Critique du film Eden de Mia Hansen-Løve

Eden est un film de la réalisatrice Mia Hansen-Love qui, malgré une promotion relativement importante, est sorti en salle en Novembre 2014 dans la plus grande discrétion. Il est disponible en DVD depuis Mai 2015.

Quelques spoilers sur la fin du film à suivre, mais rien qui ne gâche l’expérience de visionnage.

Synopsis

Au début des années 90, la musique électronique française est en pleine effervescence. Paul, un DJ, fait ses premiers pas dans le milieu de la nuit parisienne et créé avec son meilleur ami le duo «Cheers». Ils trouveront leur public et joueront dans les plus grands clubs de la capitale. C’est le début pour eux d’une ascension euphorique, vertigineuse, dangereuse et éphémère. C’est aussi le parcours sentimental d’un jeune homme qui accumule les histoires d’amour et qui n’arrive pas à construire. Eden tente de faire revivre l’euphorie des années 90 et l’histoire de la French Touch : cette génération d’artistes français qui continue de briller dans le monde entier.

Critique

Le synopsis expose clairement l’objectif du film : Raconter le parcours très personnel d’un DJ parisien (inspiré de celui du frère de la réalisatrice) tout en retraçant l’histoire de la French Touch. Malgré son ambition et un démarrage convaincant, le film ne réussit ni l’un ni l’autre.

Dès la promotion et la bande-annonce, il était facile de comprendre que « l’histoire de la French Touch » proposée par le film serait plus proche de « l’histoire de Daft Punk » que d’autre chose. Et c’est l’un des principaux problèmes du long-métrage : les références au groupe casqué sont trop nombreuses, et la volonté de surfer sur le succès récent de Random Access Memory (4ème album des Daft Punk sorti en 2013) bien trop évidente. Si certaines de ces scènes clin-d’œil sont plutôt drôles, d’autres paraissent peu utiles, voire forcées. Et c’est pourtant un fan absolu du groupe qui écrit cet article.

Eden Daft

Les Daft sont d’ailleurs quasiment le seul groupe emblématique de la French Touch étant cité, la bande-son se composant à 40% de leurs titres et à 60% de Garage (un sous-genre de la House, pratiqué par Cheers, le groupe fictif au centre du film). Il est bien sûr particulièrement agréable de regarder un film en écoutant Da Funk ou Veridis Quo, mais l’objectif aurait été mieux rempli si celui-ci s’était moins centré sur le duo parisien. En agissant ainsi, le film résume ce courant musical si prolifique à un seul groupe (légendaire, certes), et oublie les Étienne De Crecy, Cassius ou autres Justice, qui ont tous eu leurs heures de gloire et auraient mérité une citation.

Quant à l’histoire de Paul, le personnage principal, elle échoue à passionner. Ses histoires d’amours, multiples, sont peu intéressante car jamais réellement développées, et s’entremêlent sans trop de logique. Ses relations avec sa mère sont très banales, et ne semblent pas évoluer tant que ça entre ses 18 et ses 35 ans… Même son addiction à la cocaïne et ses soucis d’argent sont évoqués de manière superficielle, de telle sorte qu’ils ne créent aucune inquiétude chez le spectateur. Et certains moments potentiellement marquants, comme la fin du groupe de Paul après 15 ans d’existence, ne sont même pas abordés. Les personnages principaux ne semblent jamais toucher les étoiles, et à l’inverse ne descendent jamais réellement aux enfers, malgré une chute lente mais constante jusqu’à la fin du film. Le message n’en reste pas moins particulièrement pessimiste, sans trop de justification, et ne mène pas à grand chose. Passé le début des années 90, le parcours de Paul est en fait l’exact opposé de celui du courant musical auquel il appartient.

Eden Paul

Le jeu des acteurs n’est pas très uniforme. Si Félix de Givry (le premier rôle) ou Roman Kolinka (son meilleurs ami) sont convaincants, certains passent plus difficilement (notamment Greta Gerwig, pourtant très douée par ailleurs).

Néanmoins tout n’est pas à jeter dans Eden. La bande-son, bien que trop restrictive, est très agréable et généralement bien utilisée pour illustrer l’état d’esprit de Paul à différent moments de sa vie. Certains moments offrent aussi une plongée particulièrement intéressante dans le monde des raves et de la musique électronique des années 90. Monde à l’image sulfureuse, assez mystérieux pour les personnes n’en ayant pas fait parti, et pour la génération suivante n’ayant pas connu cette époque.

Finalement, le plus gros défaut d’ Eden est qu’il n’a pas su exploiter le potentiel énorme dont-il disposait, et qui aurait pu transformer ce film en un parcours initiatique passionnant rythmé par les sons inimitables des différentes vagues de la French Touch. Retrouvez ce film en cliquant ici.

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