The Love Witch (2016)
« Elaine est jeune, attirante, amoureuse déterminée, narcissique et sorcière. Elle a sa vision de l’amour et ses compétences en maniement de magie blanche et noire ».
Anna Biller se défend d’avoir cherché à reconstituer fidèlement le style et l’ambiance du cinéma hollywoodien des années 60 à 70. Les accessoires et les costumes seraient des recréations faisant partie de son projet global. A la fois productrice, scénariste, metteur en scène, mais aussi costumière et décoratrice, elle a encore écrit les chansons du film. Et, en effet, si The Love Witch est référentiel, il l’est trop ou pas assez, ce qui ne cadre pas avec un film simplement rétro. La scène d’ouverture où Elaine (Samantha Robinson) conduit sa belle voiture rutilante, renvoie à Hitchcock. Encore Hitchcock quand Elaine se fait contrôler par le policier Griff. A l’exception de ces deux scènes décalquées, difficile d’identifier des emprunts précis. Plusieurs raisons à cela :
– L’aspect wicca et secte californienne hante le cinéma de genre des années 70. On ne compte plus, pour cette période, les films fantastiques ou de sexploitation, décrivant les méfaits d’un gourou, d’un convent ou d’une assemblée de sorcières dépoitraillées. Ces histoires, violentes et érotiques, constituent un véritable sous-genre à l’intérieur de la catégorie « horror ». La préparation des filtres (y compris pour créer des effets optiques) et les cérémonies se retrouvent dans des dizaines de productions modestes.
– L’usage d’une caméra 35mm a-t-il permis vraiment l’utilisation exceptionnelle du procédé technicolor ou seul le choix du laboratoire a-t-il été déterminant ? Anna Biller a eu de la difficulté à trouver les techniciens compétents. Quoiqu’il en soit, le technicolor cesse d’être un procédé à la mode dès le milieu des années 50. Donc, les choix chromatiques de la réalisatrice nous déplacent des années 60-70 vers un âge d’or plus ancien, celui du Woman’s film glamour.
– Surtout deux séquences brouillent le contexte temporel :
- Le salon de thé victorien. C’est l’endroit improbable où se retrouvent Elaine et son agent immobilier Trish. Le décor est victorien, ce qui est normal pour une clientèle huppée. Mais les femmes portent toutes des robes d’époque comme si elles sortaient d’un magasin d’accessoire ou du XIXe siècle. Puisque c’est impossible, il s’agit clairement d’une séquence non réaliste. De plus, c’est dans ce salon de thé que Trish utilise un téléphone portable.
- La troupe de théâtre. Nous sommes en Californie et croisons sur les dunes une troupe en costumes répétant une pièce médiévale. Leur comportement n’est pas celui d’artistes modernes déguisés mais d’authentiques bateleurs et récitants du Moyen-Age européen. Une brèche spatio-temporelle s’est ouverte. S’ y déroule le « mariage » de Elaine et Griff.
Ainsi, il ne s’agit pas vraiment d’un hommage au cinéma d’exploitation. Non plus d’une parodie ou d’un pastiche. Le jeu affecté des acteurs, le ton légèrement moqueur (en plus d’être sincère) de Elaine peuvent nous faire croire au « second degré » mais le soin extrême apporté à l’image et le sous-texte féministe portent l’ensemble au-delà de ses apparences légères et chatoyantes.
Elaine peut capturer Wayne d’un simple regard, dans un square, alors qu’il est en compagnie d’une autre femme. L’homme abandonne aussitôt son amie et aborde l’inconnue qu’il emmène en voiture quelques instants plus tard. La victime masculine de la sorcière est droguée et réduite à l’état de loque humaine avant de mourir d’une crise cardiaque et d’être enterrée selon un rite néo-païen. Richard, mari fidèle de Trish, se suicide. Et Griff sera tué pour avoir voulu résister au charme trop puissant de la sorcière d’amour.
Elaine repousse le sorcier à la main baladeuse et prétend rechercher l’amour sans toujours connaître le bon dosage des potions ou l’efficacité des sorts. Son « charme » agit au-delà des limites admises par la société mais ne provoque pas directement la mort de Wayne et Richard. Ceux-ci ne peuvent pas dominer leur passion et sombrent dans une dépendance fatale. Admettons qu’ils ne soient pas à la hauteur ; la sorcière représente alors un simple pouvoir de séduction que la misogynie dominante cherche à exorciser par la diabolisation de la mauvaise femme. Après tout, Trish aussi se verrait bien sorcière en portant la perruque. Pourtant, quand Griff arrache Elaine à la foule qui veut la lyncher (« Burn, Witch, Burn »), il est poignardé à mort car il résiste encore. Le geste criminel est celui d’un sacrifice sanglant, anticipé par le tableau.
La riche palette des couleurs, les toiles, la dominante rouge, l’étoffe des costumes et l’abondance des objets qui s’accumulent comme dans une maison de poupées accusent la « matérialité » de la pellicule, l’épaisseur du support. The Love Witch sera peut-être le dernier film américain tourné dans ce format et avec ce procédé.
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https://oblikon.net/critiques/etrangefestival2017-garcons-sauvages-de-bertrand-mandico/
Critique beaucoup plus constructive et inspirée d’Antoine Godbillon. Ici la pseudo analyse argentique sert de prétexte pour produire une papier incompréhensible et bêtement agacé.
Bon article mais trop indulgent avec Mandico, esthète qui joue au grand artiste. Attendons la sortie pour voir les réactions
Rémi Lafeuille a raison : un film tourné sur pellicule devrait être projeté au moins dans UNE salle équipée. Il y a une tyrannie du tout numérique. Quant au cinéma de Mandico, c’est surtout de la poudre aux yeux pour les snobs parisiens et les festivaliers. Mais je parle des courts car je n’ai pas vu le long. Lafeuille m’en donne envie. Merci pour cette belle analyse.
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