Critique de Félix et Meira de Maxime Giroux

ROMEO et JULIETTE à Montréal

Troisième long métrage du réalisateur canadien Maxime Giroux, Félix et Meira nous entraîne dans une histoire d’amour pas simple, s’apparentant à un documentaire romancé…

Synopsis

Tout oppose Félix et Meira.
Lui mène une vie sans responsabilité ni attache. Son seul souci, dilapider l’héritage familial.
Elle est une jeune femme juive hassidique, mariée et mère d’un enfant, s’ennuyant dans sa communauté.
Rien ne les destinait à se rencontrer, encore moins à tomber amoureux.

Critique

Cette histoire commence par un enfant qui pose un jour son œil sur le judas, afin de voir au travers de la porte close lui faisant face et dont l’accès semble interdit. Maxime Giroux est l’enfant dont il s’agit ici. Le cinéaste est intrigué et veut entrevoir, comprendre, dialoguer avec une communauté aussi bien secrète que fourmillante, celle des juifs hassidiques de Montréal. Au début du XXe siècle la ville fut d’ailleurs surnommée « la petite Jérusalem ». En s’installant près du quartier juif hassidique, le réalisateur est très vite fasciné par la culture, la confidentialité de cette communauté dont le film se fait le témoin. Le spectateur se sent ainsi privilégié de pouvoir pénétrer cet univers religieux si cloisonné et bien curieux… Cette peinture sociale permet au spectateur de réfléchir à la place encore très importante de la religion au XXIe siècle qu’à celle que tient la femme dans cette communauté juive hassidique. Car, comme c’est souvent le cas au sein des groupes religieux, la femme n’est pas vraiment l’égal de l’homme qui lui fait subir bon nombre de restrictions et d’interdits, observant ainsi une régression invraisemblable de la femme dans la société contemporaine.

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Meira vit dans un isolement extrême où télévision, internet, journaux et livres extérieurs lui sont interdits. Par exemple, elle ne peut pas porter de jeans, ni écouter de musique américaine ou occidentale, car selon son mari ce n’est bon ni pour elle, ni pour sa fille. Elle se coiffe d’une perruque identique à toutes celles que portent les femmes mariées de sa communauté. Elle n’a pas le droit de regarder un homme dans les yeux, et encore moins de lui parler. Tout contact avec une personne extérieure à la communauté juive lui est interdit. Du coup, cette histoire a comme un air de Martine, transposé dans un huis clos sympathique rempli d’histoires journalières passionnantes et structurées ! Meira à la cuisine, Meira aux toilettes, Meira dans la chambre, Meira chez le traiteur juif, Meira qui se fait gronder par son mari… Mais, curieusement, Meira la petite femme au foyer ne veut plus vraiment subir toutes ces restrictions, surtout parce qu’elle s’emmerde ! On découvre que – horreur – elle ne veut pas de second enfant et prend donc une pilule contraceptive dissimulée dans une boite de serviettes hygiéniques (c’est sympa de lui autoriser ça au moins). Soumise même dans son désir d’évasion, de liberté, Meira agit uniquement par instinct, par nécessité, sans réflexion. Elle est curieuse, veut savourer la vie, découvrir d’autres choses, d’autres cultures, d’autres hommes.

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Pauvre petit animal sans défense, Meira se laisse guider par ses émotions et tombe alors sous le charme de Félix, un trentenaire solitaire dont le père vient de mourir et qui se retrouve avec un max de pognon dont il ne sait que faire. Au premier abord, tout semble séparer Félix et Meira, mais leur curiosité mutuelle et leur ennui respectif va très vite les réunir comme par enchantement. Pourquoi passer par des détours ? Pourquoi faire d’une réalité sociale dérangeante une peinture explicative sur fonds d’histoire d’amour, alors que certaines personnes n’ont pas la parole et s’en serviraient peut-être autrement si tel était le cas ? D’une certaine manière, Maxime Giroux se fait le représentant d’une poignée de personnes ayant quitté la communauté et qu’il a pu rencontrer durant la préparation du tournage. Mais ce porte-parole semble un peu branlant, fuyant.
Le film suit un autre chemin que d’autres films traitant de sectes ou de différentes communautés cloisonnées. Même si l’on retrouve le leitmotiv du personnage principal désirant s’échapper de la communauté pour différentes raisons (Martha Marcy May Marlene, Kynodontas), ces films choisissent certes le même sujet tape à l’œil, permettant au spectateur de renouer avec son voyeurisme primaire, mais le réalisateur de Kynodontas le fait avec franchise et avec un engagement politique tout en embrassant la perversité du sujet, quand Felix et Meira paraît un peu propret et ne donne pas d’avis tranché. Une peinture classique et romantique.

Avec ce film, Giroux satisfait le spectateur en lui dévoilant la face cachée d’une communauté fermée et même sectaire, mais le hic est qu’il le fasse en en proposant une reconstitution un peu tape à l’œil, parfaitement au service de son opinion sur la question. En conclusion, je dirais que c’est sympa de la part de Giroux de bien vouloir nous faire partager sa fascination pour une culture quasi moyenâgeuse, mais on aurait bien troqué l’histoire d’amour cul-de-sac à la Roméo et Juliette contre un film plus direct au franc-parler et au parti-pris assumé. Parce que le piège à souris qui revient trois/quatre fois, c’est cool comme métaphore, mais il y a d’autres moyens cinématographiques pour symboliser la fatalité de la situation d’un personnage. Évidemment, on comprend ainsi que c’est en réalité le piège de la religion qui va se refermer sur Meira, mais quand on voit par exemple ce qu’a fait Lars Von Trier sur la même thématique dans Breaking The Waves… Et bien, c’est certes plus agressif dans l’expression des opinions, mais ça reste plus subtil et ça a quand même plus de gueule…

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