Critique Tempête de Sable de Elite Zexer

C’est à la suite d’un voyage entrepris avec sa mère, il y a 10 ans, que la réalisatrice Elite Zexer a eu l’idée de faire le film. Le film est le fruit de longues discussions entre certaines femmes du village bédouin et la réalisatrice. C’est même une rencontre en particulier qui a façonné la décision de E. Zexer: celle d’une jeune femme qui épousait un parfait inconnu pour satisfaire sa famille, alors que celle-ci en aimait réellement un autre en secret…

Synopsis

Désert de Néguev, Israël. Dans un village bédouin situé à la frontière de la Jordanie, des festivités sont à l’ordre du jour. Suleiman, déjà marié à Jalila, épouse sa deuxième femme.

Bien que coutume courante, Jalila n’en est pas moins humiliée et découvre, par la même occasion, que leur fille aînée, Layla, entretient une relation secrète avec un jeune de l’université où elle étudie. Celui-ci n’est pas du même village que Jalila, ce qui est un problème.

Layla est donc déchirée entre cet amour interdit et les traditions qui englobent sa famille et son village.

 

Critique

La particularité de Tempête de sable est qu’il s’agit, non pas d’un film aux cultures israéliennes ou arables, mais bédouines. La configuration du film est assez précise puisqu’elle introduit une réalisatrice israélienne, des acteurs parlant arabes et une culture bédouine à retranscrire. Elite Zexer précise qu’elle a eu recours à une recherche pointue et fastidieuse de ses acteurs car, en plus de correspondre parfaitement aux personnages qu’elle souhaitait adapter, il fallait également qu’ils s’adaptent tous à la langue bédouine, proche de celle de l’arabe.

Tempête de sable: un titre révélateur

Tempête de sable est un titre qui révèle déjà beaucoup la tonalité du film à lui tout seul. La tribu bédouine que Zexer aborde vit, en effet, en plein cœur du désert, dans des maisons qui n’ont pas de fondations en dur, ni d’accès facile à l’eau et à l’électricité. Les fondations matérielles sont donc fragiles, seulement ce n’est pas uniquement le matériel qui est dénoncé ici.

Les fondations familiales et culturelles sont également ciblées par cette « tempête » prête à surgir à tout moment. Dans le film, donc, la métaphore de la tempête est matérialisée par les figures de Jalila, la mère et Layla, la fille (bien que plus marquée dans le cas de Layla).

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La Femme incarne cette tempête qui vient, ici, détruire des traditions et des entités culturelles inculquées depuis des siècles. Comment se manifestent ces tempêtes ? Par une lente rébellion et un détachement involontaire du cocon familial dans le cas de Layla.

Le terme involontaire s’impose particulièrement car Layla ne souhaite pas réellement rentrer en conflit avec sa famille. Elle ne remet pas en question – comme cela aurait pu être le cas finalement – tout le traditionalisme de la culture bédouine. Tout ce qu’elle désire reste situé sur une échelle assez indépendantiste: elle désire pouvoir choisir l’homme qu’elle aime, et donc sa propre liberté. Elle n’a pas vraiment cette conscience dans le film de la réclamer au nom de toutes les femmes. Bien que, nous le verrons par la suite, elle se sacrifie pour sa famille.

Une image ambiguë des hommes

Généralement, lorsqu’un film porte sur un sujet qui tend vers le féminisme, comme celui-ci, l’image des hommes est assez souvent négative. Ce qui permet d’accentuer le combat que mène la Femme. Or, dans Tempête de sable, il faut reconnaître que Elite Zexer nous offre un portrait plus biaisé de ceux-ci.

Le père de Layla, et mari de Jalila, Suleiman, n’est pas foncièrement une mauvaise personne, ni même un traditionaliste ardu. Au contraire, il laisse sa fille conduire, et sa femme fumer. Choses normalement inconcevables dans ce type d’environnement où toutes les lois sont régies par des règles strictes. Il n’est pas particulièrement autoritaire, et pourtant obéit avec ferveur aux coutumes de son clan. La justesse du film réside dans le fait que les femmes et les hommes sont tous les deux victimes de leurs propres règles finalement. Il y a beaucoup de règles qui dépassent la compréhension des habitants mais auxquelles chacun doit se plier sans poser de questions. « C’est comme ça, cela a toujours été comme ça, c’est tout. »

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Aussi, le grand débat du film, c’est que c’est à la famille, et plus particulièrement à l’Homme de la famille, de choisir les futures époux des femmes. L’homme a également le droit de prendre plusieurs épouses, tandis qu’il n’en est pas question pour la femme.

Le film nous montre avec justesse que tout le monde est victime de ces lois: hommes et femmes. C’est en cela que les portraits des personnages sont peints avec une certaine justesse. Cela serait trop facile de toujours mettre tous les fléaux sur le dos des hommes (bien que cela soit parfois le cas) alors qu’eux-mêmes ne sont pas totalement libres de leurs faits et gestes. Nous sentons bien que Suleiman est obsédé par une certaine image publique qu’il se doit, à tout prix, d’aiguiser.

Ce n’est pas anodin si la pire insulte qui ait eu lieu dans le film fut lorsque Jalila, sa première femme, lui a annoncé qu’il « n’était pas un vrai homme ». A la suite de cela, il décide de la répudier. C’est peut être la plus grande honte qu’une femme peut subir dans ce type de village et elle ne dispose plus des avantages financiers qu’un homme est disposé à lui offrir durant leur contrat de mariage.

Un film aux allures universelles

Bien que la culture bédouine puisse nous sembler trop lointaine, ou trop reculée pour que nous la comprenions, je trouve que Elite Zexer a fait un beau travail d’adaptation  et de retranscription sur ce film. Elle n’a pas injustement dressé des portraits manichéens de la femme qui se fait battre par l’homme qui dispose de tous droits sur elle. En soi, et d’après ses recherches et moments passés dans une tribu bédouine, elle a véritablement assisté à des comportements dégradants sur la femme.

Mais elle n’a pas choisi d’orienter son film dans cette direction, déjà largement consommée par le cinéma.533793-jpg-c_300_300_x-f_jpg-q_x-xxyxxElle nous invite à rentrer dans l’intimité de personnages complexes et abordables car ils ont tous des désirs évidents de liberté auxquels ils ne peuvent obéir. Layla qui avait l’occasion de s’enfuir avec son « amant » à plusieurs reprises dans le film, ne le fait pas. Elle se sacrifie et négocie le retour de sa mère au foyer conjugal en échange de son acceptation avec son futur époux, choisi par son père. Autant de problématiques complexes régissent le film et en font un film juste.

 

Les problématiques que les personnages rencontrent sont compliquées car il y aura toujours un effet de groupe qui s’immiscera aux envies des personnages : Layla, pour protéger l’honneur de sa mère et qu’elle puisse rester avec ses filles, abandonne son idée d’être avec l’homme qu’elle aime ; Jalila renonce à dénoncer sa fille pour qu’elle puisse vivre sa vie comme elle l’entend ; Suleiman se force à choisir un mari que sa fille n’aime pas pour prouver à tout le village que sa famille est dans l’honneur et le respect des traditions.

 

Elite Zexer dénonce ainsi un système complexe régi par l’homme et pour l’homme, bien que celui-ci ne comprenne pas toujours pourquoi il y obéit.

Voici la bande annonce du film qui sort en salles le 25 janvier 2017:

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