“The Fabelmans” est le nouveau film de Steven Spielberg. Ayant abandonné la réalisation du prochain Indiana Jones pour pouvoir tourner celui-ci, Spielberg confirme que son objectif n’est plus de casser le box-office mais de travailler sur des projets qui lui tiennent vraiment à cœur.
Attention, cette critique contient des spoilers!
Synopsis
Mettant en scène sa famille sous le nom des “Fabelman”, le film nous replonge dans l’enfance et l’adolescence du réalisateur, et sa passion grandissante pour le cinéma. On suit l’évolution de cette famille aussi décalée qu’attachante et tout ça du regard du jeune Sammy, toujours une caméra à la main.
Semi-autobiographie
C’est de loin son œuvre la plus personnelle. Et c’est encore à un nouveau genre que Spielberg s’attaque ici: l’autobiographie. Bien qu’il ait déjà traité à de nombreuses reprises du thème de la famille dans sa carrière, “The Fabelmans”, est le premier dans lequel il se livre personnellement. En effet, il ne faut pas beaucoup en savoir sur le parcours de Spielberg pour se rendre compte que ce film retrace sa vie.
Sammy est le premier enfant d’une fratrie de 4, il subit les conflits entre ses parents, il pratique la religion juive, on suit ses débuts avec une caméra…tout ce que Spielberg a réellement vécu. Et ça se ressent à l’écran: les scènes de vie de la famille font complètement authentiques, comme les moments plus durs, qui sont tout aussi crédibles.
Mais ce qui ressort comme le plus réaliste, c’est lorsque Sammy découvre le cinéma pour la première fois. Il se rend accompagné de ses parents à la projection du film “Sous le plus grand chapiteau du monde”. Il en ressort fasciné mais traumatisé par la scène d’un train qui percute une voiture avant de dérailler. Et plus que de savoir que c’est également le premier film vu par Spielberg gamin, la mise en scène de l’obsession de Sammy pour le train (Samuel est d’ailleurs son vrai nom hébraïque) est captivante. Le petit garçon essaye de reproduire la scène qui l’obsède à l’aide d’un circuit de trains reçu pendant les fêtes. Et cette représentation de jouets qui se crashent l’un contre l’autre est montrée de façon aussi épique que la scène du cinéma.
Spielberg montre d’une précision impressionnante la vision imaginative de l’enfant qu’il était. Cet enfant qui a plein de rêves par la tête, et qui ici, projette la suite du film. C’est cette implication personnelle de l’un des meilleurs réalisateurs de tous les temps, qui conte son histoire qui arrive à capter le spectateur. On sent que Spielberg a mis tous ses souvenirs dans son film, comme pour figer son histoire dans le temps, pour être sûr qu’on ne l’oublie pas. Il semble redonner vie à sa famille, qui comme dans le film a fini par se briser (ses parents ont divorcé l’année de ses vingt ans). Cela reste malgré tout un récit semi-autobiographique, ce qui laisse la place à Spielberg de raconter l’histoire à sa manière.
Les personnages
La mère de Sammy est un spectacle à part entière. Incarnée par Michelle Williams, Mitzi est une pianiste de concert, complètement dévouée et toujours dans l’excès. Seule artiste de la maison, c’est elle qui va encourager Sammy à poursuivre son rêve de réaliser des films. Mais c’est aussi elle qui va mettre en péril sa famille suite à une infidélité, qui bouleversera tout le monde autour. Mitzi Fabelman semble incarner elle-même un personnage. C’est comme si elle se trouvait en permanence sur la scène d’un théâtre, en face d’un public. Ses réactions excessives sont parfois difficiles à comprendre et en deviennent énervantes. Michelle Williams en fait un poil trop et au lieu d’éprouver de l’affection pour ce personnage haut en couleur, elle nous le rend plutôt agaçant.
En revanche, d’autres prestations sont à souligner. Gabriel LaBelle est convaincant dans le rôle de Sammy et on s’attache rapidement à son personnage. On a envie de le voir réussir son rêve. Les personnages secondaires sont eux aussi plutôt bons. Ils contribuent à forger le caractère et la destinée de Sammy. Pour ceux qui semblent les plus clichés, Spielberg arrive à les nuancer et à nous les rendre presque touchants. Ils ajoutent également une dimension ironique (on pense notamment à la petite amie de Sammy, fan de Jésus). A plusieurs reprises, les répliques ont déclenché le rire des spectateurs dans le cinéma. Cette touche d’humour permet au film de garder un ton optimiste contrastant avec des scènes plus dures.
Le caméo de David Lynch et l’une de ses répliques, conclue d’ailleurs le film sur un plan qui fait esquisser un dernier sourire au spectateur.
Le cinéma
Mais le maître mot de ce film reste le cinéma! Plus que de nous conter la découverte de sa passion pour le cinéma, Spielberg nous la raconte à travers la caméra de son personnage. On pourrait presque parler de mise en abyme. Des moments importants du film sont montrés à travers l’objectif de Sammy. C’est de son point de vue qu’on découvre les éléments (comme l’infidélité de sa mère). On nous montre également la réalisation de ses tout premiers films et le côté très artisanal est plaisant à voir: il met en scène sa famille, fabrique des costumes bas de gamme, fait les effets spéciaux manuellement…
Toutes ces “coulisses” sont divertissantes, on sent la sincérité de Sammy et on a envie d’en apprendre plus sur la réalisation de films. Cependant, cet aspect cinématographique peut aussi en rebuter certains. Ce n’est clairement pas un film grand public mais ça n’a pas la prétention de l’être. Spielberg a juste cherché à se faire plaisir et c’est tout ce qu’il faut retenir. En revanche, il plaira sans aucun doute aux amoureux du cinéma et à ceux qui apprécient les films intimistes. On retrouve également les grands thèmes fétiches du réalisateur dans cette oeuvre.
Et puis, n’oublions pas que “The Fabelmans” vient de remporter deux prix aux Golden Globes: celui du meilleur film dramatique et celui du meilleur réalisateur!
Conclusion
“The Fabelmans” est un beau film, que l’on peut voir comme un biopic racontant les débuts de Spielberg ou bien simplement comme l’évolution d’une famille et de son fils fan de cinéma. Très intimiste, c’est sûr qu’il ne plaira pas à tout le monde mais c’est un film touchant et Spielberg arrive une nouvelle fois à nous plonger dans ses histoires et à nous faire vivre sa passion pour le cinéma.