La forme de l’eau : explications du film The shape Of Water

L’Amérique de Guillermo Del Toro

Suite au prix reçu au Festival de Venise en septembre 2017, Guillermo Del Toro a fait la tournée des médias pour s’exprimer sur son film. Ses propos permettent d’en savoir plus sur ses intentions. Il a eu l’idée du film en 2011 et a commencé à l’écrire en 2012. On était encore loin de l’Amérique du Président Trump. Et pourtant, le regard que celui-ci porte sur les États-Unis est loin d’être parfait.

Si le film se déroule en 1962 et que l’on retrouve clairement des problématiques de l’époque, on sent, en même temps, vraiment les difficultés que cela peut représenter d’être un étranger, ou le membre d’une minorité, aujourd’hui dans le pays. Guillermo Del Toro est certes un privilégié, il n’en demeure pas moins lui aussi un étranger, et son regard sur le traitement de ses compatriotes notamment, est forcément plus personnel.

Ses personnages principaux sont, chacun à leur manière, « différents » : Une femme qui ne parle pas, Un homme poisson, un artiste et une collègue noire… En surface, les États-Unis du film respirent la confiance et l’optimisme. Ce sont les Etats-Unis, dit Del Toro, que les gens ont en tête quand vous entendez “Make America Great Again”. Mais selon lui “Ils parlent en fait d’une Amérique qui n’a jamais existé ». Et il montre ce côté sombre du pays, déjà, à l’époque.

strickland

“En 1962, tout était idéalisé quant à l’avenir, mais c’est un avenir qui n’a jamais vraiment vu le jour. Les voitures avec des ailerons, les cuisines hyper modernes… mais en 1963 Kennedy est abattu et Camelot s’effondre. Cela n’arrive jamais vraiment. Ce n’est donc pas un film sur 1962. C’est un film qui vous dit que le racisme, les problèmes de classes, les mœurs sexuelles, tout ce qui était en vie en 1962, tout est vivant maintenant. Il n’a jamais disparu.”

Guillermo Del Toro, lui-même ne s’est jamais senti complètement à sa place, qu’elle soit le genre de films qu’il faisait : “Je suis trop plein de genre pour le film d’art et je suis trop plein d’art pour le film commercial. Je suis bizarre ». En tant qu’immigrant, il est souvent amené à se sentir différent dans le quotidien également.

Même en tant qu’enfant, dans son pays, le Mexique, dans sa propre famille catholique orthodoxe stricte, il était l’intrus. «J’ai grandi dans une famille qui vous dit la bonne façon d’agir, de s’habiller, de se comporter, d’être courageux et de faire preuve d’imagination.» Il s’est rebellé et a laissé ses fantasmes s’exprimer en dessinant des bêtes imaginaires et en écrivant des histoires fantastiques. Pour sa grand-mère, il était passé du côté obscur. “J’ai été exorcisé par elle. Deux fois “, se souvient-il. “C’est marrant aujourd’hui, mais ce n’était pas drôle à l’époque. Elle est vraiment allée avec une fiole d’eau bénite et a essayé de m’exorciser pour les choses que je dessinais. J’ai commencé à rire et elle a eu tellement peur que je me moquais de l’eau bénite qu’elle m’a lancée. ”

Le réalisateur a grandi dans un Mexique déchiré par la violence, où «la mort et les cadavres faisaient partie de ma vie quotidienne». “En tant qu’enfant, je savais que les monstres étaient beaucoup plus doux et plus désirables que les monstres qui ont une apparence de “gens sympas “. “Et je pense qu’accepter que vous êtes un monstre vous donne la marge de manoeuvre pour ne pas vous comporter comme tel. Quand vous niez être un monstre, vous vous comportez comme tel.

“C’est un paradoxe très simple que vous comprenez quand vous trouvez cet outil pour vous permette d’arrêter de vous haïr. Il y a des vérités sur soi-même qui sont vraiment mauvaises et difficiles à admettre. Mais quand vous avez enfin le courage de le dire, vous vous libérez. Et les monstres sont une personnification de cela. »

Cette déclaration d’amour aux monstres qui sommeillent en nous, à notre part sombre, rappelle clairement les oeuvres de Tim Burton lorsqu’il a signé ses meilleurs films.

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86 commentaires
  1. J’ai adoré le film et la critique.
    Je me posais des questions à propos de la couleur verte.
    L’artiste se fait refouler pour sa publicité car la gelée est verte et qu’on la veut rouge.
    Elisa est habillé tout le film en vert jusqu’à la nuit passée avec la creature ou elle mettre du rouge.
    La Cadillac n’est pas verte, elle est sarcelle !
    Et le film se finit par le titre qui s’affiche avec la couleur verte. Si vous avez des idées je suis preneur.

  2. A moments donnés, il est distillé et suggéré que :
    – les cicatrices sur le cou d’Elisa résultent d’une opération chirurgicale “sadique”
    – Elisa est une orpheline recueillie tout enfant abandonnée et sauvée in extremis au bord d’un marigot
    – Elisa adore se branler dans son bain
    On peut en déduire qu’Elisa est donc un monstre mutant né avec des branchies, corrigées/mutilées au prix de son mutisme, du même adn que le dieu mexicain aquatique.
    D’où leurs retrouvailles et relations compatibles des plus normales, le dieu guérisseur avatarien (transhumain germain dérivé de notre lointain ancêtre l’homo tetarus) lui redonnant ses facultés amphibiennes pour le happy end des familles converties aux monstres gentils et t héros pas beaux, tolérance vivre ensemble intégration heureuse tout ça tout ça…
    Outre cette propagande ecoco lgbt balancée pour les statuettes dorées, le scénar cousu de fils gras, comporte plusieurs artifices anti logiques, normal vu le parti pris idéologique manichéen inversé, comme cette absurdité de ne pas avoir directement reconduit en estafette notre fishman évadé à l’océan tout proche, plutôt que de le faire faisander dans une baignoire au sel de guérande et le jeter avec classe dans le trop plein d’égoût, du prochain orage bien affiché en caractères gras sur le calendrier google.

