Nick Fury…) & les héros Marvel qui s’y rapportent de près ou de loin (les Fantastic Four, Daredevil, Spider-Man…).

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Il est difficile de parler de Civil War sans en révéler ses secrets, on va donc présenter le pitch ainsi que les personnages en jeu. Tout commence quand un groupe de super-héros, les New Warriors vont pour une mission dans la ville de Stamford. Au cours du combat contre une équipe de super-vilains secondaires, un New Warrior, Nitro, se fait exploser et tue près de 600 personnes. Cet évènement sert de déclencheur à une psychose voulant recenser tous les super-héros.

Un clash apparaît alors au sein des super-héros, et même au sein même des Vengeurs. D’un côté, une équipe se crée autour d’un Iron Man favorable au recensement des super-héros par le gouvernement américain (les super-héros devenant alors « fonctionnaires », plus ou moins membres du S.H.I.E.L.D et en tout cas surveillés par ces derniers). Une seconde équipe se constitue autour du charismatique Captain America refusant de se soumettre aux volontés politique. Ce dernier estimant que les super-héros sont souvent venus des bas fonds (Luke Cage, Daredevil…) et doivent rester au-dessus des lois car donnant au quotidien leur vie pour le pays. Comme le prédit Captain America, cette loi amène les super-héros à se battre entre eux, déclenchant une guerre civile (Civil War) violente et n’ayant pour seuls bénéficiaires que les super-vilains…

Les héros Marvel étant nombreux, nous vous épargnerons toutes les publications diverses et variées tournant autour de cette Civil War (New Avengers, Luke Cage, Punisher etc…) même si certaines méritent une critique/dossier qui viendra certainement un jour (Thunderbolt, Frontline, Spider-Man…). Nous nous consacrerons donc ici au « Main Event », le comic principal. Ce dernier a été dessiné par Steve McNiven (qui a enchaîné les grandes publications après) et scénarisé par Mark Millar. Ce nom vous dit quelque chose ? Normal, vous venez de le lire dans la critique de Superman – Red Son (ou si vous ne l’avez pas encore fait, courez-y !) et vous avez vu son nom partout car il semble qu’il ait scénarisé un petit comic adapté récemment au cinéma qui s’appellait Kick-Ass (rien que ça). Bref, avec Brian Michael Bendis, Warren Ellis et Paul Jenkins, ce sont un peu les grandes étoiles actuelles du monde Marvel (après les Straczynski & McFarlane). J’exclus volontairement quelques grands comme Kevin Smith, Neil Gaiman, Joss Whedon car ils ne sont pas totalement des auteurs de comics, et aussi Joe Quesada car je lui en veux profondément 😉 Donc Mark Millar au scénario et Steve McNiven au dessin, cela ne peux donner que de belles choses…et sur ce point, on peut dire que le but a été atteint.

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Au-delà du talent de ses auteurs, Civil War est une œuvre riche par les nombreux axes de lectures qu’elle peut offrir (qui a dit qu’un comic avec un super-héros est un bouquin de gosse ?). Sans avoir la saveur acide d’un Watchmen ou la puissance lyrique d’un Sandman, elle reste par son actualité et sa mise en exergue des instincts humains profonds, une pierre angulaire de la BD actuelle.

Le premier point qui ressort de Civil War est la cause de la guerre : La divulgation ou non de l’identité secrète du super-héros.
L’identité secrète est presque un « have to » de la panoplie du super-héros. Le secret du visage sous le masque une absolue nécessité pour n’importe qui (ou presque…). Il suffit pour cela de prendre l’exemple de quelques stars comme Superman/Clark Kent, surhomme prenant des airs benêts pour cacher son identité au monde. Il en est de même pour Batman (comment le Chevalier Noir pourrait terrifier la vermine de Gotham si l’on savait que sous le masque était présent un homme on-ne-peux-plus banal ?) et autres Spider-Man (oui, il faut protéger Tante May et Mary-Jane voyons !!!). Avec le costume et les supers pouvoirs (ou technologies assimilées), l’identité secrète est donc une pierre angulaire du super-héros.
Et c’est justement cette identité que veux détruire l’équipe structurée autour d’Iron Man. Ce n’est pas pour rien que son supporter n°1 dans cette guerre n’est autre que Red Richards (leader des Quatre Fantastiques), ils sont deux super-héros sans identité secrète. En voulant révéler l’identité des héros, c’est à l’essence même du héros que l’on touche. Et visiblement, toucher à cette essence conduit à une dramatique guerre fratricide.

