Critique de Black

Souvent comparé à un ‘Roméo et Juliette’ moderne et violent, Black nous raconte une histoire d’amour impossible entre deux jeunes de banlieue, issus de cultures mais surtout de gangs différents.

Synopsis

Dans les quartiers chauds, en plein cœur de la banlieue bruxelloise, deux adolescents tombent éperdument amoureux. Seulement, ils appartiennent tous les deux à des gangs de rue qui se mènent une guerre sans merci. Mavela est noire, et est issue des ‘Black Bronx’ tandis que Marwan, d’origine maghrébine, fait partie du clan des ‘1080’

 

Critique

black-adil-el-arbi-bilall-fallah-3“Arabes” contre “noirs” se mènent une guerre folle, au point que l’on ne sache plus qui a commencé en premier. Les représailles et les envies de vengeance s’enchaînent et nous sommes dans l’incapacité de prendre un parti tant la guerre, et l’humain à l’intérieur du gang, est complexe.

Le film s’intitule pourtant “Black”, ce qui laisse entendre que les réalisateurs se sont principalement focalisés sur les Black Bronx.
Et effectivement, c’est ce qu’ils ont fait. Nous suivons davantage l’histoire du point de vue de Mavela que de celui de Marwan. Cela rend, en un sens, le parcours du gang plus dramatique de le suivre du point de vue d’une femme de gang.

Car les atrocités infligées par les membres des Black Bronx ne concernent pas uniquement l’ennemi extérieur, mais surtout « l’ami» interne au gang qui peut être le frère ou la sœur,. Or, c’est la femme, considérée comme moins fiable car plus sentimentale, plus émotive, au sein du gang, qui est jugée et évaluée à longueur de temps.
L’adhésion à un gang quel qu’il soit, ne privilégie pas nécessairement le statut de la femme au sein de celui-ci. Car, pour prouver sa bonne volonté et sa fidélité, elle doit être prêtre à tout sacrifier, y compris son corps, ses sentiments, sa vie entière.
Et, au même titre qu’un gang pourrait absolument se passer de la présence d’une femme, on nous montre bien que celle-ci est indispensable. Car, elle contribue à l’image du groupe, et c’est probablement le plus important. Ce qui compte, ce ne sont pas tant les actions les plus malsaines que le gang est capable d’infliger, mais c’est sa portée et sa réputation au sein des autres gangs.

Bien que cela soient les deux amants qui souffrent, c’est bien la souffrance de Mavela qui est appuyée dans le film, et moins celle de Marwan.2
Appartenir à un gang signifie adhérer voire même obéir à une nouvelle famille. Ce qui sous-entend clairement le renoncement à son ancienne vie, et donc à son ancienne famille.

En parallèle, les réalisateurs mêlent à la gravité de l’histoire racontée une réalisation et un jeu d’images brillants. Le montage est admirablement maîtrisé ainsi que la BO, et Adil El Arbi ainsi que Billal Fallah ont su instaurer une ambiance continuellement inquiétante, voire même dangereuse tout au long du film. Les musiques sélectionnées participent activement à cette atmosphère de suspens constant et nous rappellent effectivement que ce “Roméo et Juliette” est avant tout une histoire de banlieue.

Ce qui semble dommage, c’est que, dans la plupart des histoires de gangs, ce sont généralement les liens d’amitié forts entre les membres qui sont mis en valeur et qui nous permettent donc de comprendre les actes de chacun. Les liens, qu’ils soient parentaux, amicaux, ou encore amoureux, permettent, en général, de ressentir de l’empathie pour des individus dont nous ne comprenons jamais d’emblée les raisons de leur adhésion à une telle violence.
Ce n’est malheureusement pas le cas dans ce film, et cela nous donne donc une impression de violence littéralement « gratuite » tout au long du film.

Il est cependant intéressant de découvrir un film qui parle de Bruxelles et de sa banlieue, sujet qui n’est pas souvent traité, et sûrement pas de manière aussi maîtrisée. Les réalisateurs ne nous épargnent rien à l’image, malgré le fait que les rôles soient principalement distribués à de jeunes acteurs, complètement inconnus soit dit en passant. Les acteurs parlent plusieurs langues, en passant du wallon, au français, à l’arabe et d’autres.3
Il est rafraîchissant d’assister à ce mélange de cultures urbaines entre des jeunes complètement paumés et sans objectifs. Nous ne les voyons jamais aller à l’école, ou faire des courses, ou simplement faire des activités “normales”. Leur quotidien est rude et inquiétant, et devrait encore moins être subi par des jeunes de 15 ans.

Black est un film  “interdit au moins de 16 ans” et a été interdit de sortie en salle au moins de février, à un moment où le contexte international ne permettait pas la diffusion de ce type de message. Véhiculant beaucoup de violence et de haine, il faisait littéralement peur aux distributeurs. D’autant plus que la fiction, se déroulant à Molenbeek, pouvait être bien trop connotée et faire office de prémonition (pour les plus alarmistes) en plein cœur d’un climat d’affolement évident.

En prenant le film pour ce qu’il est cependant (c’est à dire une fiction), les deux réalisateurs ont atteint une forme de paroxysme de la violence, en prenant pour sujets des jeunes d’une banlieue que nous ne connaissions pas finalement. Ils nous emmènent au cœur du groupe et nous expliquent les dessous de la formation d’un gang. Ce “bizutage” qui n’en est pas un, ce qui rend la chose bien pire car il est fait de manière “amicale” et presque naïve. A base de « tue cet homme » ou “abuse de cette femme”, et “tu seras notre pote”.

Sadisme et naïveté sont entremêlés dans ce film dont la sortie E-cinéma est le 24 juin 2016.

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