Cycle Maurice Mariaud du 11 au 20 décembre à la Fondation Pathé

le secret du cargo

Comédien de théâtre, Maurice Mariaud (1875-1958) passe au cinématographe dès le début des années 1910 en endossant les fonctions multiples des pionniers de la pellicule : acteur, scénariste, puis cinéaste, à une époque où il est mieux considéré, à l’instar de Léonce Perret, d’être vedette de ses propres films plutôt que de se cantonner dans la mise en scène, quelque peu dévalorisée quand le producteur ne se fait pas carrément passer pour l’auteur à part entière. Bon vivant, fantasque et généreux avec sa troupe, Mariaud tourna, d’un studio à l’autre, une quarantaine de films muets dont seulement une quinzaine, à ce jour, a survécu. Néanmoins, la qualité évidente de certains d’entre eux, ne fait qu’accentuer notre regret de ne pouvoir en voir plus aujourd’hui. La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé permet heureusement d’en (re)découvrir quelques uns.

le secret du cargo

Le célèbre Léon Gaumont qui fut le premier employeur de Mariaud avait sa propre conception de la  valeur des films : ils sont bons quand ils sont de préférence bon marché et qu’ils “marchent” et sont médiocres quand ils ne rencontrent pas le succès et ne rapportent pas d’argent. Si Gaumont licencie Mariaud en 1916, c’est parce qu’il était, parait-il, trop dispendieux mais aussi probablement parce que ses bandes n’attiraient pas les foules. Mariaud passe alors chez Louis Nalpas au Film d’Art. A la différence de Gaumont qui laisse à ses employés une certaine autonomie, Nalpas joue d’abord les modestes par orgueil puis se prend pour un créateur et se mêle de tout, gênant l’équipe de tournage sur les plateaux. Mariaud entre ensuite à Phocéa-Films à Marseille, puis aux studios de la Victorine à Nice, encore sous les directives de Nalpas qui n’a pas dit son dernier mot. Après la Guerre, devant la désorganisation de l’industrie nationale, il part pour le Portugal puis revient en France au milieu des années 1920.

Touchant à tous les genres, mélodrame, comédie, aventure, policier, Mariaud s’est essayé aussi au fantastique et, si l’on examine sa filmographie en détail, on fait plusieurs trouvailles. Tout d’abord, La Main de l’autre (1914), vrai film d’horreur avec greffe d’organe à l’appui; ce film inconnu en précède deux autres qui nous sont familiers : La Main (1920) de Edouard-Emile Violet et Les Mains d’Orlac (1924) de Robert Wiene, adaptant le roman éponyme (1920) de Maurice Renard.

Le Roi de l’étain (1916) est adapté d’un drame de Jean Joseph-Renaud écrit pour le Grand Guignol en 1913. Or, Joseph-Renaud était, depuis Le Chercheurs de merveilleux (1907), auteur de contes et romans fantastiques et il poursuivra dans cette voie jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. En 1920, La Maison de la Bonne Presse lance une collection à grands tirages, teintée de fantaisie, dont le premier titre, Le Roi de l’or, cher à Alain Resnais, montre  la commune inspiration dans le choix des titres.

On rencontre Mariaud comme acteur dans un film de Charles Burguet, L’Ame de Pierre (1917) qui adapte un roman (1890) de Georges Ohnet, évoquant la migration des âmes. Le spiritisme est à la mode en cette fin du XIXe siècle et un écrivain aussi conventionnel que Ohnet sacrifie au goût du jour. Le film de Burguet sera remaké en 1928 par Gaston Roudès.

Même un court métrage sur les méfaits de l’alcoolisme, Quand la raison d’en va (1919), est prétexte à visions cauchemardesques et apparitions bizarres.

Le scénariste de Tristan et Yseult (1920), Franz Toussaint, sera aussi quelques années plus tard l’auteur méconnu d’un texte bien étrange : Le Livre de l’éternité (1929). Quant à Jean-Louis Bouquet, autre collaborateur de Mariaud sur ce film, on ne présente plus l’homme de cinéma et écrivain bien connu de nouvelles fantastique dont les éditons Armada viennent d’éditer le tome 1 d’un inédit: Les Mémoires d’une voyante (1959). Signalons enfin que Maurice Mariaud est parfois confondu avec Marc Mario, auteur des Drames et mystères de l’occultisme (Chacornac, 1906) retitré  Le Pouvoir suprême (“roman du merveilleux”) à la Librairie générale des sciences occultes.

Dans son remarquable livre (2018), Frédéric Monnier regrette que la fin de Os Faroleiros (1922) semble une pièce rapportée sur l’édifice d’un excellent drame qui anticipe Gardiens de phare (1929) de Jean Grémillon. Effectivement, la dernière bobine fait dévier un film assez sobre vers l’horreur surnaturelle: le mort revient à la vie, laisse son bras surgir derrière la fenêtre, puis son visage, et se dresse – vengeur – dans l’embrasure de la porte. Mais cette fin, aux accents théâtraux du Grand Guignol, n’est pas sans impact et, surtout, elle nous console de ne pas pouvoir visionner La Main de l’autre et autres trésors perdus peut-être à jamais.  

Si les deux versions muettes de L’Aventurier (1916, 1924) et L’Etau (1920) sont assez quelconques, tous les autres films sont des réussites, parfois modestes, parfois éclatantes. Au pays des lits clos (1913) est une histoire belle et subtile mêlant légende de livre d’images et drame réaliste. Le Crépuscule du coeur (1916) est proche du style de Perret. Les Mouettes (1917), très atmosphérique, réunit Andrée Lionel et Paul Vermoyal qui furent remarqués dans la presse de l’époque. Mon Oncle (1924) est une très plaisante comédie douce-amère, Le Secret du cargo (1929) un film d’aventures bien construit avec une bonne dose de mystères et une course-poursuite dans le désert. Quant aux films portugais, Os Faroleiros (1922) est à la hauteur de sa réputation dans l’histoire d’un cinéma assurément national par son inspiration mais au départ techniquement dépendant de l’étranger. L’art de l’éclairage, le sens du paysage et surtout l’usage savant de la profondeur de champ propulsent Mariaud aujourd’hui à la place qu’il occupait déjà aux temps héroïques: en haut de l’affiche.

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