Derrière le masque se cache aussi surtout une certaine arrogance, une affirmation de son pouvoir. Ce n’est pas pour rien que nos deux super-héros sans identité secrète précédemment cités sont les seuls super-héros à avoir un building gigantesque en plein Manhattan (la Stark Tower pour Iron Man/Tony Stark et le Baxter Building pour les Quatre Fantastiques). Iron Man est le symbole même de ce besoin de pouvoir, cette envie d’être connu et reconnu comme un sauveur. Ils deviennent autant héros que stars (voir la scène de la Stark Expo d’Iron Man 2 ou les fan clubs de la Torche/Johny Storm des Quatre Fantastiques). Cependant, cette arrogance risque à tout moment de faire tomber ces héros du côté obscur…

Opposé à cette arrogance, nous avons des héros qui ne recherchent pas la gloire personnelle, mais qui agissent réellement pour le bien général, qui ont un idéal. C’est le cas de Captain America (il se bat pour le drapeau américain depuis 1945), de Batman (il veut rendre Gotham plus sûre) et de Superman. Ils sont les archétypes des super-héros « parfaits », biens sous tous rapports, animés par un seul but : faire le bien autour d’eux.

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Il est intéressant cependant de constater que les héros Marvel les plus charismatiques sont des héros troubles sur ce niveau. En effet, naturellement, en pensant Marvel, on pense Wolverine et Spider-Man, deux personnages à mi-chemin des deux types de héros précédemment énoncés. Ainsi, bien que Wolverine lui-même ne connaisse pas sa véritable identité, il sait toujours être là, généreux mais sombre, d’une fierté et arrogance sans égale mais profondément mû par un désir de faire le bien au plus profond de lui. De son côté, Spider-Man est né d’une désillusion. Voulant être célèbre et négociant son contrat (il recherchait la célébrité en tant que catcheur), il laisse échapper le tueur de son oncle, ce qui lui fait prendre conscience qu’un « grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Par la suite, il cachera donc son identité afin de faire sans relâche le bien, en grande partie par sa culpabilité. Cependant, dans Civil War, c’est d’abord du côté d’Iron Man qu’il se tournera (tel le catcheur arrogant qu’il voulait être) avant de basculer du côté des New Avengers de Captain America (il découvre son erreur et souhaite redevenir secret…).

La lutte entre Iron Man & Captain America semble donc être une lutte entre deux personnalités, le super-héros cherchant la reconnaissance contre celui recherchant le bien commun…Et au milieu certains hériteront longuement, d’autres moins…

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Mais derrière cette « banale » bataille de super-héros, c’est à de brûlants sujets d’actualité que s’attaque Mark Millar.

Tout d’abord, il faut savoir que Civil War a été écrit durant la présidence de Georges W. Bush et symbolise de fait une action majeure de ce dernier, le Patriot Act. A titre de rappel, cette loi votée par le président Bush a accentuée les droits de l’Etat pour enquêter sur le terrorisme intérieur comme extérieur et a été perçue par beaucoup comme une possible atteinte à la vie privée des citoyens… Tiens tiens tiens…une loi se revendiquant patriotique (Patriot Act), ne pensons nous pas alors à une loi allant dans le sens du héros le plus patriotique de l’univers Marvel : Captain America ? Et pourtant, cette loi est une atteinte à la vie privée…donc à l’identité secrète du super-héros ? La guerre civile des héros Marvel peux alors être interprétée comme une image, une métaphore de cette loi, cette période de la vie des USA qui a vu la notion sécuritaire attaquer la vie privée de tous au nom d’un sentiment patriotique fort…pourtant bien loin de cette atteinte à la vie privée pourtant reconnue dans la constitution des Etats-Unis, socle du patriotisme américain.

Au-delà de cela, nous pouvons aussi voir dans Civil War la disparition de cette Amérique des années 50-60 généreuse et paternaliste (du moins dans l’imagerie collective) symbolisée par Captain America. Cette Amérique maintenant remplacée par une nouvelle plus individualiste, mercenaire et n’agissant que dans son propre intérêt (doit on y voir une critique de l’invasion de l’Irak ?). Cet individualisme n’étant pas sans rappeler l’attitude de Tony Stark…

Enfin, et vous le découvrirez en lisant l’œuvre, c’est aussi l’absence de dieu (dans le sens d’une force supérieure) qui cause cette guerre. Cette absence est symbolisée par la cruelle disparition de Thor, seul personnage visiblement à même de calmer cette guerre, Thor inexistant, disparu durant le Ragnarok. L’absence réelle d’une croyance serait donc une nouvelle raison de cette guerre civile.

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Mais on s’égare on s’égare, et l’on oublie que ce dossier touche à sa fin…il faut donc conclure comme il se doit…par les impacts de cette guerre civile sur l’univers Marvel.

Civil War, vous l’avez compris, entraîne une séparation, une division au sein des héros, division ayant pour pierre d’achoppement la question sécuritaire et par cela même, la question de l’identité secrète du super-héros. Civil War est le début d’un cycle long et bien plus adulte que ce que Marvel nous a donné jusque là, début d’une déchéance, pente glissante vers un monde noir, fou, gouverné finalement par ceux qui ne devraient pas être là…mais ça, c’est une autre histoire…

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