Le Secret de la chambre noire (2016)
« Un photographe de banlieue contraint sa fille à d’interminables séances de pose au cours desquelles il fixe son image sur des plaques d’argent, utilisant le procédé daguerréotype. Un promoteur immobilier cherche, avec la complicité de l’assistant, à exproprier le photographe ».
Premier film français de Kiyoshi Kurosawa, La Femme de la plaque argentique (premier titre non retenu) n’a pas obtenu un grand succès critique. Le scénario parait hésiter entre plusieurs intrigues et la cohérence de l’ensemble n’a pas été perçu. Pourtant, elle est indéniable.
Le père, photographe professionnel, est beaucoup plus exigeant avec sa fille (Constance Rousseau) qu’avec ses modèles de mode (qu’on croise à l’extérieur). Sa femme s’est suicidée par pendaison, pour des raisons inconnues, après un séjour à l’hôpital. Par l’enregistrement continu d’une « image latente » de sa fille, il cherche à capter son âme pour faire renaître sa femme. C’est une lutte contre la mort aux dépens de la santé et même de la vie de sa fille. Celle-ci tombe dans un état comateux après 120 minutes de pause et, libérée de ses attaches, s’écroule pour aussitôt revenir à elle. Le père avoue plus tard lui faire absorber une drogue afin de favoriser la catalepsie.
Lorsqu’elle chute du haut de l’escalier, sans raison (on croit à un nouvel évanouissement ), le père devine immédiatement qu’il est trop tard pour la sauver, alors que l’assistant la mène à l’hôpital. Mais, en cours de route, la voiture dérape et se retrouve près d’un canal (comme un étang dans un film de fantôme japonais). La jeune femme a disparu de la voiture et l’assistant la retrouve debout, sans trace de sang, au bord de l’eau. Dès lors, ils s’installent en couple dans l’appartement du garçon en attendant de partir pour Toulouse (où la fille a trouvé du travail dans un jardin botanique). Ils font croire au père que sa fille est morte. Mais l’assistant a une impression d’irréalité en compagnie de Marie, bien qu’ils aient des rapports sexuels. Entrés tous deux dans une église de campagne pour simuler un mariage, le garçon se retrouve seul. Dans la voiture, il parle à sa compagne invisible à ses côtés (« ce fut un beau voyage »).
Le fantôme de la mère, rappelée par les séances, revient étrangler son mari et il est possible ensuite qu’il soit déjà mort ou mort en sursis lorsqu’il se tire une balle dans la tête. Le promoteur immobilier accuse l’assistant d’être l’assassin car il le surprend l’arme à la main (on ne l’a pas vu la prendre) à côté du corps. L’assistant rejette la faute sur le promoteur avant de le tuer. Vengeance (?).
Dans les récits de l’artiste japonais, la différence n’est pas grande entre la vie et la mort :
– La mère invoquée revient à la vie pour se venger. Chez Kurosawa, les fantômes existent vraiment (comme le dit celui de la Chambre interdite dans Kaïro).
– Le père est mort… peut-être étranglé ou, plus tard, par suicide (comme sa femme).
– La fille est déjà morte alors que son amant la croit vivante.
A chaque fois, l’instant de la mort, du grand passage, est incertain : Pour la fille, est-ce l’évanouissement ou l’accident ? Pour le père, est-ce l’assaut du fantôme ou le suicide par balle ? Cette incertitude suggère que la mort n’est pas un passage à la limite mais un déplacement insensible et progressif qui autorise un état intermédiaire ou indéterminé qu’enregistre obstinément la pellicule.
Tous les hommes sont responsables, d’une façon ou d’une autre, du drame qui entoure cette famille. Le père est désigné comme responsable de ce qui est arrive à sa femme. Il abuse de sa fille en immobilisant son corps et sa tête dans un mécanisme de maintien qui ressemble à un instrument de torture. Ce dispositif a réellement existé à la fin des années 1840 mais il était moins contraignant physiquement. L’assistant amoureux et le promoteur qui convoite la maison sont coresponsables de ce qui arrive à la famille par le complot qui les associe pour forcer la vente. Ils devront payer de leur vie.
Dans l’atelier, la taille démesurée de l’appareil qui a les dimensions d’une petite chambre à coucher l’image grandeur nature d’un être humain sur une plaque, le temps d’exposition excessivement long alors qu’il était jadis d’environ 30 minutes pour un portrait, parfois beaucoup moins, plongent les personnages dans un rituel au caractère magique qui brouille la frontière entre le mouvement et l’inerte. L’immobilité totale, celle du mort, est la condition d’émergence d’une image vivante, littéralement unique puisque non reproductible sans négatif et indestructible si conservée dans de bonnes conditions. La réaction chimique en temps réel, laissant apparaître le portrait en pied d’une belle jeune femme dans ces teintes et ce relief propres au daguerréotype, était destinée, pour la démonstration, à déboucher sur une projection en 35mm, format dans lequel le film a été tourné.
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https://oblikon.net/critiques/etrangefestival2017-garcons-sauvages-de-bertrand-mandico/
Critique beaucoup plus constructive et inspirée d’Antoine Godbillon. Ici la pseudo analyse argentique sert de prétexte pour produire une papier incompréhensible et bêtement agacé.
Bon article mais trop indulgent avec Mandico, esthète qui joue au grand artiste. Attendons la sortie pour voir les réactions
Rémi Lafeuille a raison : un film tourné sur pellicule devrait être projeté au moins dans UNE salle équipée. Il y a une tyrannie du tout numérique. Quant au cinéma de Mandico, c’est surtout de la poudre aux yeux pour les snobs parisiens et les festivaliers. Mais je parle des courts car je n’ai pas vu le long. Lafeuille m’en donne envie. Merci pour cette belle analyse.
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