Si l’on connait bien le James Franco acteur, on connait moins le réalisateur, faute d’une grande distribution en France de ses films. On profitera donc du festival du film américain de Deauville 2016 pour découvrir sa dernière réalisation, In Dubious Battle, basée sur le roman éponyme de John Steinbeck.
Synopsis
En Californie, dans la vallée de Salinas plantée de vergers, neuf cents ouvriers migrants se soulèvent « en un combat douteux » contre les propriétaires terriens. Tirant sa force de chacun des individus qui le composent, le groupe a pour meneur un certain Jim Nolan dont l’idéalisme tragique conduit les grévistes à avoir désormais le courage de « ne plus jamais se soumettre, de ne plus jamais céder ».
Critique
In Dubious Battle a été écrit en 1936 par Steinbeck, alors en témoignage des rudes batailles sociales qui ont ébranlé le monde à cette période (l’année du Front Populaire de Léon Blum en France). Par ses oeuvres, Steinbeck a été le porte parole du monde ouvrier américain, dans sa bataille pour la reconnaissance, et un partage plus juste des richesses.
Si son roman se voit adapté encore 80 ans plus tard, c’est tout sauf un hasard. Si la classe ouvrière en tant que telle n’existe presque plus dans le monde occidental, les inégalités croissantes révélées depuis la crise financière de 2008 se cristallisent comme toujours sur le grand écran. Finalement, quand James Franco adapte Steinbeck, il pense certainement à ces “99%” qui défilent devant Wall Street. Si la guerre n’est certainement pas aussi violente, elle n’en est pas moins vraie.
Fidèle à l’oeuvre de Steinbeck, Franco réalise donc ici une adaptation réussie, appuyé sur un casting de luxe. Lui-même évidemment en rôle principal, épaulé notamment par un Vincent D’Onofrio (le Caïd de Daredevil) toujours au top, ainsi qu’un Nat Wolff convainquant, plus proche d’un Dustin Hoffman dans le Lauréat que ses précédents rôles dans les films pour ado (la Face cachée de Margo, Nos étoiles contraires…). Niveau seconds rôles, que demander de plus qu’un Ed Harris, Robert Duvall et Bryan Cranston ? S’appeler James Franco permet de s’offrir un casting 5 étoiles, et donc d’éviter de trop tomber dans la caricature, le risque dans ce type de films.
La réalisation est propre, académique, manquant peut-être de folie (d’aucun diraient de génie). Elle réussit néanmoins à transmettre la puissance de l’oeuvre, sa portée dramatique, et surtout son message quant à cette “lutte des classes”, nous rappelant que cette dernière n’est jamais vaine, ni finie. C’est là certainement le meilleur coup de Franco, nous parler des fondations de notre époque moderne tout en faisant résonner les luttes actuelles.
En conclusion, tout comme le roman de Steinbeck était un pamphlet pour la défense de la condition ouvrière, son adaptation par James Franco réussi à reprendre cette matière pour la faire résonner à notre époque. La visée politique est moins directe, moins assumée que l’oeuvre de Michael Moore (et notamment son Where to Invade Next. – lire la critique ici), mais elle est tout de même présente et puissante. Et en cela, on peut dire que ce festival – et le cinéma en général – a toujours été influencé par la politique et le monde environnant !