Critique de Amalia de Omar Rodriguez-Lopez #EtrangeFestival

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Tourné à la frontière des Etats-Unis et du Mexique, ce film américain bilingue, parlé en anglais et en espagnol est à la ressemblance des cités jumelles d’ El Paso et Juarez ; rassurant et inquiétant, riche et pauvre, paisible et violent. De même que l’agglomération bicéphale accentue les disparités entre les deux villes mais les rend dépendantes l’une de l’autre, Amalia devient une autre en se dupliquant et sa personnalité sombre dans une forme de démence liée aux lieux qu’elle traverse et aux influences qu’elle subit.

Les lieux sont une zone métropolitaine sordide où les bars succèdent aux garages et aux quais de gare. La photo n&b travaille la lumière et l’ombre comme une matière explosive dont les charges s’inversent.Quand Amalia a ses visions, l’image devient négative ou surexposée et les flammes de l’incendie final chassent les ténèbres jusqu’à l’écran blanc sur toute sa surface. Un cimetière, et surtout un bout de terrain vague au bas d’un talus qui cache une créature monstrueuse deviennent les destinations finales des victimes qui sont de la famille.

Les influences sont multiples. Une église chrétienne charismatique, les pressions exercées par les trafiquants et la violence des règlements de compte. Mais surtout, et plus insidieusement, un flux continu de paroles en provenance de la radio, restée allumée dans la voiture. Cette voix, d’abord ordinaire, finit par grésiller, se déformer et s’adresse directement à la jeune femme qui lui répond. Il est question des Elohim comme féminin pluriel et des poupées vaudou crées par le gouvernement pour les substituer aux humains. Rumeurs et complots constituent un fond diffus.

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C’est tout un environnement qui conditionne Amalia à se transformer, à se confondre avec son double maléfique, comme si quelque démon réclamait un corps pour une âme et inversement. La créature paraît quelquefois grandir, se dilater à la taille d’un univers : nuages cotonneux et pluies d’étoiles alternent dans le ciel. Un travelling savant sur la ville déserte s’accompagne d’incantations, sans que l’image corresponde au texte. Sommes-nous en train de voir un film d’horreur ou un film expérimental pour public averti ?

Le fait est que les amateurs de gore ou même de fantastique devront se faire une raison ; pendant toute la durée du film, nous voyons surtout Amalia errer avec une fille, l’embrasser dans une salle de cinéma, rouler en voiture et longer des avenues sinistres ou traîner dans les bars, sans craindre les machos de Mexicains. De temps en temps, la créature lance son appel et cause des flashs, comme un mauvais trip provoqué par un excès de reniflette. Une vilaine tumeur pousse au bras qui n’augure rien de bon sur la santé physique et mentale de la demoiselle.

Il y avait peut-être un scénario mais il a été perdu au montage. On subodore que la créature pourrait être de la famille puisqu’elle possédait le médaillon. Mais ni elle ni Denise Dorado ne sont les stars véritables. C’est la ville pourrissante, à la croissance incontrôlée et aux néons très photogéniques, qui décroche le premier rôle. Les amateurs de poésie urbaine et de photographie pourront peut-être se délecter d’une ambiance nocturne et d’une bande-son très soignée. Mais, reconnaissons-le, pour ce plaisir d’esthète, les musées d’art moderne conviennent mieux que le cinéma de genre.

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