Analyse du film Cigognes et compagnie
Révisons un mythe
Le mythe de la cigogne qui apporte les bébés est bien ancré dans la culture populaire et dans ce film, il s’agit du point de départ pour raconter un voyage initiatique et porter un regard sur la société moderne, plus particulièrement sur les liens entre parents et enfants. La disparition de la livraison de bébés par les cigognes dans le film correspond à une certaine idée de l’enfance qui n’aurait pas pris le temps de s’émerveiller. Ou que les adultes n’auraient pas pris le temps d’accompagner, à l’image des parents du personnage de Nate, trop occupés à travailler pour la pérennité de leur petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Plus exactement, les parents passent à côté de la magie de l’enfance, autant que l’enfant lui-même, lorsqu’ils restent enfermés dans une réalité pratique, rigoureuse, mais ennuyeuse. Évidemment, le film ne manque pas de retourner la situation (que ce soit dans la famille de Nate ou sur le mont Cigogne) et les personnages finissent par comprendre la nécessité de continuer à rêver comme des enfants.
Une aventure classique
Le personnage principal est Junior, une star dans son entreprise au début de l’histoire. Il n’a à priori besoin de rien, il ne lui manque pour arriver au comble de la réussite que l’implacable froideur calculatrice de son patron qui passe son temps à frapper des moineaux avec son club de golf, sans plus de respect. Son manque de dureté le pousse à côtoyer Tulip et à la suivre dans ce qu’il considère comme une escapade catastrophique. Car en premier lieu, il refuse évidemment l’appel de l’aventure, au vu de la maladresse de son boulet de compagnon. Puis il la subit, ne cherchant qu’à s’échapper, et au fur et à mesure, il s’en accommode jusqu’à s’attacher à ce personnage vivant et enthousiaste, et à accepter son rôle de héros. Son aventure lui fait découvrir qu’il y a mieux dans la vie que les quotas et le succès dans le travail et il finit également par reconnaître et assumer son côté sensible face à l’attendrissant colis à livrer, le bébé, qui constitue le lien de cette drôle de vie de famille. On suit donc le cheminement d’un héros malgré lui, aveuglé par sa routine, qui découvre la vérité au fil de ses épreuves et qui finit par trouver son humanité de cigogne avant de revenir transformer son monde initial.
L’éloge de la famille
Il s’agit d’un thème classique, surtout dans les films américains à grand public, que l’on qualifie d’ailleurs de « familiaux » pour signifier que toutes les générations peuvent s’identifier aux personnages et à leurs péripéties. Les américains sont très attachés à ce thème, inhérent à leur culture et à la culture occidentale. En conséquence, la quête dont il est question en parlant de cigognes livrant des bébés est bien évidemment la quête d’une famille. Celle du bébé que les protagonistes se font un devoir de livrer, celle de Tulip, l’orpheline, et celle de Junior, qui se croit heureux et confiant dans sa réussite solitaire, mais qui admet finalement son besoin de liens affectifs. Et par extension, tout ne peut rentrer dans l’ordre que lorsque tous les protagonistes auront trouvé leur place dans un foyer.
La vie professionnelle vs la vie de famille
On trouve dans ce film une satyre gentillette du rapport moderne au travail, où les caprices de la vie professionnelle valent plus que l’interaction avec ses proches ; la famille de Nate est directement comparée à la multinationale du mont Cigogne qui elle, en est venue à la déshumanisation totale pour le profit. Le propos peut être jugé simpliste, mais il est efficace, surtout si l’on considère la cible d’audience et l’objectif principal de ce film, qui est avant tout de proposer une aventure drôle et divertissante. Ainsi, le film nous rappelle que le travail, c’est bien, mais il faut savoir se déconnecter et rester dans l’idée de bien-être et de partage plutôt que dans la spirale du profit, de la croissance et de la réussite, qui fait filer le temps à grande vitesse sans que l’on s’en aperçoive.