Analyse et explication du film Joker: Folie à Deux

Bannière de Joker Folie à Deux

Le Joker n’a pas d’histoire

L’un des points les plus fascinants du personnage du Joker, tel que traité dans la culture populaire, est que son histoire reste volontairement floue. Dans la BD emblématique The Killing Joke d’Alan Moore, le Joker lui-même admet que sa mémoire est peu fiable, donnant plusieurs versions de ses origines. Il dit même : « Si je dois avoir un passé, je préfère qu’il soit multiple. » Cette incertitude est reprise de superbe manière dans The Dark Knight (2008) de Christopher Nolan, où Heath Ledger, dans le rôle du Joker, propose plusieurs récits contradictoires de la manière dont il a obtenu ses fameuses cicatrices le long de la bouche. Citatrices nommées “Glasgow smile”. Ce flou narratif est central à l’essence du Joker : il est à la fois tout le monde et personne, une figure sans véritable histoire.

Todd Phillips, à travers Joker et maintenant Folie à Deux, joue avec ce même concept. Arthur Fleck est-il vraiment le “vrai” Joker, ou juste une étape dans l’évolution du mythe ? Le film laisse cette question ouverte, renforçant l’idée que le Joker n’est pas tant une personne qu’une idée, un symbole de chaos qui peut être adopté par différents individus.

Cette ambiguïté est portée à son paroxysme dans le final. On y voit en effet un autre détenu tuer Arthur Fleck… avant de se tailler un sourire au couteau ! En effet, à bien voir en arrière plan, on peut voir les gestes typiques du tueur s’entailler les lèvres avec le couteau ayant servi à tuer Fleck. S’offrant ainsi le “Glasgow smile”, ce personnage héritera de cicatrices identiques à celles du Joker d’Heath Ledger.

Lee et Joker dans Joker 2

Ce moment nous incite donc à penser que ce détenu est finalement le “vrai” Joker, celui que l’on connait tous, l’ennemi juré de Batman. Par cette scène finale et cette action dans le flou du second plan, le film s’inscrit alors dans cette tradition d’ambiguïté autour de l’origine du Joker, tout en rendant hommage à ses incarnations passées​.

Lee : l’innocente qui bouclera la boucle ?

Lady Gaga, dans le rôle de Lee, joue un personnage qui, sous des airs de romance, cache une exploitation subtile de la folie d’Arthur. Elle incarne une Harley Quinn en devenir, mais d’une manière beaucoup plus réaliste et sombre que dans les versions antérieures du personnage. Lee se rapproche d’Arthur, non pas par amour sincère, mais par une fascination presque morbide pour son statut de figure médiatique perturbée. À la fin du film, elle en sort innocente, échappant aux poursuites et prête à reprendre ses études en psychologie… tout en continuant à chanter, donc vivre dans cette “folie”. Comme il est dit qu’elle est une fille de l’Upper East Side, riche bourgeoise en cours d’études, tout laisse à penser qu’elle pourrait continuer à se former, posant ainsi les bases pour qu’elle devienne un jour thérapeute dans un asile comme Arkham.

Ici, ce 2e opus de Joker tisse un fil narratif intrigant : et si Lee, après avoir été séduite par l’idée du Joker, devenait la psychologue du tueur d’Arthur Fleck ? Cela bouclerait la boucle, en faisant d’elle la Harley Quinn du prochain vrai Joker, avec la relation toxique qu’on lui connait, finalement plus proche de la Harley Queen / Joker que l’on a pu voir dans un Suicide Squad ou les versions animées du personnage.

Ce clin d’œil appuie donc la théorie que le Joker est un concept. Concept créé par Arthur Fleck, mais qui va se transmettre de manière contagieuse, jusqu’à l’avènement du “vrai” Joker de Batman.

En résumé, Joker: Folie à Deux est bien plus qu’une simple suite : c’est une exploration complexe de l’identité, de la folie, et surtout du mythe du Joker. En refusant de donner une réponse définitive à l’origine du personnage (contrairement à ce que le premier film laissait à penser), Todd Phillips rend hommage à la nature insaisissable du Joker. Et ce tout en laissant la porte ouverte à de nouvelles interprétations. Ce film, tout comme son personnage central, est un puzzle dont les pièces ne s’emboîtent jamais parfaitement, et c’est précisément ce qui le rend si fascinant. Joker: Folie à Deux arrive à être une réflexion sur la manière dont les figures de chaos naissent et se répètent dans l’histoire et la culture. Et ainsi Lee, le tueur du “Glasgow smile”, et même Arthur Fleck, ne sont que des fragments d’un mythe en constante réinvention… n’est-ce-pas ce que l’on aime dans ces figures populaires ?

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