  3. Pourquoi les oeufs? Je crois avoir compris pas mal des symboles. Les doigts noircis la voiture abîmée marquant l’impuissance du personnage. La masturbation dans la baignoire qui annonce ensuite l’acte d’amour dans la même pièce. Bref rien n’est arbitraire. Alors pourquoi l’oeuf…?

  4. Attention de ne pas trahir ce très beau débit de poésie comme il est maladroitement commis dans la critique cinématographique un peu plus haut…

    « Incapable de percevoir ta forme, je te trouve tout autour de moindres
    Ta présence emplie mes yeux de ton amour
    Elle rend humble mon cœur, car tu es partout… »

  5. Oups! Erreur du clavier automatique…

    Attention de ne pas trahir ce très beau début de poésie comme il est maladroitement commis dans la critique cinématographique un peu plus haut…

    « Incapable de percevoir ta forme, je te trouve tout autour de moi
    Ta présence emplie mes yeux de ton amour
    Elle rend humble mon cœur, car tu es partout… »

  6. Je me demande qu’est-ce que Elisa a dit à Strickland en language des signes.

  7. Bonjour. Quel est l´auteur du poème à la fin du film?
    La couleur vert représente l’espoir…. il faut toujours croire en son avenir?le flottement

    Le flottement dans la pièce remplie d’eau m’a fait penser au Titanic instantanément , sans savoir pourquoi. ? Continuer comme cela v’est Super.
    Phipadilou

  8. La cpuleur vert sarcelle est typique aux années 50 début 60. Presque tout était de cette couleur. Je me souviens des appareils ménagers et petits électroménager de mes parents tous vert sarcelle. Les affiches des magasin et la voiture de mon père vert sarcelle. C’était la couleur à la mode à cette époque en Amérique.

  9. Personne n’a vu l’ombre de Darwin flotter ? La théorie de l’évolution… Nos propres facultés ignorées, insondées, inexplorées… tout comme le fond des océans… ou de la conscience
    Personne ne songe que ce film est un symbole de vie, de fécondité, d’éternité, entre l’eau et l’œuf, et ce mouvement lancinant, cette vibration perpétuelle que l’eau propage ?
    Personne ne songe que le « vert sarcelles » nous parle des frontières plus que floues entre le bleu et le vert, et nous plonge au cœur de l’englouti, des profondeurs qui restent à découvrir, en nous et autour de nous ?
    Car la couleur n’existe pas… c’est une longueur d’onde
    J’y vois donc un travail d’alchimiste, une lente fusion entre ce que nous avons été, ce que nous sommes, et ce que nous deviendrons, pour peu que nous prenions conscience de notre humanité.
    Ce film, onirique à souhait, est un appel à notre humanité, à ce qui nous fonde, à ce qui nous lie
    Ce qui flotte ici, ce qui nous entoure et nous forge, ce qui clignote bleu comme clignote « mon frère », c’est mon « âme », celle dont je suis incapable de percevoir la forme… qui rend humble… car elle est partout.
    Nous sommes ce que nous décidons d’être, des êtres vils et sans honneur ou bien des héros. Et nul doute que nous sommes à la croisée des chemins. De nos choix personnels découleront d’infinis possibles, des possibles fragiles, en devenir, et qu’il suffit juste de vouloir pour que nos branchies se révèlent et que s’ouvre la porte d’un nouveau monde …

  10. Alors là mon frère je crois que tu devrais lâcher la drogue, retirer ta chemise aux motifs fleuris, enlever la couronne de fleurs que tu portes au cou, enlever le bandeau que tu as autour de la tête, enlever tes petites lunettes rondes, jeter ton macaron “peace and love” entrer dans ta machine à remonter le temps pour quiter les années 60 et revenir en 2018 ????

  11. DOG 6256 : Il y aurait un moyen de te contacter, pour discuter d’avantage de ton point de vu ?

  12. Bravo pour les commentaires, il y en a qui vont loin…Moi aussi je suis romantique et je vois la créature et la belle vivrent heureux au fond de l’océan…Guillermo del toro est un cinéaste de l’amour, ses films baignent dans un onirisme qui me fait penser à Cocteau et la fin du film quand ils s’enlacent et s’embrassent me fait penser à la fin de la Belle et la bête du dit Cocteau…Merci M Del toro de nous faire rêver…Il était une fois…

  13. A Michèle Sauvage : JE SUIS UNE FILLE pour le cas où le message s’adressait à moi. A Yunity : comment fait-on? Je ne souhaite pas spécialement donner mes coordonnées ici sur le web… ???

  14. Un pan important de l’analyse devrait concerner la dimension mythologique :
    – le cinéma Orpheus, et la créature à la fin qui, tel Orphée, essaie de ramener à la vie son Eurydice/Elisa,
    – ce même cinéma qui diffuse le film du Livre de Ruth (grand-mère du Roi David),
    – Samson et Dalila, bien sûr,
    – les chats de Giles (Thor, Pandore, etc.)
    Il y a tant et tant de références à ces récits anciens…

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